Vu la procédure suivante :
Par une décision du 30 septembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête de la société BP France tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du ministre délégué, chargé des comptes publics, du 18 août 2020 concernant la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, en tant qu'elle impose le recours à une analyse physique en laboratoire pour les huiles végétales hydrotraitées (ci-après : " HVO ") de type essence ou de type gazole, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux introduit le 16 octobre 2020, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
1° Les dispositions des articles 17 et 18 de la directive 2009/28/CE et celles de l'article 30 de la directive 2018/2001 doivent-elles être interprétées en ce sens que les mécanismes de suivi par bilan massique et les systèmes nationaux ou volontaires qu'elles prévoient n'ont pour objet que d'apprécier et de justifier de la durabilité des matières premières et des biocarburants ainsi que de leurs mélanges, et n'ont ainsi pas pour objet d'encadrer le suivi et la traçabilité, au sein de produits finis issus de co-traitement, de la part d'énergie d'origine renouvelable contenue dans ces produits et par suite, d'harmoniser la prise en compte de la part d'énergie contenue par des tels produits aux fins visées à l'article 17, paragraphe 1, points a), b) et c) de la directive 2009/28/CE et à l'article 25 ainsi qu'à l'article 29, paragraphe 1, premier alinéa, points a), b) et c) de la directive 2018/2001 '
2° En cas de réponse négative à la question précédente, ces mêmes dispositions s'opposent-elles à ce qu'un Etat membre, pour fixer la quantité d'HVO à retenir en entrée des comptabilité matières que les opérateurs doivent tenir aux fins de l'établissement d'une taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, acquittée dans cet Etat lorsque la part d'énergie renouvelable dans les carburants mis à la consommation sur l'année civile est inférieure à un pourcentage national cible d'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports, exige, lors de la réception dans le premier entrepôt fiscal national d'importations de carburants contenant des HVO produites dans un autre Etat membre dans le cadre d'un processus de co-traitement, la réalisation d'une analyse physique de la teneur en HVO de ces carburants, y compris lorsque l'usine au sein de laquelle ces carburants ont été produits a recours à un système de bilan massique certifié par un système volontaire reconnu par la Commission comme un régime complet '
3° Le droit de l'Union, notamment les stipulations de l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, s'oppose-t-il à une mesure d'un Etat membre telle que celle mentionnée à la question 2°, alors, d'une part, que les carburants contenant des biocarburants produits selon le procédé de co-traitement au sein d'une raffinerie située sur son territoire ne sont pas soumis, lorsqu'ils sont mis à la consommation dans cet Etat membre directement en sortie d'usine, à une telle analyse physique, et alors, d'autre part, que cet Etat membre accepte, pour déterminer en sortie d'usine exercée ou d'établissement fiscal national la teneur en biocarburants pouvant être allouée pour les besoins de la taxe entre les certificats de teneur délivrés au titre d'une période, d'évaluer sur la base d'une moyenne d'incorporation mensuelle de l'établissement ou de l'usine la teneur en biocarburants des exportations ou des mises à la consommation dans d'autres secteurs que le transport '
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ;
- la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 ;
- le code des douanes ;
- le décret n° 2019-570 du 7 juin 2019 ;
- la décision du 29 juillet 2024 de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-624/22 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 novembre 2024, présentée par le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics,
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que la société BP France importe en France des carburants contenant des huiles végétales hydrotraitées (ci-après " HVO ") produits en Espagne selon le procédé du co-traitement, qui consiste, en raffinerie, en amont de l'unité de désulfuration, à incorporer à la matière fossile des huiles végétales qui se transforment en HVO sous l'effet de l'hydrogène. Ces carburants importés sont réceptionnés en France dans un entrepôt fiscal de stockage avant d'être mis à la consommation sur le territoire national. Eu égard aux moyens qu'elle invoque, la société BP France doit être regardée comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du ministre délégué, chargé des comptes publics, du 18 août 2020 concernant la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, en tant qu'elle impose, pour les carburants contenant des HVO produits selon le procédé du co-traitement, lors de leur réception dans le premier entrepôt fiscal de stockage (EFS) français, la réalisation d'une analyse physique en laboratoire aux fins de déterminer leur teneur réelle en molécules biosourcées. Elle demande également l'annulation pour excès de pouvoir du rejet implicite de son recours gracieux introduit le 16 octobre 2020.
