Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le syndicat mixte du bassin versant du Réart à lui verser la somme de 224 583,66 euros HT en réparation des préjudices qui lui auraient été causés par des inondations survenues entre 2014 et 2020. Par un jugement n° 1901586 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22TL00605 du 21 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a, sur appel de Mme B..., annulé ce jugement, condamné le syndicat mixte du bassin versant du Réart à lui verser la somme de 7 895,42 euros TTC, enjoint à ce syndicat de réaliser, dans un délai de douze mois à compter de la notification de l'arrêt, des travaux de réfection des digues au droit des parcelles de Mme B... ayant fait l'objet d'inondations et mis les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 13 457,20 euros TTC à la charge définitive de ce syndicat.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 22 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat mixte du bassin versant du Réart demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat du syndicat mixte du bassin versant du Réart et à Me Balat, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1.Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... a fait l'acquisition, entre 2003 et 2014, d'une propriété, qu'elle exploite comme agricultrice, qui longe le " Réart ", un affluent de l'étang de Canet-Saint-Nazaire. Ayant subi plusieurs inondations entre 2014 et 2020 sur certaines de ses parcelles, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le syndicat mixte du bassin versant du Réart à lui verser la somme de 224 583,66 euros HT en réparation des préjudices qui lui auraient été causés et d'enjoindre à ce syndicat la réalisation de travaux de réfection des berges et de curage du lit du Réart de nature à remédier aux désordres subis. Par un jugement du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande. Par un arrêt du 21 novembre 2023, contre lequel le syndicat mixte du bassin versant du Réart se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Toulouse a, sur appel de Mme B..., annulé ce jugement, condamné le syndicat à lui verser la somme de 7 895,42 euros TTC et enjoint à ce syndicat de réaliser, dans un délai de douze mois à compter de la notification de l'arrêt, des travaux de réfection des digues au droit des parcelles de Mme B....
2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; /2°La protection des eaux et la lutte contre toute pollution (...) ; /3°La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; (...) II. La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : / 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; / 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées (...) ". Selon l'article L. 211-7 du même code : " I. -Les collectivités territoriales et leurs groupements, tels qu'ils sont définis au deuxième alinéa de l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les établissements publics territoriaux de bassin prévus à l'article L. 213-12 du présent code peuvent, sous réserve de la compétence attribuée aux communes par le I bis du présent article, mettre en œuvre les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, s'il existe, et visant : / 1° L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ; / 2° L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau (...) 5° La défense contre les inondations et contre la mer ; (...) 8° La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines (...) I bis.- Les communes sont compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Cette compétence comprend les missions définies aux 1°, 2°, 5° et 8° du I. A cet effet, elles peuvent recourir à la procédure prévue au même I ". Aux termes de l'article L.213-12 du même code : " (...) V. - Les établissements publics territoriaux de bassin et les établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau constitués conformément au présent article ainsi que les syndicats mixtes mentionnés au VII bis exercent, par transfert ou par délégation opéré dans les conditions prévues à l'article L. 5211-61 du code général des collectivités territoriales et conformément à leurs objectifs respectifs, l'ensemble des missions relevant de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, définie au I bis de l'article L. 211-7 du présent code, ou certaines d'entre elles, en totalité ou partiellement, sur tout ou partie du territoire de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre concerné (...) ".
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a jugé que le syndicat mixte du bassin versant du Réart avait, en ne procédant pas au curage du Réart, commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier du contrat de bassin versant de l'étang de Canet Saint-Nazaire conclu au titre des années 2017 à 2022, et il n'est au demeurant pas contesté que l'absence de curage du Réart résulte d'un choix délibéré des collectivités compétentes et de l'Etat visant à restaurer le delta du Réart à son embouchure avec l'étang de Canet Saint-Nazaire, afin notamment de lutter contre la dynamique de comblement de l'étang et de réduire les risques d'inondation des communes riveraines en aménageant des zones d'expansion des crues sur l'aval du cours d'eau. Dès lors, d'une part, que les objectifs ainsi poursuivis sont conformes à ceux fixés par les dispositions du code de l'environnement, notamment son article L. 211-7, pour l'exercice de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations et, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ce choix de gestion du Réart ne serait pas de nature à permettre l'atteinte de ces objectifs, en retenant l'absence de curage du Réart était constitutif d'une faute du syndicat dans l'application de ces dispositions, la cour a inexactement qualifié les faits.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le syndicat mixte du bassin versant du Réart est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros à verser au syndicat mixte du bassin versant du Réart au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de celui-ci, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 21 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Toulouse.
Article 3 : Mme B... versera au syndicat mixte du bassin versant du Réart une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte du bassin versant du Réart et à Mme A... B....