Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 7 septembre 2023 rapportant le décret du 1er août 2018 lui accordant la nationalité française ;
2°) statuant au fond, de faire droit à sa demande.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ". Selon les dispositions de l'article 21-27 du même code, nul ne peut acquérir la nationalité française si son séjour en France est irrégulier au regard des lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France.
2. Mme B..., ressortissante camerounaise, a déposé une demande d'acquisition de la nationalité française auprès de la sous-préfecture de l'Oise le 20 décembre 2017, dans laquelle elle indiquait être mère de deux enfants, dont A... B..., né avec la nationalité française par filiation du fait de la reconnaissance de paternité effectuée par M. C..., ressortissant français. Au vu de ses déclarations, l'intéressée a été naturalisée par décret du 1er aout 2018, publié au Journal officiel de la République française le 3 août 2018. Toutefois, par un courrier du 4 septembre 2021, Mme B... a demandé aux services du ministre chargé des naturalisations que son fils, A... B..., bénéficie de l'effet collectif de sa naturalisation, celui-ci ayant perdu la nationalité française à la suite d'une action en contestation de la paternité de M. C.... Par cette demande, le ministre chargé des naturalisations a été informé de ce que, par un jugement du 5 mai 2017, le tribunal de grande instance d'Amiens avait annulé comme frauduleuse la reconnaissance de paternité de M. C... envers l'enfant A... B.... Par décret du 7 septembre 2023, publié au Journal officiel du 9 septembre 2023, le Premier ministre a rapporté le décret du 1er aout 2018 naturalisant Mme B... au motif qu'il avait été pris à raison des manœuvres frauduleuses de l'intéressée. Mme B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a obtenu un titre de séjour en mars 2012 à la suite de la reconnaissance anticipée de paternité de son enfant A... B... souscrite par M. C.... Par un jugement, devenu définitif, du 5 mai 2017, le tribunal de grande instance d'Amiens a annulé comme frauduleuse cette reconnaissance de paternité. Dès lors, au regard de ces circonstances, Mme B... ayant volontairement bénéficié de cette reconnaissance de paternité par l'obtention d'un titre de séjour, la Première ministre, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude et à ses conséquences, était légalement fondée à rapporter le décret de naturalisation de Mme B... dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 27-2 du code civil doit, par suite, être écarté.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 7 septembre 2023 par lequel la Première ministre a rapporté le décret du 1er aout 2018.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.