Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société Rea Immo au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ainsi que des pénalités correspondantes, sommes en paiement desquelles il a été recherché en application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales. Par un jugement n° 1908628 du 31 mars 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 23NT01507 du 8 septembre 2023, la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.
Par un arrêt n° 23NT01507 du 13 février 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 mars 2023.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire distinct, enregistré le 12 avril 2024, présenté en application de l'article R. 771-16 du code de justice administrative, M. A... conteste le refus qui lui a été opposé par la cour administrative d'appel de Nantes de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL le Prado - Gilbert, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :
1. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Il résulte en outre des dispositions de l'article 23-5 de cette ordonnance que, lorsque le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. M. A... conteste le refus que lui a opposé la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nantes, par une ordonnance du 8 septembre 2023, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qu'il avait soulevée à l'encontre des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales au motif que ces dispositions n'étaient pas applicables au litige.
3. Aux termes de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal de grande instance du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement. / Les voies de recours qui peuvent être exercées contre la décision du président du tribunal de grande instance ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne à leur encontre des mesures conservatoires en vue de préserver le recouvrement de la créance du Trésor ".
4. Il résulte des dispositions qui viennent d'être citées que le président du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, est seul compétent pour décider si un dirigeant d'une société, parce qu'il est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, doit être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités. Par voie de conséquence, s'il est loisible à l'intéressé, alors même que le redevable légal s'en serait abstenu, de contester devant le juge de l'impôt la régularité et le bien-fondé des impositions et pénalités pour le paiement desquelles il est désormais solidaire, il ne peut utilement contester devant ce même juge le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction judiciaire.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que M. A... a été déclaré solidairement responsable, par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 5 février 2019 statuant sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, du paiement d'impositions et de pénalités fiscales mises à la charge de la société Rea Immo et, d'autre part, qu'à la suite de cette décision rendue par la juridiction judiciaire, il a soulevé devant le tribunal administratif, juge de l'impôt, un contentieux d'assiette par lequel il a entendu contester le bien-fondé des impositions et pénalités pour le paiement desquelles il était désormais solidaire. Il en résulte, eu égard à ce qui a été dit au point 4, que les dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ne peuvent être regardées comme applicables au litige, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.
6. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qu'il a soulevée.
Sur les autres moyens du pourvoi :
7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
8. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. A... soutient que la cour administrative d'appel de Nantes :
- a dénaturé les pièces du dossier en estimant que les versements effectués par la société Rea Immo en 2011 au Trésor public en paiement d'une somme totale de 125 250 euros ne concernaient pas les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à cette société au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ;
- l'a entaché d'une contradiction de motifs en jugeant, d'une part, que le paiement de la somme de 125 250 euros n'avait pas eu pour objet de régulariser les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société à l'issue des deux contrôles fiscaux dont elle avait fait l'objet et, d'autre part, que cette somme correspondait à une taxe sur la valeur ajoutée mentionnée dans la déclaration déposée en octobre 2010 afin de régulariser des insuffisances antérieures ;
- a méconnu les dispositions de l'article 1256 du code civil en jugeant que la société n'avait pas donné d'indications suffisamment précises sur l'affectation des versements effectués en paiement de la somme de 125 250 euros ;
- a commis une erreur de droit en se fondant, pour rejeter sa requête, sur le motif inopérant tiré de ce que la taxe sur la valeur ajoutée déclarée en octobre 2010 avait été relevée par le service vérificateur mais n'avait pas été prise en compte pour la détermination des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La contestation du refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales est rejetée.
Article 2 : Le pourvoi de M. A... n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics et au Conseil constitutionnel.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 novembre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 4 décembre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Pau
Le secrétaire :
Signé : M. Brian Bouquet
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :