Vu la procédure suivante :
La société Fractalys a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la restitution de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013. Par un jugement n° 1902927 du 27 septembre 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21MA04441 du 3 mars 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Fractalys contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 31 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fractalys demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Pau, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de la société Fractalys ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Fractalys a été assujettie selon ses propres déclarations à une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013. Par un jugement du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la restitution de cette cotisation. La société Fractalys se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 190-1 du même livre : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques (...) dont dépend le lieu de l'imposition / (...) ". Aux termes de l'article R. 197-3 de ce livre : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / a) Mentionner l'imposition contestée ; / b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ; / c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ; / d) Etre accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d / (...) ". Aux termes de l'article
R. 200-2 du même livre : " (...) / Les vices de forme prévus aux a, b, et d de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / (...) ".
3. Une déclaration rectificative qui tend, par elle-même, à la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions ou au bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire, constitue une réclamation contentieuse préalable au sens et pour l'application des dispositions citées au point 2 lorsqu'elle a été déposée auprès de l'administration fiscale après l'expiration du délai de déclaration.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que le courrier du 18 mars 2016 par lequel l'administrateur judiciaire de la société Fractalys avait déposé une déclaration rectificative au titre de l'exercice clos en 2013 faisant apparaître un déficit, ne pouvait être regardé comme constituant une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales en l'absence des mentions prévues par les dispositions de l'article R. 197-3 du même livre, et que la société n'était pas fondée à se prévaloir de la faculté de régularisation prévue par les dispositions de l'article
R. 200-2 de ce livre en l'absence de réclamation préalable, même incomplète. Elle en a déduit que la demande présentée par la société Fractalys devant le tribunal administratif de Toulon était, à défaut d'avoir été précédée d'une réclamation préalable adressée aux services fiscaux avant le
31 décembre 2016, irrecevable.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant que la déclaration rectificative relative à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, déposée le 18 mars 2016, après l'expiration du délai de déclaration, ne pouvait être regardée comme constituant une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Par suite, la société Fractalys est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Fractalys, au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la société Fractalys la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Me Thomas, administratrice provisoire de la société Fractalys et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 octobre 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Pau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 13 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Pau
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :