Vu la procédure suivante :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'enjoindre au préfet de l'Isère d'assurer son hébergement en urgence. Par une ordonnance n° 2300161 du 13 mars 2023, le président du tribunal administratif a enjoint au préfet de l'Isère d'assurer l'hébergement de M. C... avant le 30 avril 2023, sous astreinte de 500 euros par mois de retard. Par une ordonnance n° 2301947 du 30 mai 2023, le président du tribunal administratif de Grenoble a jugé, sur la demande du préfet de l'Isère, qu'il n'y avait pas lieu de liquider cette astreinte.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre et 22 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de procéder à une liquidation provisoire de l'astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SARL Thouvenin, Coudray, Grévy, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, la ministre du logement et de rénovation urbaine, conclut au rejet du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés par le pourvoi ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... a été reconnu par la commission de médiation de l'Isère, le 3 octobre 2022, comme prioritaire et devant être hébergé en urgence. Il a introduit un recours le 11 janvier 2023 auprès du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement des dispositions du premier alinéa du I de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, afin qu'il soit enjoint à l'Etat d'assurer son hébergement. Il a reçu le 2 février 2023, en cours d'instance, une proposition d'hébergement d'urgence, qu'il a refusée. Par une ordonnance n° 2300161 du 13 mars 2023, le président du tribunal administratif a enjoint au préfet de l'Isère d'assurer son hébergement avant le 30 avril 2023, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, puis, par une ordonnance du 30 mai 2023, contre laquelle M. C... se pourvoit en cassation, a, à la demande du préfet de l'Isère, jugé qu'il n'y avait pas lieu de procéder à la liquidation de cette astreinte.
2. Aux termes de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation : " (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte ".
3. Il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que pour juger qu'il n'y avait pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 13 mars 2023, le président du tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que M. C... n'avait pas donné suite à la proposition d'hébergement qui lui avait été adressée le 2 février 2023. En retenant ce motif, qui méconnaît les termes mêmes du dispositif de l'ordonnance du 13 mars 2023, reconnaissant, à cette date, l'existence d'une obligation d'hébergement incombant à l'Etat, il a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.
4. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, M. C... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, en tant qu'elle se prononce sur la demande du préfet de l'Isère et en tant qu'elle rejette ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Par l'ordonnance n° 2300161 du 13 mars 2023 précitée, notifiée le même jour, le tribunal administratif a prononcé une astreinte de 500 euros par mois de retard, destinée au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, en application de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, si le préfet de l'Isère ne justifiait pas avoir, à compter du 1er mai 2023, exécuté l'injonction qui lui était faite par cette décision d'assurer l'hébergement de M. C.... Il ne résulte pas de l'instruction que cette injonction ait été exécutée, à la date de la présente décision, par une offre d'hébergement postérieure au 13 mars 2023. La demande par laquelle le préfet de l'Isère demandait, devant le tribunal administratif de Grenoble qu'il soit procédé à la liquidation définitive de l'astreinte eu égard à l'exécution du jugement du 13 mars 2023 avant même la date à partir de laquelle l'astreinte était due, doit dès lors être rejetée.
7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que ce mandataire renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SARL Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. C....
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 30 mai 2023 est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de l'Isère devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. C..., la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce mandataire renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 20 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Pascal Trouilly
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras