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12/12/2024 | FRANCE | N°479112

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 12 décembre 2024, 479112


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions du 2 juin 2022 par lesquelles la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Hauts-de-Seine a rejeté ses recours à l'encontre de la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé et d'orientation professionnelle vers le marché du travail. Par un jugement n° 2209229 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



1°) Sous le n° 479112, par un

pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 août et 23 novembre 2023 et l...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions du 2 juin 2022 par lesquelles la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Hauts-de-Seine a rejeté ses recours à l'encontre de la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé et d'orientation professionnelle vers le marché du travail. Par un jugement n° 2209229 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

1°) Sous le n° 479112, par un pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 août et 23 novembre 2023 et le 30 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°) Sous le n° 482104, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 août et 10 novembre 2023 et le 16 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... conclut aux mêmes fins que la requête présentée sous le n° 479112, par les mêmes moyens.

Le pourvoi a été communiqué à la maison départementale des personnes handicapées, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Le département des Hauts-de-Seine a produit des observations, enregistrées le 9 avril 2024.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, Mme A... demande l'annulation du jugement du 14 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 2 juin 2022 par lesquelles la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Hauts-de-Seine a rejeté ses recours à l'encontre de la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé et d'orientation professionnelle vers le marché du travail.

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". L'article R. 611-1 du même code prévoit que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 772-5 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi (...) ". Aux termes de l'article R. 772-9 du même code : " La procédure contradictoire peut être poursuivie à l'audience sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête. / L'instruction est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. Toutefois, afin de permettre aux parties de verser des pièces complémentaires, le juge peut décider de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il les avise par tous moyens. / L'instruction fait l'objet d'une réouverture en cas de renvoi à une autre audience ".

4. L'article R. 772-9 du code de justice administrative déroge à certaines règles de droit commun de la procédure administrative contentieuse, eu égard aux spécificités de l'office du juge en matière de contentieux sociaux régis par les articles R. 772-5 et suivants de ce code, en fixant des règles dérogeant à celles de l'article R. 613-2 pour la clôture de l'instruction et en assouplissant les contraintes de la procédure écrite par la possibilité pour le juge de laisser se poursuivre à l'audience un débat contradictoire sur des éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit. Il reste que le respect du caractère contradictoire de la procédure et des dispositions citées au point 2 impose que la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur, ainsi que les autres productions si elles contiennent des éléments nouveaux, soient communiqués aux parties en leur laissant un délai suffisant, au besoin en reportant à cette fin la date de l'audience, pour qu'elles puissent en prendre connaissance et éventuellement y répondre, que ce soit par la production d'un nouveau mémoire avant la clôture de l'instruction ou, le cas échéant, en cette matière, par la présentation à l'audience d'observations orales sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête.

5. Il ressort des pièces du dossier du tribunal administratif de Cergy-Pontoise que, après que l'affaire de Mme A... a été inscrite au rôle de l'audience publique de ce tribunal, convoquée le 31 mai 2023, un premier mémoire présenté par le département des Hauts-de-Seine a été enregistré le 26 mai 2023, alors que l'instruction, par application des dispositions de l'article R. 772-9 du code de justice administrative, n'était pas close, et a été communiqué à Mme A... par un courrier du 30 mai 2023, soit la veille de l'audience. Mme A... ne pouvait dès lors pas prendre connaissance avant la tenue de l'audience de ce mémoire, qui était le seul produit par l'administration dans l'instance et répondait de manière détaillée aux moyens soulevés par la requête. Il suit de là que Mme A... est fondée à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu, sans qu'ait d'incidence ni la circonstance qu'elle ait annoncé, par un courrier enregistré au tribunal le 25 mai 2023, ne pas pouvoir être présente ni représentée à l'audience du 31 mai 2023, ni, en tout état de cause, le fait que le tribunal ait, par une ordonnance du 30 mai 2023, différé la clôture d'instruction au 7 juin 2023. Par suite le jugement contesté doit être annulé, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen soulevé par Mme A....

6. Les conclusions présentées par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être regardées comme dirigées contre la maison départementale des personnes handicapées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la maison départementale des personnes handicapées des Hauts-de-Seine le versement d'une somme de 3000 euros à Mme A... au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 14 juin 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 3 : La maison départementale des personnes handicapées des Hauts-de-Seine versera à Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... et à la maison départementale des personnes handicapées.

Copie en sera adressée au département des Hauts-de-Seine.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; M. Edouard Geffray, conseiller d'Etat et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Luc Nevache

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 479112
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2024, n° 479112
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Noël
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:479112.20241212
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