2. Aux termes de l'article 266 quindecies du code des douanes dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les redevables de la taxe intérieure de consommation prévue à l'article 265 sont redevables d'une taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants. / (...) III.- La taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants est assise sur le volume total, respectivement, des essences et des gazoles pour lesquels elle est devenue exigible au cours de l'année civile. / (...) / Ce montant est égal au produit de l'assiette définie au premier alinéa du présent III par le tarif fixé au IV, auquel est appliqué un coefficient égal à la différence entre le pourcentage national cible d'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports, fixé au même IV, et la proportion d'énergie renouvelable contenue dans les produits inclus dans l'assiette. Si la proportion d'énergie renouvelable est supérieure ou égale au pourcentage national cible d'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports, la taxe est nulle. / (...) V.- A.- La proportion d'énergie renouvelable désigne la proportion, évaluée en pouvoir calorifique inférieur, d'énergie produite à partir de sources renouvelables dont le redevable peut justifier qu'elle est contenue dans les carburants inclus dans l'assiette (...). / L'énergie contenue dans les biocarburants est renouvelable lorsque ces derniers remplissent les critères de durabilité définis à l'article 17 de la directive 2009/28/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 (...) dans sa rédaction en vigueur au 24 septembre 2018. / A bis. - Seule est prise en compte l'énergie contenue dans les produits dont la traçabilité a été assurée depuis leur production. / Un décret définit les modalités de traçabilité applicables à chaque produit en fonction des matières premières dont il est issu et des règles de comptabilisation de l'énergie qui sont appliquées conformément au présent V ". Il résulte de ces dispositions que la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants est assise sur le volume de carburants mis à la consommation sur le territoire national. Le taux de la taxe correspond au tarif par hectolitre multiplié par la différence entre le pourcentage national cible d'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports et la proportion d'énergie renouvelable contenue dans les produits inclus dans l'assiette.
3. En vertu des dispositions de l'article 3 du décret du 7 juin 2019 portant sur la taxe incitative relative à l'incorporation des biocarburants, dans sa rédaction applicable au litige, le redevable doit justifier, pour l'application du A du V de l'article 266 quindecies du code des douanes, que les carburants imposables contiennent de l'énergie produite à partir de sources renouvelables notamment au moyen de comptabilités matières de suivi de l'énergie renouvelable. Ces comptabilités matières retracent, aux termes de l'article 4 du même décret, " les entrées et sorties de quantités de produits éligibles détenues en tenant compte notamment des incorporations, cessions, acquisitions et sorties constatées par les certificats ". En application de l'article 7 du même décret, elles indiquent les dénominations et quantités de produits éligibles constitués d'énergie renouvelable, incorporés ou non dans des carburants imposables, et " les informations nécessaires au suivi de l'énergie renouvelable prévues par l'administration des douanes et des droits indirects ". En application de l'article 8 du même décret, la réalisation des comptabilités matières de suivi de l'énergie renouvelable est constatée par un visa des services douaniers.
4. La circulaire du 18 août 2020 précise les modalités d'application de la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB). Son chapitre IV, relatif aux modalités de suivi des produits éligibles en vue de leur prise en compte pour la minoration du taux de la taxe, comporte un V relatif à la tenue des comptabilités matières, dont le A, intitulé " Prise en compte de la teneur réelle en biocarburants lors de l'inscription dans les comptabilités matières tenues dans le cadre de la TIRIB " comporte les paragraphes 109 à 115. Le paragraphe 109 indique que : " Les volumes de produits éligibles inscrits en entrée des comptabilités matières tenues dans le cadre de la TIRIB doivent correspondre au volume reconnu par les services des douanes à l'arrivée du produit dans (...) l'EFS. Il s'agit en principe des volumes inscrits sur les documents d'accompagnement / Dans le cas des livraisons de carburants contenant des biocarburants réceptionnées en entrée (...) d'un EFS, une analyse laboratoire doit être réalisée sur la base d'un échantillon prélevé au déchargement du lot de carburant permettant de connaître la teneur réelle en biocarburant du produit réceptionné. Cette analyse devra être effectuée pour tous les types de biocarburants ". Le paragraphe 110 indique que : " Les documents d'accompagnement des livraisons de carburant contenant des biocarburants doivent indiquer le volume réel de produit livré ainsi que le volume réel de biocarburant contenu dans le carburant livré. Si les documents d'accompagnement des livraisons de carburant indiquent un volume de biocarburants incohérents avec l'analyse physique réalisée par un laboratoire, seul le volume de biocarburant réellement contenu dans le carburant réceptionné déterminé à la suite de l'analyse physique réalisée à l'entrée du produit dans l'entrepôt fiscal pourra être inscrit en entrée de la comptabilité matières. (...). " Le paragraphe 111 indique que : " Pour les huiles végétales hydrotraitées [HVO] de type essence ou de type gazole, l'analyse physique laboratoire C14 doit correspondre au volume inscrit sur les documents d'accompagnement +/- 10 %. / Pour l'éthanol, l'ETBE et les EMAG, les volumes inscrits sur les documents d'accompagnement doivent correspondre aux volumes physiques déterminés par l'analyse laboratoire ". Selon le paragraphe 114, l'analyse physique en laboratoire " sera obligatoire, une première fois, pour chaque réception de carburant contenant des biocarburants pour l'année 2020 pour chaque fournisseur, puis, pour chaque nouveau fournisseur. Si les analyses physiques révèlent un volume de biocarburants cohérents avec le volume mentionné sur le document d'accompagnement, les analyses physiques sur les futures livraisons, en provenance de ce fournisseur ne seront plus obligatoires mais pourront être effectuées, sur demande du service des douanes de rattachement, de manière aléatoire. Sont concernées par cette analyse laboratoire les importations, les introductions intracommunautaires ainsi que les livraisons nationales de carburant contenant de biocarburants lors de leur réception dans le premier entrepôt fiscal français ".
