Vu la procédure suivante :
M. D... B... et Mme C... B..., agissant en leur qualité de tuteurs de leur fils M. E... B..., majeur protégé, ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 6 janvier 2021 par laquelle le président du conseil départemental des Hautes-Alpes a fixé à 13 euros la participation financière de M. E... B... à son accueil de jour, ainsi que le rejet de leur recours administratif préalable. Par un jugement n° 2105215 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2023 et le 23 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge du département des Hautes-Alpes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de M. et Mme B... et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du département des Hautes-Alpes ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. E... B... est accueilli en qualité de personne handicapée pendant 217 jours par an au sein du service d'activité et d'accompagnement de jour Les Ecrins à Gap, sous la forme d'un accueil de jour selon un mode séquentiel, accueil pour lequel il bénéficie d'une prise en charge par l'aide sociale départementale. En leur qualité de co-tuteurs de leur fils, A... et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation de la décision du 6 janvier 2021, confirmée le 21 avril 2021 sur leur recours administratif préalable, par laquelle le président du conseil départemental des Hautes-Alpes a fixé à 13 euros le montant de la participation journalière de l'intéressé pour son hébergement en accueil de jour au titre de l'aide sociale. Par un jugement du 25 mai 2023 contre lequel ils se pourvoient en cassation, le tribunal a rejeté leur demande.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) / 7° Les établissements et les services, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge (...) / Les établissements et services sociaux et médico-sociaux délivrent des prestations à domicile, en milieu de vie ordinaire, en accueil familial ou dans une structure de prise en charge. Ils assurent l'accueil à titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel, à temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement, en internat, semi-internat ou externat (...) ". En vertu de l'article L. 344-5 du même code : " Les frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés (...) au 7° du I de l'article L. 312-1, (...) sont à la charge : / 1° A titre principal, de l'intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d'un minimum fixé par décret et par référence à l'allocation aux handicapés adultes (...) ; / 2° Et, pour le surplus éventuel, de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l'obligation alimentaire à l'égard de l'intéressé (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 344-29 de ce code : " Toute personne handicapée qui est accueillie de façon permanente ou temporaire, à la charge de l'aide sociale, dans un établissement de rééducation professionnelle fonctionnant en internat, dans un foyer-logement ou dans tout autre établissement d'hébergement pour personnes handicapées doit s'acquitter d'une contribution qu'elle verse à l'établissement ou qu'elle donne pouvoir à celui-ci d'encaisser. / Cette contribution, qui a pour seul objet de couvrir tout ou partie des frais d'hébergement et d'entretien de la personne handicapée, est fixée par le président du conseil départemental ou le préfet ou le directeur général de l'agence régionale de santé, au moment de la décision de prise en charge, compte tenu des ressources du pensionnaire, de telle sorte que celui-ci puisse conserver le minimum fixé en application du 1° de l'article L. 344-5. Elle peut varier ultérieurement selon l'évolution des ressources mensuelles de l'intéressé. / L'aide sociale prend en charge les frais d'hébergement et d'entretien qui dépassent la contribution du pensionnaire ". L'article D. 344-35 du même code prévoit que les ressources laissées à la disposition de l'intéressé s'élèvent au tiers des revenus tirés du travail majoré du dixième des autres revenus, sans que la part laissée à la personne puisse descendre en-dessous de 30 % ou, s'il travaille, 50 % du montant mensuel de l'allocation aux adultes handicapés. L'article D. 344-36 prévoit que ce dernier seuil est majoré à hauteur de 20 % de l'allocation aux adultes handicapés lorsque l'intéressé prend régulièrement à l'extérieur de l'établissement au moins cinq repas par semaine.
4. Il résulte de ces dispositions que la participation des personnes accueillies à titre permanent ou temporaire, y compris en accueil de jour sans hébergement, dans un établissement pour adultes handicapés aux frais afférents à leur prise en charge est fixée par le président du conseil départemental, sous réserve de ne pas diminuer les ressources des intéressés en deçà du minimum fixé par les articles D. 344-35 et D. 344-36 du code de l'action sociale et des familles pris pour l'application de l'article L. 344-5 du même code. Par suite, en jugeant que le règlement départemental d'aide sociale pouvait légalement prévoir une contribution aux frais des personnes handicapées en accueil de jour, dès lors qu'était respecté le montant minimum de ressources en dessous duquel ne peuvent pas descendre celles laissées à la disposition d'une personne handicapée, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la décision du 29 mars 2017 du président du conseil départemental des Hautes-Alpes doit être regardé comme ayant admis M. E... B... à l'aide sociale pour la période du 1er mai 2017 au 30 avril 2022, sans que les dispositions du règlement départemental d'aide sociale en vigueur n'aient alors prévu de participation financière des personnes handicapées admises à titre permanent ou temporaire en accueil de jour, et, d'autre part, que la décision du 6 janvier 2021 de la même autorité s'est bornée à faire application à la situation de M. B... de la délibération du 29 septembre 2020 ayant modifié le règlement départemental d'aide sociale pour instituer à compter du 1er janvier 2021 un montant de participation de 13 euros par jour des personnes accueillies dans ces structures. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce, qu'il n'a pas dénaturés, en jugeant que le président du conseil départemental n'avait, en se bornant à faire application à la situation de M. B... de ces dispositions réglementaires nouvelles la régissant, pas porté atteinte au principe d'intangibilité des droits acquis.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. et Mme B... doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par le département des Hautes-Alpes.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Hautes-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... B... et Mme C... B..., en leur qualité de tuteurs de M. E... B..., et au département des Hautes-Alpes.