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22/10/2024 | FRANCE | N°490325

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 22 octobre 2024, 490325


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 décembre 2023 et 20 mars et 3 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° ADM/07505-1/CN du 2 octobre 2023 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur recours de Mme D... B... contre la décision du conseil central

de la section H de l'ordre des pharmaciens, l'a inscrite au tableau de la section H, ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 décembre 2023 et 20 mars et 3 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° ADM/07505-1/CN du 2 octobre 2023 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur recours de Mme D... B... contre la décision du conseil central de la section H de l'ordre des pharmaciens, l'a inscrite au tableau de la section H, à compter du 2 octobre 2023, pour exercer en qualité de praticienne contractuelle en pharmacie à usage intérieur ;

2°) de mettre à la charge solidaire du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat du conseil central de la Section H de l'ordre national des Pharmaciens et à la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 2 octobre 2023 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur recours hiérarchique de Mme B... contre sa décision du 11 mai 2023, l'a inscrite au tableau de cette section. La circonstance que, postérieurement à l'introduction de la requête, l'intéressée ait indiqué avoir été radiée, à sa demande, du tableau de la section H ne prive pas la requête d'objet.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. En premier lieu, les dispositions du point 7 du chapitre III du règlement intérieur de l'ordre national des pharmaciens n'imposent pas, contrairement à ce qui est allégué, que les décisions du Conseil national de l'ordre des pharmaciens fassent mention du sens du vote émis par chaque membre sur les délibérations de ce conseil. Par suite, le moyen tiré du vice qui entacherait en l'absence d'une telle mention la décision attaquée, qui, au demeurant, comporte la mention des membres du conseil national ayant participé à sa délibération, ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4231-6 du code de santé publique : " Le conseil national est assisté par un conseiller d'Etat, nommé, en même temps qu'un suppléant, par le ministre de la justice. Ce conseiller a voix délibérative ". Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter le choix du ministre aux conseillers d'Etat en activité ou de l'obliger à procéder à une nouvelle nomination lorsque le conseiller d'Etat qu'il a désigné atteint la limite d'âge. Par suite, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens n'est pas fondé à soutenir que la participation de M. Keller, conseiller d'Etat honoraire, membre titulaire du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, à la délibération de la décision attaquée serait de nature à en entacher la légalité.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 4231-4 du code de santé publique, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens est composé de vingt-six membres, dont " 1° Deux professeurs ou maîtres de conférences des unités de formation et de recherche de pharmacie, pharmaciens en activité, nommés par le ministre chargé de la santé, sur proposition du ministre chargé de l'enseignement supérieur (...) ". Si ces dispositions imposent aux ministres de désigner des professeurs ou maîtres de conférences en activité, titulaires de diplômes de pharmacie, elles ne prévoient pas que seuls pourraient être nommés des pharmaciens inscrits au tableau de l'ordre. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., titulaire du diplôme de docteur d'Etat en pharmacie, est professeure d'université en droit et économie de la santé, en activité à l'université de Montpellier et que M. A..., titulaire du même diplôme, est professeur d'université en activité à l'université d'Angers. Par suite, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens n'est pas fondé à soutenir que Mme E... et M. A... ne pouvaient régulièrement siéger au Conseil national de l'ordre des pharmaciens, faute d'être inscrits au tableau de l'ordre.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 4232-1 du code de la santé publique : " L'Ordre national des pharmaciens comporte sept sections dans lesquelles les pharmaciens sont répartis de la manière suivante : (...) Section H : pharmaciens exerçant dans les établissements de santé ou médico-sociaux (...) ". Aux termes de l'article L. 4222-4 du même code : " Après avoir examiné les titres et qualités du demandeur, le conseil régional de la section A ou le conseil central de la section B, C, D, E, G ou H de l'ordre soit accorde l'inscription au tableau, soit, si les garanties de compétence, de moralité et d'indépendance professionnelle ou les conditions prévues par la loi ne sont pas remplies, la refuse par une décision motivée écrite. (...) ". Le I de l'article R. 4222-4-1 du même code prévoit à ce titre que : " Le conseil régional ou central compétent vérifie les titres et qualités du demandeur (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 5126-1 du code de la santé publique, relatif aux pharmacies à usage intérieur : " I. - Les pharmacies à usage intérieur répondent aux besoins pharmaceutiques des personnes prises en charge par l'établissement, service ou organisme dont elles relèvent, ou au sein d'un groupement hospitalier de territoire ou d'un groupement de coopération sanitaire dans lequel elles ont été constituées (...) ". L'article R. 5126-1 du même code fixe la liste des structures qui peuvent être autorisées à disposer d'une pharmacie à usage intérieur, au nombre desquelles les établissements de santé et plusieurs catégories d'établissements médico-sociaux, et l'article R. 5126-2 fixe les diplômes d'études spécialisées dont un pharmacien doit désormais, sauf dérogation, être titulaire pour exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur. Aux termes de ce dernier article dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Pour exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, le pharmacien est titulaire soit : 1° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie hospitalière et des collectivités ; 2° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie industrielle et biomédicale ; 3° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie (...) ". Et aux termes de l'article R. 5126-3 : " I.- Par dérogation aux dispositions de l'article R. 5126-2, peut également exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, le pharmacien qui : / (...) 2° Après le 1er juin 2017 et jusqu'au 1er juin 2025 reprend un exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur et justifie, à la date de la reprise, d'un exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur, soit à temps plein soit à temps partiel, d'une durée équivalente à deux ans à temps plein sur la période des dix dernières années. II.- Les périodes de fonction en pharmacie à usage intérieur en qualité de faisant fonction d'interne, d'attaché associé, de praticien attaché associé ou d'assistant associé sont prises en compte au titre de la condition de durée minimale d'exercice de deux ans prévue aux 1° et 2° du I ".

7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'un pharmacien qui n'est titulaire d'aucun des diplômes d'études spécialisées mentionnés à l'article R. 5126-2 du code de la santé publique demande son inscription au tableau de l'ordre, en invoquant l'une des dérogations prévues par l'article R. 5126-3 sur les conditions d'exercice au sein des pharmacies à usage intérieur, il appartient au conseil central compétent de s'assurer que les conditions de la dérogation qu'il invoque sont remplies.

8. En premier lieu, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du II de l'article R. 5126-3 du code de la santé publique ne bénéficieraient qu'aux praticiens titulaires d'un diplôme délivré hors de l'Union européenne.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que si Mme B... est seulement titulaire d'un diplôme de docteur en pharmacie, elle avait exercé à plein temps en qualité de faisant fonction d'interne en pharmacie à usage intérieur au centre hospitalier de Lunéville du 1er mars 2021 au 28 février 2023 inclus. En estimant que les dispositions du II de l'article R. 5126-3 du code de la santé publique permettaient la prise en compte du service accompli par Mme B... en qualité de faisant fonction d'interne et en en déduisant que l'intéressée remplissait les conditions légales d'exercice en pharmacie à usage intérieur et pouvait ainsi prétendre à être inscrite au tableau de la section H de l'ordre des pharmaciens, le Conseil national de cet ordre n'a pas commis d'erreur de droit.

10. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens aurait inexactement apprécié le respect par Mme B... de la condition de compétence professionnelle. Eu égard aux pièces produites par l'intéressée attestant de sa compétence professionnelle et des formations qu'elle a récemment suivies, le moyen tiré de ce que l'intéressée ne satisferait pas à l'obligation de développement professionnel continu fixée par l'article L. 4021-1 du code de la santé publique ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens, au Conseil national de l'ordre des pharmaciens et à Mme D... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2024 où siégeaient : Mme Laurence Helmlinger, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 octobre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Laurence Helmlinger

La rapporteure :

Signé : Mme Amel Hafid

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 490325
Date de la décision : 22/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2024, n° 490325
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amel Hafid
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490325.20241022
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