Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 3 juin 2024 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 2409232 du 31 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 août, 11 septembre et 24 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Me Galy, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Goyet, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Galy Isabelle, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A..., ressortissant ivoirien, a sollicité, le 24 octobre 2022, le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 3 juin 2024, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 juillet 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par les moyens qu'il invoque, il doit être regardé comme demandant l'annulation de cette ordonnance en tant seulement que celle-ci a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler.
Sur le pourvoi :
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ".
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme d'ailleurs d'un retrait de celui-ci. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse.
4. Pour rejeter pour défaut d'urgence les conclusions de M. A... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 3 juin 2024 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir relevé l'existence en la matière d'une présomption d'urgence, a estimé que, dans les circonstances particulières de l'espèce, la condition d'urgence devait être regardée comme n'étant pas remplie.
5. En se prononçant ainsi, sans exposer les éléments qui le conduisaient en l'espèce à écarter la présomption d'urgence applicable à une décision de refus de renouvellement de titre de séjour et alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le préfet des Hauts-de-Seine, qui n'avait pas produit à l'instance, n'avait pas fait valoir de circonstances particulières justifiant de renverser cette présomption, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a insuffisamment motivé son ordonnance et commis une erreur de droit.
6. M. A... est, dès lors et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque en tant qu'elle rejette ses conclusions à fin de suspension de l'exécution de la décision portant refus de séjour et à fin d'injonction.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande de suspension :
8. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'urgence à suspendre une décision de refus de renouvellement de titre de séjour doit, en principe, être constatée. Le ministre de l'intérieur fait valoir devant le Conseil d'Etat que cette présomption devrait être écartée, en l'espèce, car le requérant se serait lui-même placé en situation d'urgence en s'abstenant de contester le rejet implicite de sa demande né du silence gardé pendant quatre mois par l'administration sur sa demande. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'ont été délivrés au requérant pendant deux ans des récépissés lui permettant de se maintenir régulièrement en France et d'y travailler, dans l'attente de la réponse à sa demande. Le ministre de l'intérieur ne saurait donc sérieusement soutenir que le requérant aurait dû contester plus tôt une décision qu'il a tardé pendant deux ans à prendre. Si le ministre fait également valoir que la présence en France du requérant représente une menace pour l'ordre public, il ne l'établit pas. Par suite, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.
9. En second lieu, la décision de refus du renouvellement de son titre de séjour dont M. A... demande la suspension est motivée par le fait que celui-ci " en raison de son comportement antérieur, (...) a porté une atteinte grave à l'ordre public ". Les moyens tirés de ce que cette décision, faute d'indiquer les considérations de fait qui la fondent, est, d'une part, insuffisamment motivée et, d'autre part, entachée d'une erreur d'appréciation sur l'existence du trouble grave à l'ordre public invoqué paraissent, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la demande, que M. A... est fondé à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté attaqué en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour. En l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la demande de M. A... et, dans l'attente, de lui délivrer, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
11. M. A... a obtenu, pour se pourvoir en cassation, le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Galy, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me Galy. Par ailleurs, M. A... n'ayant pas demandé en première instance le bénéfice de l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à celui-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour ses frais liés à l'instance devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 31 juillet 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de M. A... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 3 juin 2024 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de renouveler son titre de séjour et à ce qu'il soit enjoint à ce préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 3 juin 2024 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A... est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la demande de M. A... et, dans un délai de quinze jours à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Galy la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A... est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.