5. En premier lieu, dans l'arrêt du 29 juillet 2024 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel dans le présent litige, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 17 et 18 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (dite " RED I ") ainsi que les articles 29 et 30 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (dite " RED II ") doivent être interprétés en ce sens que le système de suivi par bilan massique ainsi que les systèmes volontaires nationaux ou internationaux que ces articles prévoient ont pour objet d'apprécier et de justifier de la durabilité des matières premières et des biocarburants ainsi que de leurs mélanges, et non pas d'encadrer l'évaluation de la part d'énergie d'origine renouvelable contenue dans les carburants produits selon le procédé de co-traitement. Ils ne sauraient, dès lors, s'opposer à une réglementation d'un État membre qui exige la réalisation d'une analyse physique au carbone 14 de la teneur en HVO de ces carburants, lors de la réception de ces derniers dans le premier entrepôt fiscal de cet État membre, quand bien même ces carburants sont produits par un opérateur qui a recours à un système volontaire de suivi par bilan massique reconnu par la Commission comme étant complet en vertu de l'article 18, paragraphe 4, de la directive 2009/28 et de l'article 30, paragraphe 4, de la directive 2018/2001. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société BP France, les dispositions contestées ne sont pas incompatibles avec les objectifs de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 et de la directive 2018/2001 du
11 décembre 2018.
6. En second lieu, la société BP France soutient que l'obligation de réaliser, à l'entrée d'un entrepôt fiscal de stockage, une analyse physique en laboratoire des carburants contenant des HVO produits selon le procédé du co-traitement méconnaît le principe de libre circulation des marchandises garanti par l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
7. En vertu de l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent sont interdites entre les Etats-membres. Toutefois, une réglementation ou une pratique nationale qui constitue une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives peut être justifiée par l'une des raisons d'intérêt général énumérées à l'article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou par des exigences impératives. Dans l'un et l'autre cas, la mesure nationale doit, conformément au principe de proportionnalité, être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint.
8. Ainsi qu'il ressort du paragraphe 109 de la circulaire citée au point 4, l'obligation de réaliser une analyse physique en laboratoire à l'entrée d'un entrepôt fiscal de stockage pour les carburants contenant du biocarburant vise à déterminer la teneur réelle du lot concerné en molécules biosourcées à prendre en compte en entrée des comptabilités matières que les opérateurs doivent tenir aux fins de l'établissement de la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants mentionnée au point 2, qui est acquittée lorsque la part d'énergie renouvelable dans les carburants mis à la consommation sur l'année civile est inférieure à un pourcentage national cible d'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports.
9. Or, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, s'agissant des carburants contenant des HVO produits selon le procédé du co-traitement, les molécules biosourcées se répartissent de manière aléatoire dans le flux de la matière fossile. Ainsi, pour un lot donné, l'analyse physique en laboratoire à l'entrée d'un entrepôt fiscal de stockage peut révéler, compte tenu de la répartition aléatoire des HVO entre les produits sortis de la raffinerie, une teneur réelle en molécules biosourcées susceptible de s'écarter de celle figurant sur le document d'accompagnement du lot en cause dans des proportions supérieures à celle de 10 % autorisée au paragraphe 111 de la circulaire contestée, et, par suite, d'être retenue en lieu et place de celle-ci avec le risque d'une moindre minoration du taux de la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants.
10. D'autre part, en application du paragraphe 114 de la circulaire contestée, la réalisation de l'analyse physique en laboratoire n'est exigée que pour les seules importations, introductions intracommunautaires et livraisons nationales de carburants contenant du biocarburant lors de leur réception dans le premier entrepôt fiscal de stockage français. Il ressort également des pièces du dossier que les carburants contenant du biocarburant produits dans une raffinerie situées en France, au nombre de deux, et directement mis à la consommation sur le territoire national sans être réceptionnés dans un entrepôt fiscal de stockage ne sont pas soumis à un tel contrôle.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que l'obligation imposée par la circulaire attaquée, de soumettre, en entrée d'un premier entrepôt fiscal de stockage, les carburants contenant des biocarburants à une analyse physique en laboratoire afin de déterminer la teneur réelle en biocarburant est susceptible, outre la charge administrative supplémentaire qu'elle fait peser sur les opérateurs, de renchérir, à raison du paiement de la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, le coût de mise à la consommation en France des carburants importés contenant des HVO produits selon le procédé du co-traitement, par rapport au même type de carburants mis directement à la consommation en sortie d'une usine située en France.
12. Le ministre soutient qu'à supposer que cette obligation puisse être regardée comme une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative, elle serait justifiée par les objectifs de protection de l'environnement et de lutte contre la fraude dès lors que la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants a pour objet d'encourager la mise à la consommation en France de biocarburants et qu'ainsi, il est nécessaire de s'assurer que les volumes de HVO pris en compte pour l'établissement de cette taxe sont effectivement mis à la consommation en France.
13. Toutefois, la société BP France conteste le caractère proportionné de l'obligation de réaliser une analyse physique en laboratoire à l'entrée d'un premier entrepôt fiscal de stockage dès lors que cette exigence n'est pas requise en ce qui concerne les carburants contenant des HVO produits selon le procédé de co-traitement dans les deux raffineries françaises en France, qui y sont directement mis à la consommation en sortie d'usine, alors qu'ils présentent la même probabilité de discordance entre la teneur déclarée et la teneur réelle en molécules biosourcées que les carburants contenant des HVO produits selon le procédé de co-traitement importés en France, et alors qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier qu'en sortie d'usine ou d'entrepôt fiscal de stockage, la teneur en biocarburant des carburants, quelle que soit leur origine, qui sont exportés ou mis à la consommation dans des secteurs autres que le transport, est évaluée sur la base d'une moyenne d'incorporation mensuelle de cette usine ou entrepôt.
14. Saisie à titre préjudiciel dans le cadre du présent litige, la Cour de justice de l'Union européenne, dans l'arrêt du 29 juillet 2024 cité au point 5, a dit pour droit, au vu des éléments de droit et de fait exposés aux points 8 à 13, que l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne " s'oppose à une réglementation d'un État membre qui exige, aux fins du calcul d'une taxe incitative à l'incorporation de biocarburants, la réalisation d'une analyse physique au carbone 14 de la teneur en biocarburants (HVO) de carburants produits selon le procédé de co-traitement, lors de la réception de ces derniers dans le premier entrepôt fiscal de cet État membre, lorsque ces carburants sont produits dans une usine, située dans un autre État membre, qui a recours à un système volontaire de suivi par bilan massique reconnu par la Commission (...) comme étant complet, et alors que les carburants produits selon ce procédé dans le premier État membre ne sont pas soumis à une telle analyse lorsqu'ils sont mis à la consommation directement en sortie d'usine et que les autorités de ce premier État membre acceptent, pour déterminer en sortie d'usine exercée ou d'établissement fiscal national la teneur en biocarburants pouvant être allouée pour les besoins de cette taxe, d'évaluer sur la base d'une moyenne d'incorporation mensuelle de l'établissement ou de l'usine concernés la teneur en biocarburants des exportations ou des mises à la consommation dans des secteurs autres que le transport ".
15. En l'absence de tout élément de droit ou de fait nouveau établissant que la mesure contestée permet d'atteindre d'une manière cohérente et systématique les objectifs légitimes de protection de l'environnement et de lutte contre la fraude qu'elle poursuit, et notamment que les carburants contenant des biocarburants produits par les deux raffineries françaises selon le procédé de co-traitement sont également soumis à une analyse physique de leur teneur en biocarburants avant leur mise à la consommation en France, il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation des dispositions de la circulaire du ministre délégué, chargé des comptes publics, du 18 août 2020 concernant la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, en tant qu'elle impose le recours à une analyse physique en laboratoire pour les carburants contenant des HVO produits selon le procédé de co-traitement à l'entrée d'un premier entrepôt fiscal de stockage, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux introduit le 16 octobre 2020.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société BP France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La circulaire du ministre délégué, chargé des comptes publics, du 18 août 2020 concernant la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, en tant qu'elle impose le recours à une analyse physique en laboratoire pour les carburants contenant des HVO produits selon le procédé de co-traitement à l'entrée d'un premier entrepôt fiscal de stockage, et le rejet implicite du recours gracieux introduit par la société BP France le 16 octobre 2020 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la société BP France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société BP France et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 octobre 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 13 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :