La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2024 | FRANCE | N°488868

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 26 novembre 2024, 488868


Vu les procédures suivantes :



I. - Sous le n° 488868, par une requête et deux mémoires enregistrés le 16 octobre 2023 et les 6 février et 25 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sealand Safari demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 août 2023 modifiant l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules ;



2°) d'enjoindre à l'État d'y substituer des dispositions ne soumettant pas les véhi

cules dotés d'un certificat d'immatriculation harmonisé et définitif et comportant toutes les données obli...

Vu les procédures suivantes :

I. - Sous le n° 488868, par une requête et deux mémoires enregistrés le 16 octobre 2023 et les 6 février et 25 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sealand Safari demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 août 2023 modifiant l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules ;

2°) d'enjoindre à l'État d'y substituer des dispositions ne soumettant pas les véhicules dotés d'un certificat d'immatriculation harmonisé et définitif et comportant toutes les données obligatoires au sens de la directive 1999/37/ CE du Conseil du 29 avril 1999 à un contrôle systématique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. - Sous le n° 488869, par une requête et deux mémoires enregistrés le 16 octobre 2023 et les 6 février et 25 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sealand Safari demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 août 2023 modifiant l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles ;

2°) d'enjoindre à l'État d'y substituer des dispositions ne soumettant pas les véhicules dotés d'un certificat d'immatriculation harmonisé et définitif et comportant toutes les données obligatoires au sens de la directive 1999/37/ CE du Conseil du 29 avril 1999 à un contrôle systématique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu :

- la directive 1999/37/CE du 29 avril 1999 ;

- le règlement (UE) 2018/858 du 30 mai 2018 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de la route ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

- le décret n° 2022-832 du 1er juin 2022 ;

- le décret n° 2022-1019 du 22 juillet 2022 ;

- l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles ;

- l'arrêté du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer ;

- l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules ;

- l'arrêt C-326/17 du 24 janvier 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes nos 488868 et 488869 présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article R. 321-6 du code de la route : " La réception communautaire, dite réception CE, est destinée à constater qu'un véhicule ou un type de véhicule, de système ou d'équipement satisfait aux prescriptions techniques exigées pour sa mise en circulation ". Aux termes de l'article R. 321-11 de ce code : " Tout véhicule dont le type a fait l'objet d'une réception CE et qui est muni d'un certificat de conformité valide peut être librement commercialisé et mis en circulation ". Aux termes de l'article R. 321-15 du même code : " Avant sa mise en circulation et en l'absence de réception CE, tout véhicule à moteur, toute remorque ou tout élément de véhicule, toute semi-remorque doit faire l'objet d'une réception nationale effectuée soit par type à la demande du constructeur, soit à titre isolé à la demande du propriétaire ou de son représentant ". Enfin, aux termes du I de l'article R. 322-1 du même code : " Tout propriétaire d'un véhicule à moteur (...) et qui souhaite le mettre en circulation pour la première fois doit faire une demande de certificat d'immatriculation en justifiant de son identité. / Le propriétaire doit également pouvoir justifier, à la demande du ministre de l'intérieur : (...) 4° (...) soit de la conformité de son véhicule à un type CE réceptionné ou à un type national réceptionné, soit que son véhicule a fait l'objet d'une réception à titre isolé ou d'une réception individuelle au sens des articles R. 321-6 et R. 321-15 (...) ".

3. La société Sealand Safari, qui est notamment spécialisée dans l'importation de véhicules précédemment immatriculés, demande au Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêté du 4 août 2023 modifiant l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules, et celle de l'arrêté du même jour modifiant l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles. Eu égard aux moyens qu'elle soulève, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées, d'une part, contre le c du 3° de l'article 2 et l'article 8 du premier de ces arrêtés, modifiant le 1.E.2 de l'article 1er de l'arrêté du 9 février 2009, et, d'autre part, contre l'article 15 du second de ces arrêtés, modifiant l'article 14 bis de l'arrêté du 19 juillet 1954.

4. Les dispositions contestées organisent la procédure d'immatriculation, et le cas échéant, de réception, d'un véhicule usagé complet ou complété, relevant de la catégorie internationale M1 ou N1 visées à l'article R. 311-1 du code de la route, précédemment immatriculé sur le territoire de l'Union européenne avec un certificat d'immatriculation définitif et harmonisé, non conforme à un type ayant fait l'objet d'une réception européenne ou d'une réception nationale française, et importé en France en vue de son immatriculation.

5. Ainsi, d'une part, l'arrêté du 19 juillet 1954 modifié dans cette mesure par l'arrêté attaqué sous le numéro 488869 prévoit que le véhicule est présenté au service en charge des réceptions afin de délivrer une attestation de vérification des données techniques après avoir vérifié notamment si les données techniques obligatoires figurent sur le certificat d'immatriculation définitif et harmonisé et si les données mentionnées sur ce certificat correspondent à celles révélées par l'examen du véhicule présenté. Si certaines données obligatoires ne figurent pas sur le certificat d'immatriculation définitif et harmonisé ou si les données mentionnées sur ce certificat ne correspondent pas à celles du véhicule présenté, et si, par suite, ce certificat ne permet pas l'identification du véhicule, l'arrêté dispose que " la demande sera rejetée et le demandeur pourra faire une demande de réception à titre isolé (...) ". D'autre part, l'arrêté du 9 février 2009 modifié dans cette mesure par l'arrêté attaqué sous le numéro 488868, détermine, à son annexe XIII ter, le modèle d'attestation de vérification des données techniques. Celle-ci doit être présentée, ou, à défaut, le procès-verbal de réception à titre individuel, aux fins d'immatriculation du véhicule.

Sur la légalité externe des arrêtés attaqués :

6. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la signature des arrêtés attaqués, M. A..., qui occupait les fonctions de sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules, au sein du service du climat et de l'efficacité énergétique de la direction générale de l'énergie et du climat pouvait, conformément au 2° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, signer l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité, au nombre desquels figurent, en application de l'article 4.2.2 de l'arrêté du 9 juillet 2008 modifié portant organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer, les textes réglementaires relatifs aux véhicules et à leur immatriculation, tels les arrêtés attaqués par la société requérante. D'autre part, aucune mention des actes relatifs à la compétence de leur signataire n'est requise dans les visas des textes signés par délégation d'un ministre. Le moyen tiré du défaut de compétence du signataire des arrêtés attaqués doit par suite être écarté.

7. En deuxième lieu, en ce qui concerne l'arrêté du 4 août 2023 modifiant l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules, il ressort de ses visas et des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur et des outre-mer a été associé à son élaboration. D'une part, aucune règle de formalisme ne s'attache aux avis qu'il a rendus les 22 juin, 27 juin et 4 août 2023. D'autre part, si la société requérante soutient que les agents du ministère de l'intérieur et des outre-mer n'étaient pas compétents pour émettre ces avis au nom du ministre, il ressort des pièces du dossier que cette irrégularité, à la supposer établie, est en tout état de cause restée sans influence sur le sens de la décision attaquée et n'a pas privé l'intéressée d'une garantie. Le moyen tiré du défaut de consultation du ministre de l'intérieur et des outre-mer doit par suite être écarté.

8. En troisième lieu, en ce qui concerne l'arrêté du 4 août 2023 modifiant l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles, il résulte des dispositions de l'article 4 du décret du 20 juillet 2022 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur et des outre-mer qui prévoient qu'" [a]u titre de ses missions de sécurité routière, le ministre de l'intérieur et des outre-mer définit et met en œuvre la politique en matière de sécurité et d'éducation routières, à l'exclusion des politiques de sécurité des infrastructures routières et de réglementation technique des véhicules ", et de celles de l'article R. 321-5-3 du code de la route qui disposent que " le ministre chargé des transports fixe par arrêté les conditions et la durée de validité des réceptions ", que la consultation du ministre de l'intérieur et des outre-mer pour l'élaboration de cet arrêté n'était pas requise. Par ailleurs, si le 5° du VI du décret du 1er juin 2022 relatif aux attributions du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires dispose que ce ministre " élabore et met en œuvre les politiques de sécurité et de sûreté des infrastructures routières et de réglementation technique des véhicules (...) en lien avec le ministre de la transition énergétique ", les dispositions attaquées, qui se bornent à prévoir la délivrance d'une attestation de vérification des données techniques pour les véhicules usagés de catégorie M1 ou N1 précédemment immatriculés sur le territoire de l'Union européenne avec un certificat d'immatriculation définitif et harmonisé, ne peuvent être regardées comme justifiant de les élaborer avec le ministre de la transition énergétique. Le moyen tiré du défaut de consultation du ministre de l'intérieur et des outre-mer ou du ministre de la transition énergétique doit par suite être écarté.

Sur la légalité interne des arrêtés attaqués :

9. Aux termes de l'article 45 du règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules : " Réceptions nationales individuelles de véhicules. / 1. Les États membres peuvent décider d'exempter un véhicule donné, qu'il soit unique ou non, de l'obligation de se conformer à une ou plusieurs des prescriptions du présent règlement ou à une ou plusieurs des prescriptions énoncées dans les actes réglementaires énumérés à l'annexe II, à condition que ces États membres aient défini des prescriptions alternatives pertinentes. / 2. Une demande de réception nationale individuelle d'un véhicule est soumise par le propriétaire du véhicule, le constructeur, le mandataire du constructeur ou l'importateur ". Aux termes du 3 de l'article 46 de ce même règlement : " Validité des réceptions nationales individuelles de véhicules / Un État membre autorise la mise à disposition sur le marché, l'immatriculation ou la mise en service d'un véhicule pour lequel un autre État membre a accordé une réception nationale individuelle conformément à l'article 45, à moins qu'il n'ait des motifs raisonnables de croire que les autres prescriptions pertinentes en vertu desquelles le véhicule a été réceptionné ne sont pas équivalentes à ses propres prescriptions ou que le véhicule ne satisfait pas à ces prescriptions ".

10. En premier lieu, la société Sealand Safari soutient que les dispositions attaquées, en ce qu'elles créent un contrôle systématique des véhicules qui disposent déjà d'un certificat d'immatriculation définitif et harmonisé délivré par un autre Etat membre, sont contraires aux articles 45 et 46 du règlement 2018/858 citées au point 9. Toutefois, d'une part, l'examen physique de correspondance entre les données techniques qui figurent sur le certificat d'immatriculation délivré par l'autre Etat membre et celles du véhicule, permettant aux services compétents d'établir l'attestation de vérification des données techniques, constitue une formalité inhérente au traitement même de la demande de nouvelle immatriculation du véhicule en France. D'autre part, une discordance entre ces données constitue un motif raisonnable de croire que le véhicule présenté ne satisfait pas aux prescriptions techniques en vertu desquelles il a été réceptionné par l'autre Etat membre, au sens du paragraphe 3 de l'article 46 du règlement du 30 mai 2018 précité, justifiant une nouvelle réception à titre isolé. Le moyen tiré de la méconnaissance de ce règlement doit par suite, en tout état de cause, être écarté.

11. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes des dispositions attaquées qui déterminent le modèle d'attestation et les éléments qui doivent y figurer, ni des pièces du dossier que le dispositif contesté serait disproportionné au regard des objectifs qu'il poursuit tenant à la sécurité routière, à la protection de l'ordre public et du consommateur ainsi qu'à la lutte contre la fraude et le trafic des véhicules. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ainsi que le soutient la société requérante, les délais et déplacements nécessaires pour procéder à la vérification des données techniques seraient structurellement excessifs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté.

12. En dernier lieu, en se bornant à soutenir que les dispositions attaquées seraient inintelligibles, la société requérante n'établit pas qu'elles méconnaitraient les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. La circonstance alléguée, à la supposer avérée, que le site internet du ministère de l'intérieur et des outre-mer ou les fiches d'information diffusées par l'administration ne seraient pas actualisés est sans incidence sur la légalité des dispositions attaquées.

13. Il résulte de ce qui précède que la société Sealand Safari n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions qu'elle attaque. Ses conclusions tendant à l'annulation des deux arrêtés du 4 août 2023 doivent être rejetées.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la société Sealand Safari sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sealand Safari et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 26 novembre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 488868
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2024, n° 488868
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488868.20241126
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award