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29/10/2024 | FRANCE | N°490485

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 29 octobre 2024, 490485


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les

26 décembre 2023 et 14 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Stop F... - 5G 88, Bugey Avenir Energies Tous Citoyens, Collectif A nos Ondes ! Pays Salonais et ses environs, Collectif Stop F... Comtat Ventoux, Observatoire du Nucléaire, Robin des Toits, Protection information citoyenne Arroux - Mesvrin - Autunois (PICAMA), Alerte Citoyenne Communauté Urbaine, Bien Vivre à Replonges, Stop F... - Pau / Béarn, ART

IC 33, AALGA Bretagne, Terre Nette, ainsi que Mme X... V..., M. O... E..., ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les

26 décembre 2023 et 14 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Stop F... - 5G 88, Bugey Avenir Energies Tous Citoyens, Collectif A nos Ondes ! Pays Salonais et ses environs, Collectif Stop F... Comtat Ventoux, Observatoire du Nucléaire, Robin des Toits, Protection information citoyenne Arroux - Mesvrin - Autunois (PICAMA), Alerte Citoyenne Communauté Urbaine, Bien Vivre à Replonges, Stop F... - Pau / Béarn, ARTIC 33, AALGA Bretagne, Terre Nette, ainsi que Mme X... V..., M. O... E..., M. B... N..., Mme AC... P..., Mme A... H..., M. C... W..., Mme X... AE..., Mme AB... AA..., M. et Mme T... et G... L..., M. AF... R..., M. AH... D..., Mme AD... Z..., M. AG... Y..., Mme G... J..., M. U... M..., Mme S... K..., M. AH... Q... et M. B... I... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2023-166 du

21 juin 2023 de la Commission de régulation de l'énergie portant décision sur les prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de leur recours gracieux du

28 août 2023 sollicitant le retrait ou, le cas échéant, l'abrogation de cette délibération.

Les requérants soutiennent que la délibération qu'ils attaquent :

- est entachée d'un vice de procédure, faute d'avoir été précédée d'un avis du Conseil supérieur de l'énergie ;

- méconnaît le principe d'égalité entre usagers du service public ;

- méconnaît le droit de certains usagers à ne pas être équipés du dispositif de comptage communicant dit F... ;

- méconnaît le principe de précaution et le droit de ne pas être équipé d'un dispositif de comptage dit F... en raison de l'usage de la technologie CPL ;

- méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la tarification de plusieurs prestations, au regard du service rendu ;

- méconnaît la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie ;

- méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2024, la Commission de régulation de l'énergie conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 1er juillet 2024, la société Enedis demande que le Conseil d'Etat rejette la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement à laquelle renvoie son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du

27 avril 2016 ;

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 134-1 du code de l'énergie : " Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires, la Commission de régulation de l'énergie précise, par décision publiée au Journal officiel de la République française, les règles concernant : / 1° Les missions des gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en matière d'exploitation et de développement des réseaux ; / 2° Les conditions de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ; / 3° Les conditions d'accès aux réseaux et de leur utilisation, y compris la méthodologie de calcul des tarifs d'utilisation des réseaux et les évolutions de ces tarifs (...) ". Aux termes de l'article L. 341-3 de ce code : " (...) La Commission de régulation de l'énergie fixe également les méthodes utilisées pour établir les tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux. / La Commission de régulation de l'énergie se prononce, s'il y a lieu à la demande des gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, sur les évolutions des tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, ainsi que sur celles des tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux. Elle peut prévoir un encadrement pluriannuel d'évolution des tarifs et des mesures incitatives appropriées, tant à court terme qu'à long terme, pour encourager les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution à améliorer leurs performances, notamment en ce qui concerne la qualité de l'électricité, à favoriser l'intégration du marché intérieur de l'électricité, l'efficacité énergétique des réseaux et la sécurité de l'approvisionnement et à rechercher des efforts de productivité ".

2. L'association Stop F... - 5G 88 et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération n° 2023-166 du 21 juin 2023 par laquelle la Commission de régulation de l'énergie, en application des dispositions citées au point 1, a fixé le contenu et les tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux publics de distribution d'électricité à destination, d'une part, des particuliers, des entreprises et des collectivités et, d'autre part, des responsables d'équilibre, ainsi que de la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'ils ont formé le 28 août 2023.

Sur l'intervention :

3. La société Enedis justifie d'un intérêt suffisant au maintien de la délibération attaquée. Ainsi, son intervention en défense est recevable.

Sur la requête :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Il ressort des pièces du dossier que la Commission de régulation de l'énergie a procédé à la consultation préalable du Conseil supérieur de l'énergie, lequel a rendu son avis le 20 juin 2023. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'adoption, faute que la Commission lui ait soumis, conformément aux articles L. 134-9 et R. 134-1 du code de l'énergie, un projet de décision, doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

Quant à la méconnaissance du principe d'égalité :

5. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

6. En premier lieu, les requérants soutiennent que la tarification en litige institue une différence de traitement injustifiée entre les utilisateurs du réseau public de distribution d'électricité selon qu'ils disposent ou non d'un dispositif de comptage communicant. Toutefois, les utilisateurs non équipés d'un tel dispositif sont, au regard de l'objet de la délibération attaquée, dans une situation différente de ceux qui en disposent. Par ailleurs, il ne résulte ni de la comparaison des tarifs appliqués aux usagers équipés et aux usagers non équipés, que font exclusivement valoir les requérants, ni de la circonstance, alléguée, que la réduction du tarif des prestations propres aux usagers équipés d'un compteur communicant serait nécessairement compensée par les tarifs d'utilisation du réseau public d'électricité supportés par l'ensemble des usagers, que ces différences de tarification seraient manifestement disproportionnées.

7. En deuxième lieu, la tarification de la prestation " Mise en service sur raccordement existant ", qui rend applicable aux usagers non équipés d'un dispositif de comptage communicant, le tarif applicable aux usagers qui en sont déjà équipés, à la condition qu'ils demandent simultanément la pose d'un tel type de compteur, institue une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de cette tarification et qui n'est pas manifestement disproportionnée, dès lors qu'elle n'est pas fondée exclusivement sur la situation du logement antérieure à la demande de raccordement, mais tient compte du choix d'équipement fait pour l'avenir, le cas échéant, par l'usager.

8. En dernier lieu, les requérants soutiennent que la délibération méconnaît le principe d'égalité en ne prenant pas en compte la situation des usagers des entreprises locales de distribution. Toutefois, ce moyen est dépourvu des précisions suffisantes permettant d'en examiner le bien-fondé.

9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité par la Commission de régulation de l'énergie doivent être écartés.

Quant aux autres moyens :

10. En premier lieu, la délibération attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer la pose d'un compteur communicant. Par suite, les requérants ne peuvent en tout état de cause pas utilement soutenir que la Commission de régulation de l'énergie aurait méconnu l'absence d'une " obligation légale " pour les usagers du service public de la distribution d'électricité d'accepter la pose d'un dispositif de comptage communicant.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ". Aux termes de son article 5 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ". Aux termes du 1° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, la protection et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels s'inspirent notamment du " principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ".

12. Il résulte de ces dispositions que le principe de précaution s'applique en cas de risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé. Il ne saurait dès lors être utilement invoqué par les requérants à l'encontre de la délibération qu'ils attaquent, qui ne porte, par elle-même, aucune atteinte à l'environnement.

13. En troisième lieu, les requérants soutiennent que la délibération aurait méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 9 du code civil, en demandant d'identifier les cas de refus ou d'impossibilité technique de l'installation d'un compteur évolué d'ici fin 2024 au plus tard, en violation de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Toutefois, la seule circonstance que la Commission de régulation de l'énergie recommande de poursuivre la fiabilisation des bases de données permettant le recensement des utilisateurs ayant refusé la pose d'un compteur évolué n'a ni pour objet, ni pour effet, de créer un traitement de données à caractère personnel contraire à ces dispositions, et par suite, ne porte, par elle-même, aucune atteinte au principe du respect de la vie privée et familiale.

14. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que la Commission de régulation de l'énergie aurait, en fixant des tarifs manifestement disproportionnés par rapport au coût des prestations en cause, entaché la délibération attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 6, les requérants n'établissent pas une telle disproportion par la seule comparaison des tarifs appliqués aux usagers équipés d'un dispositif de comptage communicant et aux usagers ne se trouvant pas dans la même situation.

15. En cinquième lieu, la suppression de la liste des prestations annexes obligatoirement proposées par les gestionnaires de réseaux publics de distribution d'électricité, des prestations de mise en place d'un système de téléreport des index et de remplacement du compteur par un compteur électronique avec activation de la téléinformation du compteur, et le reclassement de ces deux prestations dans la catégorie des prestations annexes pouvant seulement être proposées par ces gestionnaires, d'une part, ne sauraient, par eux-mêmes, porter atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie, et, d'autre part, n'entachent la délibération attaquée d'aucun manquement à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme.

16. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 322-8 du code de l'énergie : " Sans préjudice des dispositions du sixième alinéa du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, un gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : / (...) 7° D'exercer les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés à son réseau (...) ". Il en résulte que le moyen tiré de ce que la prestation de " relevé spécial " du compteur ne constituerait pas une prestation annexe au service public doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la délibération n° 2023-166 du 21 juin 2023 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté par lettre du 28 août 2023. Par suite, la requête de l'association Stop F... 88 et autres doit être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la société Enedis est admise.

Article 2 : La requête de l'association Stop F... - 5G 88 et autres est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Stop F... - 5G 88, première requérante dénommée, à la Commission de régulation de l'énergie et à la société Enedis.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 octobre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 29 octobre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 490485
Date de la décision : 29/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 oct. 2024, n° 490485
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mazauric
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490485.20241029
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