Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de son absence de relogement. Par un jugement n° 2213181 du 14 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 2 500 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 24 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Marlange, de la Burgade, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet du pourvoi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Erwan Le Bras, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 janvier 2020, la commission de médiation de Paris a reconnu M. A... comme prioritaire et devant être logé en urgence, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation. Par un jugement du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris, saisi par M. A... sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 441-2-3-1 du même code, a enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, d'assurer son relogement. Aucune offre de logement ne lui ayant été faite, M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de son absence de relogement. M. A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif a statué sur sa demande en ce qu'il limite à 2 500 euros l'indemnité qui lui est allouée en réparation du préjudice né de la carence fautive de l'Etat.
Sur le pourvoi :
2. Lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et comme devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, alors même que l'intéressé n'a pas fait usage du recours en injonction contre l'Etat prévu par l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ; que ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court à compter de l'expiration du délai de trois ou six mois à compter de la décision de la commission de médiation que les dispositions de l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation impartissent au préfet pour provoquer une offre de logement.
3. Il ressort des termes du jugement attaqué que, ayant constaté que le préfet n'avait pas proposé un relogement à M. A... dans le délai prévu par le code de la construction et de l'habitation, le tribunal administratif de Paris a jugé que cette carence était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État à son égard à compter du 4 septembre 2021.
4. Or, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que la décision de la commission de médiation étant intervenue le 9 janvier 2020, c'est à compter du 9 juillet 2020 que, eu égard aux règles énoncées ci-dessus, la carence de l'Etat à reloger M. A... est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité. En retenant l'engagement de la responsabilité de l'Etat à compter du 4 septembre 2021 au lieu du 9 juillet 2020, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande d'indemnisation :
7. Il résulte de l'instruction que M. A... continue à vivre dans le logement de 33 m² qu'il louait en juillet 2020 lorsque la commission de médiation a constaté que ce logement, qu'il occupait avec son épouse et ses deux filles, nées les 16 août 2002 et 12 juin 2008, était suroccupé. Il résulte des règles énoncées ci-dessus que la carence de l'Etat à le reloger ouvre droit à son indemnisation. Compte tenu des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat depuis le 9 juillet 2020, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence dont la réparation incombe à l'Etat en condamnant celui-ci à verser à M. A... une somme de 4 500 euros, tous intérêts compris au jour de la présente décision.
Sur les frais d'instance :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Marlange de la Burgade, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... une indemnité de 4 500 euros, tous intérêts compris au jour de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à la SCP Marlange de la Burgade une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 décembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Erwan Le Bras, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 19 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Erwan Le Bras
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras