Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 mars 2024 par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a prononcé la clôture de sa plainte relative au traitement de ses données à caractère personnel par la préfecture de la Haute-Savoie et le ministère de l'intérieur ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie et au ministre de l'intérieur, d'une part, de retirer du fichier relatif au traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) les informations le concernant ayant été consultées en violation de l'article 230-8 du code de procédure pénale, et, d'autre part, de procéder au réexamen de sa demande de naturalisation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, saisi par M. B... d'une requête en effacement des informations inscrites au fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ), le procureur de la République territorialement compétent a ordonné, par une décision du 17 mars 2023, le maintien de ces données avec l'inscription d'une mention faisant obstacle à leur consultation dans le cadre des enquêtes administratives. Par un courrier du 5 juin 2023, le préfet de la Haute-Savoie a refusé d'accorder la nationalité française à M. B... et ajourné sa demande à quatre ans, en invoquant les infractions inscrites au TAJ le concernant en qualité d'auteur. Par une décision du 15 septembre 2023, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique formé par M. B... contre la décision du 5 juin 2023, pour les mêmes motifs que la décision contestée, et a réduit la durée d'ajournement à trois ans. M. B... a saisi la CNIL d'une plainte relative au traitement de ses données personnelles par le préfet de la Haute-Savoie et le ministre de l'intérieur. Par une décision du 29 mars 2024, la CNIL a informé le requérant de ce qu'une erreur technique, révélée par l'instruction, avait rendu les informations inscrites au TAJ le concernant accessibles dans le cadre des enquêtes administratives, que cette erreur avait été corrigée, et a procédé à la clôture de la plainte. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.
2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " I.- La Commission nationale de l'informatique et des libertés est une autorité administrative indépendante. Elle est l'autorité de contrôle nationale au sens et pour l'application du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016. Elle exerce les missions suivantes :/ (...) 2° Elle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en œuvre conformément aux dispositions de la présente loi et aux autres dispositions relatives à la protection des données personnelles prévues par les textes législatifs et réglementaires, le droit de l'Union européenne et les engagements internationaux de la France. À ce titre :/ (...) d) Elle traite les réclamations, pétitions et plaintes introduites par une personne concernée ou par un organisme, une organisation ou une association, examine ou enquête sur l'objet de la réclamation, dans la mesure nécessaire, et informe l'auteur de la réclamation de l'état d'avancement et de l'issue de l'enquête dans un délai raisonnable, notamment si un complément d'enquête ou une coordination avec une autre autorité de contrôle est nécessaire (...) ".
3. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 qu'il appartient à la CNIL de procéder, lorsqu'elle est saisie d'une plainte ou d'une réclamation tendant à la mise en œuvre de ses pouvoirs, à l'examen des faits qui en sont à l'origine et de décider des suites à leur donner. Elle dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu'elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l'ont été et, plus généralement, de l'ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. L'auteur d'une plainte peut déférer au juge de l'excès de pouvoir le refus de la CNIL d'y donner suite. Il appartient au juge de censurer celui-ci, le cas échéant, pour un motif d'illégalité externe et, au titre du bien-fondé de la décision, en cas d'erreur de fait ou de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour demander l'annulation de la décision qu'il attaque, M. B... se borne à soutenir que la CNIL n'a pas pris en compte la circonstance que des informations le concernant avaient été illégalement consultées par les services de la préfecture de la Haute-Savoie et du ministère de l'intérieur, conduisant à opposer un refus à sa demande de naturalisation. Toutefois, si l'autorité compétente ne peut légalement fonder le rejet ou l'ajournement d'une demande de naturalisation sur des informations qui seraient uniquement issues d'une consultation des données personnelles figurant dans le TAJ à laquelle elle aurait illégalement procédé, et s'il était loisible à M. B... de contester pour ce motif le refus qui lui a été opposé, une telle circonstance n'implique pas, par elle-même, que la décision de la CNIL de clôturer la plainte dont elle était saisie, après avoir constaté que le manquement avait été corrigé, soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision de la CNIL méconnaîtrait son " droit à l'oubli " et son droit à un recours effectif.
5. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 octobre 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat-rapporteur
Rendu le 13 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Jean de L'Hermite
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville