Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 493984, par une requête sommaire et un mémoire en réplique enregistrés les 3 mai et 4 septembre 2024, la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 15 février 2024 relatif à la redevance acquittée par les employeurs exerçant une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises ayant accès à des éléments relatifs à la validité du permis de conduire de leurs salariés affectés à la conduite ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Sous le n° 493993, par une requête sommaire et un mémoire en réplique enregistrés les 3 mai et 4 septembre 2024, la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 15 février 2024 pris en application de l'article R. 225-5-1 du code de la route ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 225-5 du code de la route : " Les informations relatives à l'existence, la catégorie et la validité du permis de conduire sont communiquées : (...) 11° Aux entreprises exerçant une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises, pour les personnes qu'elles emploient comme conducteur de véhicule à moteur ; ". Aux termes de l'article R. 225-5-1 du même code : " Afin d'accéder aux informations mentionnées à l'article L. 225-5, les entreprises exerçant une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises déclarent les personnes qu'elles emploient comme conducteur de véhicule à moteur. (...) Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des transports précise la liste des activités concernées et détermine les conditions de déclaration des personnes employées et les modalités de délivrance et les caractéristiques de l'attestation sécurisée ". Enfin, aux termes de l'article R. 225-5-2 du même code : " Le service permettant aux entreprises exerçant une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises d'accéder aux informations mentionnées à l'article L. 225-5 donne lieu à la perception d'une redevance, qu'elles versent à la personne morale chargée de les délivrer. / Les modalités de tarification de la redevance sont fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière (...) ".
2. Les arrêtés contestés du 15 février 2024 ont défini, sur le fondement des dispositions des articles R. 225-5-1 et R. 225-5-2 du code de la route, respectivement, la liste des catégories d'entreprises exerçant une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises pouvant accéder aux informations relatives à l'existence, la catégorie et la validité du permis de conduire des conducteurs qu'elles emploient et les caractéristiques de la redevance exigible en contrepartie de l'accès, grâce au service " Verifpermis ", à ces informations. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés.
Sur la légalité de l'arrêté dressant la liste des activités concernées :
3. Ainsi qu'il résulte du texte même des dispositions de l'article R. 225-5-1 du code de la route citées ci-dessus, après avoir prévu un accès aux informations sur le permis de conduire des conducteurs qu'elles emploient des entreprises exerçant leur activité dans le domaine des " transports publics routiers de voyageurs et de marchandises ", le pouvoir réglementaire a délégué à un arrêté interministériel le soin de préciser la liste des activités entrant dans ce champ pour l'application de ces dispositions. Contrairement à ce qui est soutenu, en y incluant toute " entreprise de transport public routier de personnes inscrite au registre mentionné, selon le cas, aux articles L. 3113-1 ou L. 3122-3 du code des transports, ou exploitant les véhicules mentionnés aux articles L. 3121-1 et L. 3123-1 de ce code ou entreprise de transport routier sanitaire mentionné à l'article R. 3231-6 du même code ", lesquelles exercent une activité de transport routier de personnes, les ministres n'ont pas méconnu le code des transports, sans que puisse être utilement invoquée la définition que donnent du transporteur de voyageur par route les dispositions du règlement (CE) n° 1071/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route.
Sur la légalité de l'arrêté relatif à la redevance :
4. Il résulte des dispositions contestées que les entreprises employant 50 conducteurs salariés doivent, si elles souhaitent recourir au téléservice " Verifpermis ", souscrire un abonnement annuel de 40 euros incluant 100 consultations du téléservice puis s'acquitter d'une redevance de 95 centimes d'euros par consultation, tandis que les entreprises employant plus de 50 conducteurs salariés et qui souhaitent recourir à ce service doivent, après avoir souscrit un abonnement annuel de 40 euros, s'acquitter d'une redevance de 95 centimes d'euros dès la première consultation.
5. Pour être légalement établie et ne pas revêtir le caractère d'une imposition dont seul le législateur pourrait fixer les règles, une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Toutefois, si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Ainsi, le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public, auquel il ne peut être dérogé que pour un motif d'intérêt général en rapport avec le service public en question.
6. En premier lieu, eu égard d'une part à l'objectif poursuivi par la création du service qui vise le renforcement de la sécurité routière en incitant les entreprises du secteur à s'assurer de la validité du permis de leurs conducteurs, d'autre part, aux caractéristiques de ce secteur qui comporte de très nombreuses entreprises de petite ou de moyenne taille et enfin, à la modicité du coût de consultation du service, en retenant ce dispositif, le ministre de l'intérieur n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, méconnu le principe d'égalité des usagers devant le service public.
7. En deuxième lieu, si la requérante soutient que le tarif établi par les dispositions contestées pour les entreprises employant plus de 50 conducteurs serait surévalué au regard du coût de revient du service et ne serait pas fondé sur des critères objectifs et rationnels, le ministre de l'intérieur fait valoir les coûts de conception, d'exploitation et de maintenance du service, dont il détaille les différentes composantes, permettant aux 33 000 entreprises exerçant une activité de transport public routier d'accéder aux informations sur leurs chauffeurs, qu'il évalue à 2,7 millions d'euros. La FNTR n'apporte pas d'éléments susceptibles d'établir que le barème ainsi établi, qui permet d'amortir les coûts supportés par l'administration au terme d'une période de six ans, serait manifestement disproportionné. Il en résulte que ce moyen doit également être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés attaqués.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la Fédération nationale des transports routiers sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des transports routiers, à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 octobre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.
Rendu le 28 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Hadrien Tissandier
Le secrétaire :
Signé : M. Guillaume Auge