Vu la procédure suivante :
Mme B... D..., agissant en son nom propre et au nom de son enfant mineur M. C... A..., a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler les décisions du 14 mai 2021 par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leur demande d'asile et, d'autre part, de leur reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n° 21038523 et 21038918 du 30 novembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir joint les demandes dont elle était saisie, a, d'une part annulé la décision de l'OFPRA concernant C... A... et lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et, d'autre part, rejeté la demande concernant Mme D....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 29 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux décisions du 14 mai 2021, l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de faire droit à la demande de Mme D..., agissant en son nom et en celui de son fils mineur, C... A..., de nationalité guinéenne, tendant à ce que leur soit reconnu la qualité de réfugié ou, à défaut, que leur soit accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision du 30 novembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à la demande de protection subsidiaire présentée au nom de cet enfant et rejeté la demande concernant Mme D.... L'OFPRA se pourvoit contre cette décision en tant qu'elle lui est défavorable.
Sur le pourvoi en tant qu'il concerne E... A... :
2. Il ressort des pièces du dossier que la Cour nationale du droit d'asile a, par une décision du 29 juillet 2024, octroyé le bénéfice de l'asile à E... A..., la fille mineure de Mme D.... Par suite, il n'y a plus lieu de se prononcer sur le pourvoi de l'OFPRA en tant qu'il est dirigé contre l'abstention de la Cour nationale du droit d'asile de statuer sur la demande d'asile présentée par la requérante au nom de sa fille mineure.
Sur le pourvoi en tant qu'il concerne C... A... :
3. L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : / (...) / 2° La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. Pour statuer sur l'octroi de la protection subsidiaire au fils mineur de la requérante, C... A..., la Cour nationale du droit d'asile a relevé, conformément aux sources d'informations publiques pertinentes disponibles, que les enfants nés hors mariage en Guinée constituent une population particulièrement vulnérable aux violences familiales, sans que les autorités soient en mesure d'endiguer le phénomène. Il ressort également des énonciations de la décision attaquée que cet enfant est né hors mariage, que sa mère, issue d'une famille attachée aux traditions, a fait l'objet de menaces et graves violences lorsque sa première grossesse hors mariage en Guinée a été découverte, et que les craintes relatives à l'attitude des proches de la requérante à l'égard de son fils sont apparues plausibles. En estimant que l'enfant serait, en cas de retour, exposé à des atteintes graves justifiant l'octroi de la protection subsidiaire en raison de son statut d'enfant né hors mariage, la Cour nationale du droit d'asile a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Il s'ensuit que l'OFPRA n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision en tant qu'elle annule sa décision relative au fils mineur de Mme D... et lui octroie le bénéfice de la protection subsidiaire.
Sur les frais du litige :
5. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Zribi, Texier, avocat de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 000 euros à verser à cette société.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de se prononcer sur le pourvoi de l'OFPRA en tant qu'il est dirigé contre l'abstention de la Cour nationale du droit d'asile à statuer sur la demande d'asile présentée par Mme D... au nom de sa fille mineure.
Article 2 : Le surplus du pourvoi de l'OFPRA est rejeté.
Article 3 : L'OFPRA versera à la société Zribi, Texier, avocat de Mme D..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à Mme B... D....
Délibéré à l'issue de la séance du 24 octobre 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 13 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Jean de L'Hermite
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville