La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2024 | FRANCE | N°491302

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 26 novembre 2024, 491302


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 17 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2023 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale ;



2°) d'annuler l'arrêté du 28

juillet 2023 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables dans les zones non in...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 17 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2023 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2023 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association CLCV soutient que les arrêtés attaqués :

- sont irréguliers faute de consultation du Conseil supérieur de l'énergie ;

- sont illégaux par voie de conséquence de l'illégalité de la délibération n° 2022-312 de la Commission de régulation de l'énergie du 1er décembre 2022 ;

- ont été pris en violation des articles L. 336-9 et R. 336-14 du code de l'énergie et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'ils ne tiennent pas compte des surestimations des demandes d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) des fournisseurs alternatifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Commission de régulation de l'énergie, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 ;

- la délibération n° 2022-312 de la Commission de régulation de l'énergie du 1er décembre 2022 relative à l'allocation des volumes d'ARENH dans le cadre du guichet s'étant clos le 21 novembre 2022 ;

- la délibération n° 2023-148 de la Commission de régulation de l'énergie du 22 juin 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 28 juillet 2023 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale ainsi que de l'arrêté du même jour relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, pérennisant, à compter du 1er août 2023, le " bouclier tarifaire ", dans les conditions mentionnées au point 6.

Sur le cadre juridique :

En ce qui concerne les tarifs réglementés de vente d'électricité et le " bouclier tarifaire " :

2. D'une part, en premier lieu, aux termes de l'article L. 337-4 du code de l'énergie : " La Commission de régulation de l'énergie transmet aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie ses propositions motivées de tarifs réglementés de vente d'électricité. La décision est réputée acquise en l'absence d'opposition de l'un des ministres dans un délai de trois mois suivant la réception de ces propositions. Les tarifs sont publiés au Journal officiel. (...) ". Aux termes de l'article L. 337-5 du même code : " Les tarifs réglementés de vente d'électricité sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts mentionnés à l'article L. 337-6 ". Aux termes de l'article L. 337-6 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés attaqués : " Les tarifs réglementés de vente d'électricité sont établis par addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture (...) ".

3. En second lieu, en vertu du 1° du I de l'article L. 337-7 du code de l'énergie, les tarifs réglementés de vente d'électricité bénéficient, à leur demande, pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, aux consommateurs finals domestiques (dits " résidentiels "). En vertu de l'article L. 337-8 du même code, ces tarifs bénéficient également, à leur demande, aux consommateurs finals domestiques et non domestiques pour leurs sites situés dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental.

4. D'autre part, aux termes du A du VIII de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 : " En 2023, par dérogation aux articles L. 337-4 à L. 337-9 du code de l'énergie, si les propositions motivées de tarifs réglementés de vente d'électricité de la Commission de régulation de l'énergie conduisent à ce que les tarifs définis à l'article R. 337-18 du même code, majorés des taxes applicables après application de l'article 64 de la présente loi, excèdent de 15 % ceux applicables au 31 décembre 2022, majorés des taxes applicables à cette date, les ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget peuvent s'opposer à ces propositions motivées de la Commission de régulation de l'énergie prises en application de l'article L. 337-4 du code de l'énergie et fixer, par arrêté conjoint, un niveau de tarifs inférieur pour une partie de la consommation des clients, afin de répondre à l'objectif de stabilité des prix. Le cas échéant, le niveau de tarif applicable est déterminé comme la somme des deux composantes suivantes : / 1° 95 % d'un tarif défini par arrêté des ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget ; / 2° 5 % du tarif tel qu'il aurait été appliqué en l'absence des dispositions du premier alinéa du présent A. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions de l'article L. 337-4 du code de l'énergie citées au point 2, la Commission de régulation de l'énergie a, par sa délibération n° 2023-17 du 19 janvier 2023, proposé des tarifs réglementés de vente d'électricité en augmentation, par rapport aux tarifs en vigueur au 31 décembre 2022, de 99,36 %, toutes taxes comprises, pour les consommateurs résidentiels situés en France métropolitaine continentale, et de 106,88 % à 163,14 %, hors taxes, pour les consommateurs situés dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain continental. Constatant que les tarifs proposés excédaient de plus de 15 % toutes taxes comprises ceux applicables au 31 décembre 2022, les ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget ont, par cinq arrêtés du 30 janvier 2023, pris sur le fondement des dispositions du VIII de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 citées au point 4, fait opposition à ces propositions tarifaires et fixé les tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables à compter du 1er février 2023 afin de limiter la hausse de ces tarifs à 15 % en moyenne.

6. Par sa délibération n° 2023-148 du 22 juin 2023, la Commission de régulation de l'énergie a proposé de nouveaux tarifs réglementés de vente d'électricité afin de prendre en compte l'évolution de la grille tarifaire des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans les domaines de tensions HTA et BT applicables à compter du 1er août 2023. Constatant que ces nouveaux tarifs excédaient de plus de 15 % toutes taxes comprises ceux applicables au 31 décembre 2022, les ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget ont, par les deux arrêtés attaqués du 28 juillet 2023, fait de nouveau opposition à ces nouvelles propositions tarifaires et fixé, d'une part, pour les consommateurs résidentiels situés en France métropolitaine continentale et, d'autre part, pour les consommateurs situés en ZNI, les tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables à compter du 1er août 2023 afin de limiter la hausse de ces tarifs à 10 % en moyenne par rapport aux tarifs en vigueur au 1er février 2023.

En ce qui concerne l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) :

7. En vertu des articles L. 336-1 et L. 336-2 du code de l'énergie, un accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) a été ouvert, jusqu'au 31 décembre 2025, aux fournisseurs d'électricité qui le demandent, pour assurer la liberté de choix des consommateurs, dans la limite d'un volume global maximal qui ne peut excéder 120 TWh par an, et qui a été fixé par un arrêté du 28 avril 2011 à 100 TWh par an. L'article L. 336-3 du même code prévoit que, pour un opérateur donné, le volume maximal d'électricité nucléaire historique qui lui est cédé est calculé pour une année par la Commission de régulation de l'énergie en fonction des prévisions de consommation des consommateurs finals ainsi qu'en fonction de ce que représente la part de la production des centrales nucléaires dans la consommation totale des consommateurs finals. Les deuxième et troisième alinéas de cet article disposent : " Si la somme des volumes maximaux définis à l'alinéa précédent pour chacun des fournisseurs excède le volume global maximal fixé en application de l'article L. 336-2, la Commission de régulation de l'énergie répartit ce dernier entre les fournisseurs de manière à permettre le développement de la concurrence sur l'ensemble des segments du marché de détail. / La Commission de régulation de l'énergie fixe, selon une périodicité fixée par le décret mentionné à l'article L. 336-10, le volume cédé à chaque fournisseur et le lui notifie (...) ". Enfin, conformément à l'article L. 336-9 de ce code, la Commission de régulation de l'énergie propose les prix, calcule les droits et contrôle l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique.

8. Aux termes de l'article R. 336-13 du code de l'énergie : " La Commission de régulation de l'énergie calcule conformément aux dispositions des articles R. 336-14 à R. 336-17 sur la base des éléments transmis par le fournisseur dans le dossier de demande d'ARENH, les quantités de produit cédées à celui-ci lors de la période de livraison à venir ". L'article R. 336-14 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 29 octobre 2022 modifiant les modalités d'accès régulé à l'électricité nucléaire, dispose : " La quantité de produit théorique est déterminée pour chacune des sous-catégories de consommateurs en fonction de la consommation prévisionnelle durant les heures de faible consommation d'électricité sur le territoire métropolitain continental, selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de l'énergie, après avis de la Commission de régulation de l'énergie. / La Commission de régulation de l'énergie corrige la quantité de produit théorique du fournisseur calculée selon les modalités prévues à l'alinéa précédent lorsque les hypothèses de consommation ou de développement commercial communiquées dans le dossier mentionné à l'article R. 336-9 présentent un risque de surestimation manifeste de cette quantité ou lorsque cette quantité est manifestement disproportionnée par rapport à la consommation des consommateurs finals antérieurement constatée et aux prévisions d'évolution de cette consommation, en particulier pendant les heures ne servant pas à la détermination des droits théoriques. / Une délibération de la Commission de régulation de l'énergie précise les critères utilisés pour la correction des demandes dans les cas visés à l'alinéa précédent (...) ".

9. En application des dispositions citées aux points 7 et 8, par sa délibération n° 2022-312 du 1er décembre 2022 relative à l'allocation des volumes d'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH) dans le cadre du guichet s'étant clos le 21 novembre 2022, la Commission de régulation de l'énergie a fixé à 148,30 TWh le volume global de la demande d'ARENH pour l'année de livraison 2023, soit un taux d'attribution de 67,43 %, après avoir corrigé la quantité de produit théorique initialement demandée par 14 fournisseurs pour un volume de 0,56 TWh.

Sur le litige :

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'énergie a été consulté pour avis sur chacun des deux projets d'arrêté en litige, le 25 juillet 2023. Par suite, le moyen tiré l'absence de consultation de cet organisme manque en fait.

11. En deuxième lieu, l'association CLCV soutient que les arrêtés attaqués seraient illégaux par voie de conséquence de l'illégalité de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie n° 2022-312 du 1er décembre 2022 relative à l'allocation des volumes d'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH) dans le cadre du guichet s'étant clos le 21 novembre 2022, mentionnée au point 9. Toutefois, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Or, les arrêtés attaqués ne sont pas des actes pris pour application de la délibération n° 2022-312 du 1er décembre 2022, laquelle ne constitue pas davantage leur base légale. Le moyen ne peut par suite qu'être écarté.

12. En troisième lieu, l'association requérante ne peut utilement soutenir que les arrêtés auraient été pris en méconnaissance des articles L. 336-9 et R. 336-14 du code de l'énergie, mentionnés aux points 7 et 8, qui ne leur sont pas applicables.

13. En dernier lieu, les arrêtés contestés ayant fait opposition à la proposition tarifaire de la Commission de régulation de l'énergie du 22 juin 2023 et limité la hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables à compter du 1er août 2023, sur la base des dispositions du A du VIII de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, ainsi qu'il a été dit au point 6, le moyen tiré de ce que ces arrêtés seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation tenant à l'insuffisante prise en compte, par la Commission de régulation de l'énergie, dans le cadre du pouvoir de contrôle et de correction qui lui sont conférés par les articles L. 336-9 et R. 336-14 du code de l'énergie cités aux points 7 et 8, des " surestimations " des demandes d'ARENH par les fournisseurs alternatifs ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'association CLCV doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association CLCV est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à la Commission de régulation de l'énergie.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 26 novembre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 491302
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2024, n° 491302
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491302.20241126
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award