La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2024 | FRANCE | N°494852

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 18 novembre 2024, 494852


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 494852, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin et 2 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 15 novembre 2013 rapportant le décret du 24 novembre 2011 procédant à la naturalisation de son père ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrat

ive.







2° Sous le n° 494855, par une requête et un mémoire en réplique, enregistr...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 494852, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin et 2 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 15 novembre 2013 rapportant le décret du 24 novembre 2011 procédant à la naturalisation de son père ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 494855, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin et 2 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 15 novembre 2013 rapportant le décret du 24 novembre 2011 procédant à la naturalisation de son père ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 494852 et 494855 sont dirigées contre le même décret du 15 novembre 2023 retirant le décret du 24 novembre 2011 ayant procédé à la naturalisation de M. A... C.... Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales (...) ".

3. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 59 et 62 du décret du 30 décembre 1993, lorsque le Gouvernement a l'intention de retirer un décret de naturalisation, il notifie à l'intéressé " (...) les motifs de droit et de fait justifiant qu'il pourra être déclaré avoir perdu la qualité de Français. / A défaut de domicile connu, un avis informatif est publié au Journal officiel de la République française. / L'intéressé dispose d'un délai d'un mois à dater de la notification ou de la publication de l'avis au Journal officiel pour faire parvenir au ministre chargé des naturalisations ses observations en défense ".

4. S'il est soutenu qu'aucune notification du projet de retrait n'a été adressée à M. A... C..., il ressort des pièces des dossiers qu'en raison de la circonstance que l'intéressé avait quitté la France depuis plusieurs années et résidait en Syrie sans que son domicile soit connu de l'administration, le ministre de l'intérieur a publié un avis informatif au Journal officiel le 1er octobre 2013, ainsi que le permettent les dispositions citées ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret litigieux aurait été adopté au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, le décret attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, dès lors, suffisamment motivé.

6. En troisième lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que " nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts.

7. Il ressort des pièces des dossiers que le père du requérant, contrairement à ce qui est soutenu, n'avait pas fixé de manière stable ses intérêts et attaches familiales en France à la date du décret le naturalisant, ayant quitté la France courant 2011 pour rejoindre sa famille se trouvant en Syrie depuis le milieu de l'année 2010, sans qu'il puisse être utilement soutenu qu'il était retenu dans ce pays pour s'acquitter de diverses obligations. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre ne pouvait se fonder sur le non-respect de la condition fixée par l'article 21-16 du code civil pour prendre le décret litigieux ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, la définition des conditions et de la perte de la nationalité relève de la compétence de chaque Etat membre de l'Union européenne. Toutefois, dans la mesure où la perte de nationalité d'un Etat membre a pour conséquence la perte du statut de citoyen de l'Union, la perte de nationalité d'un Etat membre doit, pour être conforme au droit de l'Union, répondre à des motifs d'intérêt général et être proportionnée à la gravité des faits qui la fondent, au délai écoulé depuis l'acquisition de la nationalité et à la possibilité pour l'intéressé de recouvrer une autre nationalité. Il résulte des dispositions de l'article 27-2 du code civil, qui s'appliquent également au cas de retrait pour un enfant mineur de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par un de ses parents, qu'un décret ayant conféré la nationalité française peut être rapporté dans un délai de deux ans à compter de sa publication si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales. Ces dispositions, qui ne sont pas incompatibles avec le droit de l'Union, permettaient en l'espèce, eu égard à la date à laquelle il est intervenu et aux motifs qui le fondent, de rapporter légalement le décret accordant au père des requérants et à eux-mêmes la nationalité française.

9. En cinquième lieu, le décret attaqué, dont la légalité doit être appréciée à la date à laquelle il a été pris, ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des requérants qui, à cette date, résidaient en Syrie. En outre, ce décret n'implique pas, par lui-même, que les intéressés soient privés de tout droit au séjour sur le territoire français, ni qu'ils ne puissent y poursuivre leurs études supérieures. Par suite, le moyen tiré du non-respect du droit au respect de la vie privée et du principe de proportionnalité doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que MM. C... ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 15 novembre 2013 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rapporté le décret du 24 novembre 2011. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de MM. C... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. E... C..., à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 494852
Date de la décision : 18/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2024, n° 494852
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494852.20241118
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award