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25/10/2024 | FRANCE | N°487824

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 25 octobre 2024, 487824


Vu la procédure suivante :



La fédération d'associations de protection de l'environnement du golfe du Morbihan (FAPEGM), l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan " (ACR56), l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden " (AQVLB) et l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " ont demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 23 mars 2021 par laquelle le préfet du Morbihan a refuser de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société Omnium de Const

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Vu la procédure suivante :

La fédération d'associations de protection de l'environnement du golfe du Morbihan (FAPEGM), l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan " (ACR56), l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden " (AQVLB) et l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " ont demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 23 mars 2021 par laquelle le préfet du Morbihan a refuser de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société Omnium de Constructions Développements Locations (OCDL) à raison de l'occupation irrégulière par cette dernière du domaine public maritime dans l'île de Berder et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Morbihan de dresser un tel procès-verbal.

Par un jugement n° 2102583 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision implicite par laquelle le préfet du Morbihan a refusé de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société OCDL et lui a enjoint d'en dresser un, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement.

Par un arrêt n° 22NT03526 du 30 juin 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la société OCDL contre ce jugement, a annulé ce jugement, sur appel incident de l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan " (ACR56), en tant qu'il avait rejeté pour défaut d'intérêt à agir la demande de cette association et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 août et 30 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société OCDL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan, de l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan ", de l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden " et de l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Maître Haas, avocat de la société Omnium de Constructions Développements Locations (OCDL) et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la fédération d'associations de protection de l'environnement du golfe du Morbihan, l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan ", l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden " et l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par arrêté du 28 novembre 2016, le préfet du Morbihan a délivré à la SAS Omnium de constructions développements locations (OCDL), propriétaire de l'île de Berder dans le golfe du Morbihan, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime moyennant redevance portant sur la chaussée d'accès à l'île, sur trois cales et sur la portion du bâtiment dit " la grande Pêcherie " qui, édifiée au dix-neuvième siècle sur un terre-plein installé sur le domaine public maritime, relève de ce domaine. L'article 5 de cet arrêté prévoit, outre différentes obligations destinées à assurer l'entretien des ouvrages et la libre circulation du public sur le rivage, que " la partie du bâtiment dit de " La Pêcherie " édifiée sur le domaine public maritime devra accueillir des activités liées à la mer ". Estimant que cette dernière obligation n'était pas respectée et que le bâtiment de " la grande Pêcherie " était utilisé à des fins d'habitation, la fédération d'associations de protection de l'environnement du golfe du Morbihan, l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan ", l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden " et l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " ont demandé au préfet du Morbihan de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société OCDL. Une décision implicite de rejet étant née du silence du préfet, elles ont saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 26 septembre 2022, a annulé la décision implicite du préfet et lui a enjoint de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre de la société OCDL. Cette dernière se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 juin 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête contre ce jugement.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a fait droit à l'appel incident tendant à ce que soit reconnu l'intérêt pour agir de l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan " :

2. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan " s'est notamment donné pour objet de veiller à la préservation du patrimoine culturel, en particulier celle du patrimoine bâti ancien, et du patrimoine paysager des communes littorales et des communes d'estuaires du Morbihan. En en déduisant que cette association justifiait, quand bien même l'usage du bâtiment de " la grande Pêcherie " à des fins d'habitation n'était pas apparent de l'extérieur, d'un intérêt pour agir, au motif que le respect de l'affectation de cette dépendance du domaine public maritime entrait dans son objet social, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur le refus du préfet du Morbihan de dresser procès-verbal de contravention de grande voirie et sur les conclusions tendant à ce qu'il enjoint au préfet de dresser procès-verbal :

3. Aux termes de l'article L. 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. / Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation ". Selon l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection... de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public (...) ".

5. Les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public maritime sont tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale des rivages de la mer et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie, pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite qui s'opposent à l'exercice par le public de son droit à l'usage du domaine maritime. Si l'obligation ainsi faite à ces autorités trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, dans les nécessités de l'ordre public, elles ne sauraient légalement s'y soustraire pour des raisons de simple convenance administrative.

6. En premier lieu, s'il appartient à l'autorité ayant délivré une autorisation temporaire d'occupation du domaine public de prendre les mesures nécessaires pour en faire respecter les termes et, le cas échéant, d'y mettre fin, la seule circonstance que le titulaire méconnaîtrait une des conditions attachées à l'autorisation d'occupation qui lui a été délivrée n'est pas de nature à le faire regarder comme un occupant sans titre et ne saurait, par elle-même, donner lieu à l'établissement d'un procès-verbal pour contravention de grande voirie en l'absence d'infraction aux dispositions légales et réglementaires prévoyant de telles poursuites.

7. En second lieu, la méconnaissance des dispositions précédemment citées des articles L. 2121-1 et L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui n'instituent pas de contravention de grande voirie au sens de l'article L. 2132-2 du même code, ne saurait, à elle seule, fonder des poursuites pour ce motif.

8. En l'espèce, après avoir relevé que la société OCDL ne justifiait d'aucun élément établissant l'affectation du bâtiment de " la grande Pêcherie ", construit en partie sur le domaine public maritime, à des activités liées à la mer, alors que telle était l'une des conditions posées par l'article 5 de l'arrêté du 28 novembre 2016 portant autorisation temporaire d'occupation du domaine public maritime, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que la société devait être regardée comme occupant le domaine public sans titre l'y autorisant, de sorte que le préfet était tenu, en l'absence de motif d'intérêt général, de saisir le juge des contraventions de grande voirie. En assimilant ainsi à un occupant sans titre le titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public qui n'en respecterait pas les conditions d'occupation et en donnant pour fondement à une contravention de grande voirie l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt du 30 juin 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes doit être annulé seulement en ce qu'il a rejeté l'appel principal de la société OCDL.

Sur le règlement du litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

11. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation du refus de l'autorité compétente de déférer au tribunal administratif des faits de contravention de grande voirie, il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité d'un tel refus à la date de celui-ci.

12. Il ressort des pièces du dossier qu'en réponse à la demande, déposée par la société OCDL dès le 28 août 2020, tendant au renouvellement de l'autorisation temporaire d'occupation du domaine public maritime sur l'île de Berder accordée par arrêté du 28 novembre 2016 jusqu'au 31 décembre 2020, le préfet du Morbihan a, par un nouvel arrêté du 31 mars 2021, prolongé jusqu'au 31 décembre 2021, avec effet rétroactif, l'autorisation temporaire d'occupation du domaine public initialement accordée. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la circonstance que la société aurait méconnu l'une des prescriptions attachées à cette autorisation, en l'espèce l'obligation d'accueillir des activités liées à la mer dans la partie de " la grande Pêcherie " édifiée sur le domaine public maritime, ne saurait être assimilée à une occupation sans titre et ne peut, à elle seule, donner lieu à l'établissement d'un procès-verbal pour contravention de grande voirie en l'absence d'infraction aux dispositions légales et réglementaires prévoyant de telles poursuites. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, la société OCDL est fondée à demander l'annulation du jugement du 26 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant que ce jugement a, d'une part, annulé la décision implicite du 23 mars 2021 du préfet du Morbihan refusant de dresser un procès-verbal de contravention de grande voirie à son encontre et, d'autre part, enjoint à ce dernier de dresser un tel procès-verbal.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la fédération d'associations de protection de l'environnement du golfe du Morbihan, de l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan ", de l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden " et de l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " la somme globale de 3 000 euros à verser à la société OCDL en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société OCDL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt du 30 juin 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : Les articles 1, 2 et 5 du jugement du 26 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.

Article 3 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par la fédération d'associations de protection de l'environnement du golfe du Morbihan, l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan ", l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden " et l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " est rejetée.

Article 4 : La fédération d'associations de protection de l'environnement du golfe du Morbihan, l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan ", l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden " et l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " verseront la somme globale de 3 000 euro à la société OCDL en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi ainsi que le surplus des conclusions des parties devant le tribunal administratif sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société OCDL, à la fédération d'associations de protection de l'environnement du golfe du Morbihan, à l'association " Les Amis des Chemins de ronde du Morbihan ", à l'association " Qualité de vie à Larmor-Baden ", à l'association " Les Amis du Golfe du Morbihan " et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 25 octobre 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 487824
Date de la décision : 25/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-03-01-01 DOMAINE. - DOMAINE PUBLIC. - PROTECTION DU DOMAINE. - CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE. - FAITS CONSTITUTIFS. - ABSENCE – 1) MÉCONNAISSANCE D’UNE CONDITION ATTACHÉE À L’AUTORISATION D’OCCUPATION – 2) MÉCONNAISSANCE DES ARTICLES L. 2121-1 ET L. 2122-1 DU CG3P PROTÉGEANT L’UTILISATION DU DOMAINE PUBLIC [RJ1].

24-01-03-01-01 1) S’il appartient à l’autorité ayant délivré une autorisation temporaire d’occupation du domaine public de prendre les mesures nécessaires pour en faire respecter les termes et, le cas échéant, d’y mettre fin, la seule circonstance que le titulaire méconnaîtrait une des conditions attachées à l’autorisation d’occupation qui lui a été délivrée n’est pas de nature à le faire regarder comme un occupant sans titre et ne saurait, par elle-même, donner lieu à l’établissement d’un procès-verbal pour contravention de grande voirie en l’absence d’infraction aux dispositions légales et réglementaires prévoyant de telles poursuites....2) La méconnaissance des articles L. 2121-1 et L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), qui n’instituent pas de contravention de grande voirie au sens de l'article L. 2132-2 du même code, ne saurait, à elle seule, fonder des poursuites pour ce motif.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2024, n° 487824
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:487824.20241025
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