La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2024 | FRANCE | N°492209

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 16 décembre 2024, 492209


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 24 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable du 6 décembre 2023 de la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature sur sa demande de détachement judiciaire sur le fondement de l'article 41 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

<

br>
2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de mettre à la d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 24 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable du 6 décembre 2023 de la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature sur sa demande de détachement judiciaire sur le fondement de l'article 41 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de mettre à la disposition du Conseil d'Etat l'enregistrement de l'entretien du 13 novembre 2023 ayant précédé cet avis.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 41 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction alors applicable : " Les membres des corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration et les professeurs et les maîtres de conférences des universités peuvent, dans les conditions prévues aux articles suivants, faire l'objet d'un détachement judiciaire pour exercer les fonctions des premier et second grades (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., maître de conférences en droit à l'université de Strasbourg, qui a été détaché à partir du 1er septembre 2009 en qualité de substitut du procureur auprès du Tribunal spécial pour le Liban, a présenté sa candidature à un détachement judiciaire au titre des articles 41 et suivants de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Par une décision n° 467115 du 28 avril 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'avis défavorable à cette candidature émis le 5 juillet 2022 par la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature pour insuffisance de motivation et, d'autre part, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de faire procéder à un réexamen par la commission d'avancement de la demande de détachement de M. A... dans le corps judiciaire, dans un délai de deux mois. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'avis du 6 décembre 2023 par lequel la commission d'avancement a émis un nouvel avis défavorable à sa candidature à un détachement judiciaire.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Il est institué une commission chargée de dresser et d'arrêter le tableau d'avancement. Cette commission est commune aux magistrats du siège et du parquet ". En vertu de l'article 41-2 de la même ordonnance : " Le détachement judiciaire est prononcé, après avis conforme de la commission instituée à l'article 34, par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, et, le cas échéant, conjoint du ministre dont relève le corps auquel appartient l'intéressé. Toute décision de la commission défavorable au détachement judiciaire est motivée. La commission détermine les fonctions auxquelles peut être nommée la personne détachée ". Selon l'article 31-1 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de ces dispositions : " Lorsqu'elle statue en application des articles 18-1, 25-2, 40 et 41-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 (...), la commission prévue à l'article 34 de cette ordonnance peut, si elle l'estime nécessaire au vu du dossier d'un candidat, procéder à une audition de ce dernier ou désigner à cette fin un ou plusieurs de ses membres ".

4. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 3 que si elle n'y est pas tenue à peine d'irrégularité de la procédure, il est loisible à la commission d'avancement de procéder, lorsqu'elle l'estime nécessaire, à l'audition d'un candidat au détachement dans le corps. Il en résulte que la commission d'avancement pouvait, comme elle l'a fait, décider d'auditionner M. A... le 13 novembre 2023 avant d'émettre l'avis attaqué, de sorte qu'il ne peut être utilement soutenu que cette audition n'était ni nécessaire ni justifiée.

5. En deuxième lieu, la circonstance que la demande de détachement de l'intéressé a fait l'objet d'un nouvel examen par la commission d'avancement intervenu après l'expiration du délai de deux mois prescrit par la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 28 avril 2023 est sans incidence sur la légalité de l'avis attaqué. Le requérant ne peut davantage utilement soutenir que la décision serait irrégulière faute pour l'administration de lui avoir proposé de tenir une audition soit à une autre date, soit à distance, pendant ce délai de deux mois.

6. En troisième lieu, il ressort des écritures du requérant que les questions posées, lors de l'audition du 13 novembre 2023, par les membres de la commission d'avancement portaient notamment sur la nomination des magistrats, la procédure civile, les enquêtes administratives ou encore le droit civil. Le moyen tiré de ce que ces questions seraient dépourvues de tout critère scientifique ou objectif manque en fait. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la commission d'avancement auraient méconnu les principes d'impartialité et de neutralité dans l'exercice de leur mission.

7. En quatrième lieu, l'avis litigieux indique notamment que la méconnaissance par M. A... de l'institution judiciaire, en particulier du statut des magistrats, ainsi que ses lacunes en droit civil et en procédure civile révèlent une absence de polyvalence de nature à conduire à un avis défavorable à sa candidature à un détachement judiciaire sur le fondement de l'article 41 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que cet avis, qui n'avait pas à détailler le contenu de l'audition du 13 novembre 2023 l'ayant précédé, serait insuffisamment motivé.

8. En cinquième lieu, si M. A..., titulaire d'une licence et d'une maîtrise de droit ainsi que d'un diplôme d'études approfondies de sciences criminelles et d'un doctorat en droit, a enseigné pendant près de vingt-cinq ans le droit pénal ainsi que la procédure pénale à l'université de Strasbourg et s'il a rejoint, à compter de 2009, le parquet du Tribunal spécial des Nations unies pour le Liban, il ressort des pièces du dossier que la procédure suivie devant cette juridiction emprunte essentiellement au droit libanais. En outre, si les avis émis respectivement par le procureur général près la cour d'appel de Paris et le président du tribunal judiciaire de Paris indiquent être favorables à la candidature du requérant, c'est sous la réserve que lui soient confiées des fonctions limitées au droit pénal et à la procédure pénale, en rappelant que la nature des affaires susceptibles de lui être confiées sera " très éloignée " de son expérience professionnelle. Il suit de là que la commission d'avancement n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en émettant un avis défavorable à la candidature du requérant à un détachement judiciaire.

9. Il résulte de tout de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'avis de la commission d'avancement qu'il attaque. La présente décision n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. A... à fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 novembre 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 16 décembre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. David Gaudillère

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 492209
Date de la décision : 16/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2024, n° 492209
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492209.20241216
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award