Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 472934 du 22 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a admis les conclusions du pourvoi de la société Dacsa France dirigées contre le jugement nos 2003948, 2102791l du 9 février 2023 du tribunal administratif de Strasbourg, relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2018 et 2019.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 8 mars 2024, la société Dacsa France conclut aux mêmes fins que son pourvoi et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Dacsa France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par un jugement du 9 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes de la société Dacsa France tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 à 2020 dans les rôles de la commune de Strasbourg (Bas-Rhin). Par une décision du 22 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a admis les conclusions du pourvoi de la société Dacsa France dirigées contre ce jugement relatif à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2018 et 2019.
Sur l'étendue du litige :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 6 mars 2024, le directeur régional des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin a accordé à la société Dacsa France un dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 2019, à hauteur d'un montant de 98 448 euros. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions du pourvoi de la société Dacsa France.
Sur le surplus des conclusions du pourvoi :
3. En premier lieu, aux termes du I de l'article 1389 du code général des impôts : " Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas (...) d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début (...) de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel (...) l'inexploitation a pris fin. / Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que (...) l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible (...) d'exploitation séparée ".
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Dacsa France soutenait que la fermeture du site industriel qu'elle exploitait à Strasbourg était imputable à des difficultés d'approvisionnement et d'acheminement du maïs, résultant, selon elle, de changements climatiques locaux détériorant la qualité et la quantité de " production de matières premières localement produites ". En jugeant que la société Dacsa France n'établissait pas, ni même n'alléguait, qu'il lui était impossible de continuer à utiliser son établissement, soit en modifiant les conditions d'exploitation ou d'approvisionnement, soit en y exerçant une activité différente, et en en déduisant que l'inexploitation du site n'était pas indépendante de sa volonté, le tribunal, qui a suffisamment motivé son jugement, n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En second lieu, les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, à l'article 1496 du code général des impôts pour ce qui est des " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile", à l'article 1498 en ce qui concerne " tous les biens autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501 ", à l'article 1499 s'agissant des " immobilisations industrielles " et à l'article 1501 pour ce qui est " des catégories de locaux, établissements ou installations de caractère industriel ou commercial, lorsqu'il existe dans différentes communes des biens de cette nature présentant des caractéristiques analogues ". Revêtent un caractère industriel, au sens de l'article 1499, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant. Si la vacance, résultant de la cessation de l'activité industrielle, de ce local n'est pas de nature, par elle-même, à lui faire perdre son affectation industrielle, il n'en est pas de même si cette vacance est assortie de la disparition de tout moyen technique industriel, qui rend l'immeuble disponible pour une activité autre qu'industrielle.
6. Pour rejeter la demande, présentée à titre subsidiaire, de la société Dacsa France tendant à ce que la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts soit substituée à celle, retenue par l'administration fiscale, de l'article 1499 du même code pour déterminer la valeur locative de l'établissement en litige, le tribunal a jugé que la cessation de l'activité industrielle de cet établissement n'était pas de nature à lui faire perdre son caractère industriel au sens et pour l'application des dispositions de ce second article. En statuant ainsi sans rechercher si la disparition, le cas échéant, de tout moyen technique industriel ne rendait pas l'immeuble disponible pour une autre activité, ce tribunal a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Dacsa France est seulement fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il se prononce sur sa demande subsidiaire de substitution de la méthode d'évaluation des locaux en litige au titre de l'année 2018 et, sous réserve du non-lieu constaté au point 2, de l'année 2019.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Dacsa France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi à concurrence de la somme de 98 448 euros.
Article 2 : Le jugement du 9 février 2023 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il se prononce sur la demande subsidiaire de la société Dacsa France, de substitution de la méthode d'évaluation des biens en litige au titre de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 et, sous réserve du non-lieu prononcé à l'article 1er, de l'année 2019.
Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 2, au tribunal administratif de Strasbourg.
Article 4 : L'Etat versera à la société Dacsa France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Dacsa France et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 4 octobre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 29 octobre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Lionel Ferreira
Le secrétaire :
Signé : M. Brian Bouquet
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :