Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions de retrait de points du capital de points de son permis de conduire afférentes à deux infractions constatées le 1er juin 2019, la décision référencée " 48 SI " du 13 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul et la décision du 30 août 2021 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision référencée " 48 SI ", de rétablir quatre points sur son capital de points à la suite du stage de sensibilisation à la sécurité routière qu'il a effectué les 25 et 26 mai 2020 et d'enjoindre au ministre de restituer les points retirés et de reconstituer ces quatre points sur le capital de points de son permis de conduire dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 2111437 du 18 décembre 2023, la présidente de la 7ème chambre, désignée par le président du tribunal administratif, a annulé les décisions de retrait de points attaquées et la décision référencée " 48 SI ", enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de procéder à la reconstitution des points correspondants et des quatre points consécutifs à l'accomplissement du stage de sensibilisation à la sécurité routière, ainsi que d'en tirer les conséquences sur le droit à conduire de l'intéressé dans un délai de deux mois et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un pourvoi enregistré le 12 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er à 3 de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision référencée " 48 SI " du 13 mars 2020, le ministre de l'intérieur a notifié à M. B... sa décision de retirer trois points du capital de points de son permis de conduire à la suite d'une infraction commise le 1er juin 2019, récapitulé une autre infraction commise le même jour et ayant entraîné le retrait de quatre points et constaté la perte de validité de ce permis pour solde de points nul avant le terme du délai probatoire. M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions de retrait de points afférentes aux deux infractions constatées le 1er juin 2019, la décision du 13 mars 2020 et la décision du 30 août 2021 rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision référencée " 48 SI ", de reconstituer quatre points sur son capital de points à la suite du stage de sensibilisation à la sécurité routière qu'il a effectué les 25 et 26 mai 2020 et d'enjoindre au ministre de rétablir l'ensemble de ces points sur le capital de points de son permis de conduire. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif du 18 décembre 2023 en tant qu'il annule les décisions référencées " 48 " de retrait de points et la décision référencée " 48 SI ", qu'il lui enjoint de procéder à la reconstitution des points correspondants et des quatre points consécutifs à l'accomplissement du stage de sensibilisation à la sécurité routière et, enfin, d'en tirer les conséquences sur le droit à conduire de l'intéressé.
2. Il résulte des dispositions du troisième alinéa du III de l'article R. 223-3 du code de la route que les décisions constatant l'invalidité du permis de conduire pour solde de points nul doivent être notifiées au titulaire du permis de conduire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au titulaire du permis de conduire et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
3. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour juger que la notification de la décision référencée " 48 SI " ne pouvait être regardée comme régulière, la magistrate désignée du tribunal administratif a retenu que les mentions " Présenté / Avisé le 26 mars 2020 " et " non localisable " apposées sur l'avis de réception attaché au pli recommandé contenant cette décision étaient contradictoires. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond que, conformément aux termes de la décision lui enjoignant de restituer son titre de conduite invalidé pour solde de points nul, M. B... a restitué ce titre le 26 mars 2020. Une telle circonstance révèle qu'il a eu connaissance de cette décision, au plus tard, à cette date. Par suite, faute d'avoir été contestée dans un délai raisonnable à compter du 26 mars 2020, la décision référencée " 48 SI " du 13 mars 2020, dont il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'elle comporte la mention des voies et délais de recours, était devenue définitive à la date du 8 septembre 2021 à laquelle M. B... a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise de conclusions tendant à son annulation et à l'annulation des deux décisions de retraits de points qui y ont concouru, sans que son recours gracieux reçu par l'administration le 18 juin 2021 ait pu conserver le délai de recours contentieux. Ces conclusions étaient dès lors tardives à la date à laquelle elles ont été présentées et, par suite, irrecevables. Cette irrecevabilité ressortait, ainsi qu'il vient d'être dit, des pièces du dossier qui était soumis aux juges du fond. En jugeant que les conclusions de M. B... n'étaient pas tardives, le tribunal administratif a dès lors commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement qu'il attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit au point 3 que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des décisions référencées " 48 " portant retrait de points à la suite des deux infractions commises le 1er juin 2019, de la décision référencée " 48 SI " du 13 mars 2020 constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et de la décision de rejet de son recours gracieux en tant qu'il était dirigé contre ces décisions étaient dépourvues d'objet à la date à laquelle elles ont été présentées. Elles ne sont, par suite, pas recevables et doivent, dès lors, être rejetées.
7. En second lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route : " Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière qui peut être effectué dans la limite d'une fois par an. (...) ". Selon l'article R. 223-8 du même code : " I.- Le titulaire de l'agrément prévu au II de l'article R. 231-2 délivre une attestation de stage à toute personne qui a suivi un stage de sensibilisation à la sécurité routière dans le respect de conditions d'assiduité et de participation fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière. Il transmet un exemplaire de cette attestation au préfet du département du lieu du stage, dans un délai de quinze jours à compter de la fin de celui-ci. / II.-L'attestation délivrée à l'issue du stage effectué en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 223-6 donne droit à la récupération de quatre points dans la limite du plafond affecté au permis de conduire de son titulaire. / III.- Le préfet mentionné au I ci-dessus procède à la reconstitution du nombre de points dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'attestation et notifie cette reconstitution à l'intéressé par lettre simple. La reconstitution prend effet le lendemain de la dernière journée de stage. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est tenue de rejeter toute demande de reconstitution de points acquis à la suite d'un stage de sensibilisation lorsque le conducteur a régulièrement reçu notification, avant le dernier jour du stage, d'une décision du ministre de l'intérieur l'informant que son permis de conduire a perdu sa validité par suite de l'épuisement de son capital de points.
8. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que, si M. B... produit une attestation de participation à un stage de sensibilisation à la sécurité routière réalisé les 25 et 26 mai 2020, il a eu connaissance de la décision référencée " 48 SI " prononçant l'invalidation de son permis de conduire au plus tard le 26 mars 2020, date à laquelle il a remis son titre de conduite au préfet du Val d'Oise en application de cette décision. Sa demande tendant à la reconstitution d'une partie de son capital de points en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route citées au point 7 ne pouvait dès lors qu'être rejetée. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 30 août 2021 qu'il attaque en tant qu'elle rejette cette demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions en ce sens, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation des décisions référencées " 48 " de retrait de points afférentes aux infractions constatées le 1er juin 2019, de la décision référencée " 48 SI " du 13 mars 2020 et de la décision du 30 août 2021 rejetant son recours gracieux, ainsi qu'à l'injonction de rétablir sur son capital de points les points correspondants et quatre points à la suite du stage de sensibilisation à la sécurité routière qu'il a effectué les 25 et 26 mai 2021 doivent être rejetées.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 18 décembre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation des décisions référencées " 48 " de retrait de points afférentes aux infractions constatées le 1er juin 2019, de la décision référencée " 48 SI " du 13 mars 2020 et de la décision du 30 août 2021 rejetant son recours gracieux, ainsi qu'à l'injonction de rétablir sur son capital de points les points correspondants et quatre points à la suite du stage de sensibilisation à la sécurité routière qu'il a effectué les 25 et 26 mai 2021 et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 20 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras