Vu la procédure suivante :
Le préfet de la Corse-du-Sud a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia d'ordonner la liquidation de l'astreinte dont l'ordonnance n° 2400843 du 8 août 2024 du juge des référés du même tribunal a assorti l'injonction adressée à Mme B... A... et à la société à responsabilité limitée (SARL) A Stagnola d'évacuer sans délai l'emplacement qu'elles occupent sans autorisation sur la plage de Stagnola, située sur le territoire de la commune de Pietrosella (Corse-du-Sud), et de retirer les ouvrages qu'elles y ont installés, sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard chacune à compter de la notification de l'ordonnance.
Par une ordonnance n° 2401099 du 1er octobre 2024, la juge des référés de ce tribunal a condamné, au titre de la liquidation de l'astreinte, la société A Stagnola et Mme A... à verser chacune à l'Etat une somme de 20 000 euros.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 octobre et 20 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... et la société A Stagnola demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de Mme A... et de la société A Stagnola ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la juge des référés du tribunal administratif de Bastia que par une ordonnance du 8 août 2024, un juge des référés de ce même tribunal a enjoint à Mme A... et à la société A Stagnola d'évacuer sans délai l'emplacement qu'elles occupent sans autorisation sur la plage de Stagnola, située sur le territoire de la commune de Pietrosella, et de retirer les ouvrages qu'elles y ont installés, sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard à compter de sa notification. Mme A... et la société A Stagnola se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 1er octobre 2024 par laquelle la présidente de ce tribunal, statuant en référé et après avoir relevé qu'elles continuaient d'occuper les lieux à la date du 20 août 2024, les a condamnées à verser à l'Etat la somme de 20 000 euros chacune au titre de l'astreinte due pour la période du 13 au 20 août 2024.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Aux termes de l'article L. 5 du même code : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Enfin, aux termes de l'article L. 522-1 de ce code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ".
3. Le juge des référés qui statue, d'office ou à la demande d'une partie, sur la liquidation d'une astreinte dont il a assorti l'injonction faite à l'une des parties, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'évacuer une dépendance du domaine public, n'est pas tenu de compléter l'instruction écrite par la tenue d'une audience. Il doit toutefois s'assurer du caractère contradictoire de la procédure.
4. En premier lieu, il ressort des pièces de la procédure que Mme A... et la société A Stagnola ont accusé réception le 11 septembre 2024 de la requête, communiquée par le tribunal administratif de Bastia, par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud demandait au juge des référés de liquider l'astreinte prononcée à leur encontre pour la période du 13 au 20 août 2024, au motif qu'elles continuaient d'occuper irrégulièrement le domaine public maritime à cette dernière date. Le courrier par lequel le tribunal leur a transmis cette requête leur impartissait un délai de quinze jours pour produire leurs observations en défense. Par suite, l'ordonnance attaquée, rendue le 1er octobre 2024 sans que soit tenue une audience publique, n'a pas été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que l'avocat des contrevenantes n'a pas produit le mémoire en défense qu'il a, par courriel du 20 septembre 2024 signalant à la juridiction qu'il avait été désigné, annoncé vouloir " préparer rapidement ".
5. En second lieu, si les requérantes allèguent qu'elles auraient exécuté l'injonction prononcée par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia dans son ordonnance du 8 août 2024, au motif que le constat dressé le 20 août 2024 par les agents de la direction de la mer et du littoral de Corse relevait la présence de seulement cinq matelas et trois parasols sur la partie de la plage occupée irrégulièrement et que ses matelas et parasols auraient été installés là par d'autres personnes que les requérants, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier soumis à la juge des référés, et notamment de ce constat et des photos dont il est assorti, qu'outre l'installation sur la plage de cinq matelas et de trois parasols appartenant à la société, de nombreux autres mobiliers de plage appartenant à la société sont pliés et empilés sur le domaine public maritime, en méconnaissance de cette injonction. Il ressort également des pièces du dossier que les requérantes occupent les dépendances litigieuses du domaine public maritime sans autorisation depuis le 15 octobre 2021, et qu'elles ont fait l'objet depuis cette date de trois procédures de contravention de grande voirie. Par suite, la juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son ordonnance de dénaturation en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de modérer les astreintes de 20 000 euros prononcées respectivement à l'encontre de Mme A... et de la société A Stagnola.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de Mme A... et de la société A Stagnola est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A..., à la société à responsabilité limitée A Stagnola, au ministre de l'intérieur et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 10 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
La rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
Le secrétaire :
Signé : M. Aurélien Engasser