Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 497830, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 et 25 septembre et le 29 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Média demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), révélée par son communiqué de presse du 24 juillet 2024, par laquelle elle a " pré-sélectionné, à titre de mesure préparatoire " les projets de quinze candidats pour établir des conventions en vue de l'attribution d'autorisations de diffusion nationale sur les fréquences hertziennes terrestres de télévision numérique terrestre (TNT) ;
2°) d'enjoindre à l'Arcom de conclure une convention avec cette société ou, à titre subsidiaire, d'entrer en négociations avec elle à cette fin dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 497986, par une requête, deux mémoires en réplique et un mémoire distinct présenté en application de l'article R. 611-30 du code de justice administrative, enregistrés les 18 septembre, 29 octobre et 5 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société C8 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la même décision de l'Arcom, en tant qu'elle n'a pas retenu cette société dans la liste des candidats " pré-sélectionnés " ;
2°) d'enjoindre à l'Arcom d'entrer en négociations avec elle aux fins de conclure une convention ;
3°) de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
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3° Sous le n° 497993, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés le 18 septembre et les 21 et 31 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés NRJ 12 et NRJ Group demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la même décision de l'Arcom, en tant qu'elle n'a pas retenu NRJ 12 dans la liste des candidats " pré-sélectionnés " ;
2°) d'enjoindre à l'Arcom de leur communiquer les motifs qui l'ont conduite à exclure NRJ 12 de la " présélection " et de réexaminer sa candidature, dans un délai de quinze jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Guermonprez-Tanner, avocat de la société Le Média, à la SCP Gury et Maître, avocat de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société d'exploitation d'un service d'information et de la société CSTAR, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat des société Jeunesse TV, Paris Première et EDI-TV, à la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés la Chaîne Info, TFX et Télé Monte Carlo, à la SCP Boucard-Maman, avocat des sociétés Ouest France TV et Ouest-France SA, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société C8 et avocat des sociétés NRJ 12 et NRJ Group et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'édition de Canal Plus, et de la société Canal + thématiques.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2024, présentée par la société NRJ 12 et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation. (...) ". Aux termes de son article 30-1 : " Sous réserve des dispositions de l'article 26, l'usage de ressources radioélectriques pour la diffusion de tout service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique est autorisé par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans les conditions prévues au présent article / I. - L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique définit des catégories de services et lance un appel aux candidatures dont la zone géographique équivaut à l'ensemble du territoire métropolitain pour les services à vocation nationale. (...) Celle-ci fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées (...). / II. - (...) A l'issue du délai prévu au premier alinéa du I, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique arrête la liste des candidats dont le dossier est recevable. / III. - L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique procède à une audition publique des candidats. / Elle accorde les autorisations d'usage de la ressource radioélectrique en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversité des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence et des critères mentionnés aux articles 29 et 30 ainsi que des engagements du candidat en matière de couverture du territoire, de production et de diffusion d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes. Elle tient également compte de la cohérence des propositions formulées par les candidats en matière de regroupement technique et commercial avec d'autres services et en matière de choix des distributeurs de services, ainsi que de la nécessité d'offrir des services répondant aux attentes d'un large public et de nature à encourager un développement rapide de la télévision numérique de terre. (...) ". Aux termes de l'article 32 de la même loi : " Les autorisations prévues à la présente section sont publiées au Journal officiel de la République française avec les obligations dont elles sont assorties. / Les refus d'autorisation sont motivés et sont notifiés aux candidats dans un délai d'un mois après la publication prévue à l'alinéa précédent. (...) "
2. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 28 février 2024, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a, sur le fondement de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 cité ci-dessus, lancé un appel à candidatures pour l'attribution de quinze autorisations d'usage des ressources radioélectriques pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique (TNT). Après avoir déclaré recevables 25 candidatures, dont une a fait l'objet d'un désistement, l'Arcom a, par un communiqué de presse du 24 juillet 2024, annoncé avoir " présélectionné, à titre de mesure préparatoire ", parmi les candidatures déclarées recevables, quinze projets pour lesquels elle a indiqué qu'elle allait négocier des conventions avec les éditeurs concernés, " condition indispensable à la délivrance d'une autorisation d'usage de la ressource radioélectrique sur la TNT, d'une durée maximale de dix ans ". Les sociétés Le Média, C8 et NRJ 12 et autre demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la liste contenue dans ce communiqué de presse en tant qu'elle révèlerait la décision de l'Arcom d'écarter leurs propres candidatures. Ces requêtes étant dirigées contre le même communiqué de presse, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
3. Il résulte des dispositions citées au point 1 que, dans la procédure d'attribution des autorisations d'usage des ressources radioélectriques pour la diffusion de services de TNT, il incombe à l'Arcom, après s'être prononcée sur la recevabilité des candidatures reçues, de poursuivre l'instruction des dossiers déclarés recevables. Afin d'être en mesure d'apprécier l'intérêt respectif des différents projets qui lui sont présentés, l'Arcom est tenue de statuer sur l'ensemble de ces candidatures et de décider à l'issue de cette instruction de leur acceptation ou de leur rejet au cours d'une même séance. Il est, par suite, loisible à l'Arcom de rendre publique au cours de cette instruction, dans un souci de bonne gestion administrative, une liste de candidats avec lesquels elle s'apprête à engager la négociation de la convention prévue par l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, dès lors qu'il ne saurait s'agir pour elle de statuer définitivement, dès ce stade, sur le rejet de certaines candidatures. Il lui demeure ainsi toujours possible, après la publication d'une telle liste, de mettre fin aux négociations engagées avec l'un des candidats " présélectionnés " ou de les entamer avec un autre candidat n'y figurant pas. Si les sociétés requérantes soutiennent qu'une telle liste est de nature à emporter des conséquences économiques importantes pour les candidats selon qu'ils y figurent ou non, elle n'en constitue pas moins une mesure préparatoire non détachable des décisions d'attribution des autorisations en cause et par elle-même insusceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. Les candidats qui seront définitivement écartés à l'issue de la procédure pourront en revanche, au même titre que toute personne disposant d'un intérêt suffisant pour ce faire, contester devant ce juge, y compris par la voie du référé, les autorisations délivrées ainsi que les rejets opposés à leurs propres candidatures, qui leur seront notifiés avec les motifs de ce rejet en application des dispositions de l'article 32 de la loi du 30 septembre 1986 précitées.
4. Par suite, les conclusions des sociétés Le Média, C8 et NRJ 12 et autre tendant à l'annulation de la décision de l'Arcom qui serait révélée par le communiqué de presse du 24 juillet 2024 sont irrecevables. Leurs requêtes ne peuvent donc qu'être rejetées, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Le Média, C8 et NRJ 12 et autre des sommes de 3 000 euros chacune à verser à l'Arcom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a, en revanche, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Ouest-France TV et autre au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la société Le Média, de la société C8 et de la société NRJ 12 et autre sont rejetées.
Article 2 : La société Le Média et la société C8 verseront chacune à l'Arcom une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les sociétés NRJ 12 et NRJ Group verseront chacune à l'Arcom une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Ouest-France TV et autre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à :
- la société Le Média ;
- la société C8 ;
- la société NRJ 12, première dénommée, pour l'ensemble des requérantes sous le n° 497993 ;
- l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;
- La Chaîne Info (LCI), pour elle-même et les sociétés TFX et Télé Monte-Carlo ;
- la société Ouest-France TV, pour elle-même et la société Ouest-France SA ;
- la société d'édition de Canal Plus, pour elle-même et la société Canal+ Thématiques ;
- la société CStar, pour elle-même et la Société d'exploitation d'un service d'information.
Copie en sera adressée aux sociétés BFM TV, CMI France, EDI-TV, Jeunesse TV et Paris Première, ainsi qu'à la ministre de la culture.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 novembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, conseillères d'Etat ; M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 22 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Cyrille Beaufils
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras