Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... C... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 11 janvier 2024 rapportant le décret du 20 octobre 2017 lui accordant la nationalité française ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant algérien, a déposé une demande de naturalisation auprès de la préfecture du Rhône, le 25 janvier 2016, par laquelle il a indiqué être divorcé. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 20 octobre 2017, publié au Journal officiel de la République française du 22 octobre 2017. Toutefois, par bordereau reçu le 12 janvier 2022, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations de ce que M. C... avait épousé à Chlef (Algérie), le 13 juillet 2017, Mme B... A..., ressortissante algérienne résidant habituellement à l'étranger. Par décret du 11 janvier 2024, publié au Journal officiel de la République française du 12 janvier 2024, le Premier ministre a rapporté le décret du 20 octobre 2017 prononçant la naturalisation de M. C... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale. M. C... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
3. Aux termes de l'article 21-16 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative prend notamment en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a contracté mariage à Chlef (Algérie), le 13 juillet 2017, avec Mme B... A..., ressortissante algérienne résidant habituellement à l'étranger. Ce mariage a constitué un changement de sa situation familiale que l'intéressé aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme il s'y était engagé lors du dépôt de cette demande. M. C... soutient qu'en l'absence de mauvaise foi de sa part, c'est à tort que le Premier ministre a retenu l'existence d'une fraude en application de l'article 27-2 du code civil. L'intéressé, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du compte rendu de l'entretien d'assimilation du 9 juin 2016, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée. M. C... s'est abstenu d'informer l'autorité administrative d'un changement de situation personnelle qui était de nature à modifier l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la condition de résidence posée à l'article 21-6 du code civil. Dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le Premier ministre n'a pas inexactement appliqué les dispositions de l'article 27 2 du code civil.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 11 janvier 2024 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 20 octobre 2017.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 décembre 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.
Rendu le 17 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
Le rapporteur :
Signé : M. Hadrien Tissandier
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy