Vu la procédure suivante :
Par une requête et trois mémoires enregistrés le 13 octobre 2023 et les 22 février, 21 mai et 11 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 août 2023 modifiant l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles ;
2°) d'enjoindre au ministre de reprendre un nouvel arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- le règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de la route ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;
- l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles ;
- l'arrêté du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 octobre 2024, présentée par M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est propriétaire d'un véhicule ayant subi une transformation notable nécessitant, conformément à l'article R. 321-16 du code de la route, une réception à titre isolé régie par l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles. Il demande au Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêté du 4 août 2023 modifiant cet arrêté. Eu égard aux moyens qu'il soulève, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées seulement contre le d de l'article 14 de l'arrêté attaqué, lequel complète l'article 13 de l'arrêté du 19 juillet 1954 de quatre alinéas.
2. Aux termes des dispositions attaquées : " Les parties modifiées des véhicules, systèmes, composants et entités techniques distinctes satisfont aux prescriptions des actes réglementaires applicables à la date [de] 1ère mise en circulation du véhicule, à l'exception des éléments suivants, qui satisfont aux prescriptions des actes réglementaires applicables à la date de la délivrance de la réception consécutive à ces modifications apportées au véhicule : / - les nouveaux systèmes ou composants installés sur le véhicule inhérents à un domaine qui n'était pas réglementé au moment de la délivrance de la réception initiale du véhicule soit parce que le véhicule n'en était pas équipé soit parce qu'il est devenu réglementé avant la date de délivrance de la présente réception ; / - les nouvelles fonctions ajoutées à des systèmes ou composants installés sur le véhicule, inhérentes à un domaine déjà réglementé dans la réception initiale du véhicule. / Lorsqu'un type de système a été modifié, au point que le système doive faire l'objet d'un nouvel essai aux fins de la réception, l'accord écrit du constructeur sera sollicité. En cas d'accord, le nouvel essai se limitera aux parties du système qui ont été modifiées ou affectées par les changements, selon les dispositions applicables à la date de 1ère immatriculation du véhicule. En cas de refus, un essai complet sera réalisé sous la responsabilité du demandeur ".
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la signature de l'arrêté attaqué, M. C..., qui occupait les fonctions de sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules au sein de la direction générale de l'énergie et du climat pouvait, en application de l'arrêté du 30 novembre 2022 de la Première ministre, du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et de la ministre de la transition énergétique et conformément au 2° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, signer, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité au nombre desquels figure, en application de l'article 4.2.2 de l'arrêté du 9 juillet 2008 modifié portant organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer, l'arrêté attaqué par M. B.... Le moyen tiré du défaut de compétence du signataire de l'acte doit donc être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 7 de la charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, (...) de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". Aux termes du troisième alinéa du I de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif ". Les dispositions attaquées, qui se bornent à définir les prescriptions qui doivent être respectées dans le cas de la transformation d'un véhicule ont trait à la seule sécurité du véhicule ayant subi des modifications et ne peuvent être regardées comme ayant une incidence sur l'environnement dès lors qu'elles n'ont sur ce dernier qu'un effet indirect et non significatif au sens du troisième alinéa de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. Leur adoption n'avait dès lors pas à être précédée d'une consultation du public. Le moyen tiré du défaut d'une telle consultation doit donc être écarté.
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
5. En premier lieu, aux termes du 3.2.2. de l'annexe IX au règlement 2018/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules : " Lorsqu'un type de système a été modifié, lors de l'étape ultérieure d'achèvement du véhicule, au point que le système doit faire l'objet d'un nouvel essai aux fins de la réception par type, ce nouvel essai se limite aux parties du système qui ont été modifiées ou affectées par les changements ". Ces dispositions, qui sont relatives à la réception par type, ne s'appliquent qu'aux véhicules neufs ainsi qu'il résulte de l'article 1er de ce règlement qui dispose que son objet est d'établir " les dispositions administratives et les prescriptions techniques applicables à la réception par type et à la mise sur le marché de tous les nouveaux véhicules, systèmes, composants et entités techniques distinctes (...) ". Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées, qui s'appliquent seulement aux véhicules déjà mis en circulation, méconnaîtraient le 3.2.2. de l'annexe IX au règlement 2018/858 doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes du 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, les autorités s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, du " principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. " Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, les dispositions contestées n'ont pas d'effet direct et significatif sur l'environnement, elles ne méconnaissent pas le principe de non-régression.
7. En troisième lieu, ni les références, dans le même texte, à la " date de 1ère immatriculation " et à la " date de réception initiale ", qui sont clairement identifiables, ni l'absence de dispositions en cas d'absence de réponse du constructeur dont l'accord écrit doit être recueilli lorsqu'un type de système a été modifié au point que le système doive faire l'objet d'un nouvel essai aux fins de la réception, dès lors qu'en tout état de cause, il est loisible au demandeur, dans cette hypothèse, de réaliser un essai complet sous sa responsabilité ainsi qu'il est prévu en cas de refus du constructeur, ne sont de nature à porter atteinte au principe de sécurité juridique. Le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe doit par suite être écarté.
8. En quatrième lieu, la notice explicative accompagnant la publication d'un arrêté au Journal officiel de la République française vise seulement à faciliter la compréhension du texte à l'occasion de sa publication. Par suite, la circonstance alléguée qu'elle comporterait une mention incomplète ne saurait, en tout état de cause, avoir d'incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de la méconnaissance à ce titre du principe d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme et du principe de sécurité juridique doit dès lors être écarté.
9. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions attaquées seraient de nature à favoriser les industriels au détriment des petites entreprises et des professions artisanales. Le moyen tiré de la méconnaissance à ce titre de la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux doit par suite être écarté.
10. En dernier lieu, en prévoyant que doivent satisfaire aux prescriptions des actes réglementaires applicables à la date de la délivrance de la réception consécutive aux modifications apportées au véhicule, les nouveaux systèmes ou composants inhérents à un domaine qui n'était pas réglementé au moment de la délivrance de la réception initiale du véhicule dans le cas, notamment, où ce domaine " est devenu réglementé " avant la date de délivrance de la réception consécutive aux modifications en cause, l'arrêté attaqué tire seulement les conséquences des principes généraux d'application dans le temps des textes législatifs et réglementaires ainsi que du principe d'absence de droit au maintien d'une législation ou d'une réglementation antérieure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs réglementaires doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du d de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2023 modifiant l'arrêté du 19 juillet 1954. Ses conclusions doivent par suite être rejetées, y compris celles présentées à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 26 novembre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
Le secrétaire :
Signé : M. Brian Bouquet
La République mande et ordonne la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :