La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2024 | FRANCE | N°495101

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 06 décembre 2024, 495101


Vu la procédure suivante :



Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société A... C... et M. A... C... demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 23MA00711 du 12 avril 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a fait droit à l'appel du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires contre le jugement n° 2200222 du

23 janvier 2023 du tribunal administratif de Bastia les ayant relaxés des fi...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société A... C... et M. A... C... demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 23MA00711 du 12 avril 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a fait droit à l'appel du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires contre le jugement n° 2200222 du 23 janvier 2023 du tribunal administratif de Bastia les ayant relaxés des fins de poursuites diligentées à leur encontre pour contravention de grande voirie, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 2111-3, du 3° de l'article L. 2111-4 et de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 ;

- le décret n° 72-879 du 19 septembre 1972 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. B... et de la société A... C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 2111-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " S'il n'en est disposé autrement par la loi, tout acte de classement ou d'incorporation d'un bien dans le domaine public n'a d'autre effet que de constater l'appartenance de ce bien au domaine public. / L'incorporation dans le domaine public artificiel s'opère selon les procédures fixées par les autorités compétentes. ". Aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : (...) 3° Les lais et relais de la mer : / a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; / b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-3 du code précité : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations. " Les requérants demandent au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 2 de la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime : " Peuvent être incorporés au domaine public maritime, sous réserve des droits des tiers, les lais et relais de la mer faisant partie du domaine privé de l'Etat à la date de la promulgation de la présente loi. " Aux termes de l'article 2 du décret du 19 septembre 1972 portant modification de la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime et fixant les procédures d'incorporation et de déclassement des lais et relais de la mer : " L'incorporation au domaine public maritime des lais et relais de la mer ayant fait partie du domaine privé de l'Etat à la date de promulgation de la loi susvisée du 28 novembre 1963 est prononcée par arrêté préfectoral, après avis du directeur des services fiscaux et du directeur départemental de l'équipement ou de l'ingénieur en chef du service maritime ".

4. Devant la cour administrative d'appel, les requérants contestaient l'appartenance au domaine public maritime naturel des parcelles dont l'occupation par un restaurant qu'ils exploitent avait justifié l'établissement par le préfet de la Corse-du-Sud d'un procès-verbal de contravention de grande voirie au motif que ces parcelles ne constituaient pas et n'avaient jamais constitué des lais et relais de la mer, en dépit de leur classement dans le domaine public maritime par un arrêté du même préfet du 24 avril 1981 pris sur le fondement des dispositions citées au point 3.

5. Dans la question prioritaire de constitutionnalité qu'ils présentent à l'appui de leur pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel ayant prononcé leur condamnation, les requérants soutiennent que, dans l'hypothèse où les dispositions contestées, citées au point 2, devraient être interprétées en ce sens que doivent être regardées comme appartenant au domaine public maritime naturel les dépendances dont l'incorporation à ce domaine a été prononcée par un arrêté préfectoral pris sur le fondement des dispositions citées au point 3, y compris dans l'hypothèse où ces dépendances n'auraient pas respecté, à la date du 1er décembre 1963, les conditions matérielles exigées par l'article 2 de la loi du 28 novembre 1963, de sorte qu'elles empêcheraient le prévenu d'une contravention de grande voirie de contester devant le juge, après l'expiration du délai de recours contentieux contre un tel arrêté, la délimitation du domaine public maritime à laquelle il a été procédé, ces dispositions méconnaitraient les principes d'égalité devant la loi et du droit à un recours effectif énoncés respectivement aux articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

6. Toutefois, les dispositions contestées citées au point 2 se bornent à prévoir qu'appartiennent au domaine public maritime naturel les lais et relais de la mer qui, d'une part, faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers et, d'autre part, se sont constitués à compter du 1er décembre 1963. Elles n'ont ni pour objet, ni pour effet de régir les possibilités de contestation de la qualité de lais et relais de la mer de parcelles dont l'appartenance au domaine public maritime a été prononcée par des arrêtés pris sur le fondement des dispositions citées au point 3. Par suite, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient, en ce qu'elles feraient obstacle à une telle contestation, les droits et garantie invoqués ne revêt pas de caractère sérieux.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité soulevée au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société A... C... et M. C....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société A... C..., à M. A... C... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 6 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

La rapporteure :

Signé : Mme Ophélie Champeaux

Le secrétaire :

Signé : M. Aurélien Engasser


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 495101
Date de la décision : 06/12/2024
Type de recours : Contentieux répressif

Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 2024, n° 495101
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:495101.20241206
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award