Vu la procédure suivante :
Mme H... G..., veuve F..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils, M. A... F..., M. E... F..., Mme B... F..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de sa fille mineure I... J..., et M. D... F... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de mettre à la charge solidaire de l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, et du CHU de Saint-Etienne, pour faute, l'indemnisation des préjudices ayant résulté pour eux du décès de M. C... F.... Par un jugement n° 1806153 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1806152 du 16 juin 2020, rendu au vu de l'avis du Conseil d'Etat, il a partiellement fait droit à leur demande en mettant diverses sommes à la charge du CHU de Saint-Etienne et de l'ONIAM.
Par un arrêt n° 20LY02231 du 26 juillet 2022, rectifié par une décision n° 22LY02788 du 6 avril 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme F... et autres et sur appels incidents de l'ONIAM et du CHU de Saint-Etienne, réformé ce jugement pour condamner l'ONIAM et le CHU de Saint-Etienne à verser respectivement à la succession F... les sommes de 17 287,20 euros et 1 920,80 euros, à Mme F..., 363 646,42 euros et 40 405,16 euros, à M. D... F..., 22669,29 euros et 2 518,03 euros, à M. A... F..., 14 424,43 euros et 1 603,02 euros, à Mme B... F... en son nom propre, 5 850 euros et 650 euros, à M. E... F..., 5 850 euros et 650 euros et à Mme B... F... en qualité de représentante légale de sa fille I... J..., 2 700 et 300 euros.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 septembre et 27 décembre 2022 et le 19 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme F... et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme F... et autres et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du CHU de Saint-Etienne.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... F..., hospitalisé au CHU de Saint-Etienne du 26 au 30 mars 2007 pour la pose d'une chambre implantable destinée au traitement d'un cancer, a contracté à cette occasion une infection nosocomiale dont il est décédé le 28 avril 2007. Par un arrêt du 26 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a mis la réparation des préjudices de la victime et de ses ayants droits à la charge de l'ONIAM à hauteur de 90 %, au titre de la solidarité nationale et à la charge du CHU de Saint-Etienne à hauteur de 10 % au titre d'un retard fautif de diagnostic.
Sur le pourvoi de l'ONIAM et le pourvoi incident du CHU de Saint-Etienne en tant qu'ils sont dirigés contre l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur le préjudice économique de M. D... F... :
2. La cour administrative d'appel, qui a retenu à bon droit que le préjudice économique propre de M. D... F..., fils de la victime, correspondait à la différence entre sa part dans le revenu disponible, soit 20 % de 12 800 euros, multiplié par un euro de rente de 9,979 correspondant à un homme ayant 15 ans à la date d'attribution et 25 ans à la date de dernier arrérage et le montant cumulé du capital décès et de la pension d'orphelin perçus pendant cette même période, soit 17 164,24 euros, a dénaturé les pièces du dossier en estimant que ce calcul produisait un résultat de 9 180,32 euros. Il y a lieu, par suite, d'annuler son arrêt en tant qu'il fixe les sommes mises à la charge de l'ONIAM et du CHU de Saint-Etienne au titre du préjudice économique de M. D... F....
Sur le pourvoi de l'ONIAM en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les autres chefs de préjudice :
3. En premier lieu, la cour administrative d'appel, qui n'a pas, contrairement à ce qui est allégué, omis de prendre en compte le fait que M. C... F... aurait été susceptible de partir en retraite à la fin de l'année 2009 et de subir à cette occasion une diminution de ses revenus, mais qui a également tenu compte du départ en retraite anticipé de Mme F... à la suite du décès de son époux et de l'incertitude que la maladie de M. F... faisait, en tout état de cause, peser sur la date de son départ en retraite, n'a pas, eu égard à l'ensemble des éléments qu'elle a ainsi pris en compte, commis d'erreur de droit en procédant à l'évaluation des revenus annuels qui auraient été, en l'absence de décès de la victime, ceux du foyer de la victime pour l'ensemble de la période future.
4. En deuxième lieu, en prenant en compte la pension de retraite effectivement versée à Mme F... pour déterminer les revenus du foyer durant la période postérieure au décès de M. F..., la cour administrative d'appel, qui a souverainement et sans les dénaturer estimé qu'il ressortait des pièces du dossier que le caractère anticipé de ce départ en retraite résultait de manière directe et certaine du décès de son époux, n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Le pourvoi de l'ONIAM doit par suite être rejeté en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les autres chefs de préjudice,
Sur le pourvoi incident du CHU de Saint-Etienne en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les autres chefs de préjudice :
6. La cour administrative d'appel, qui s'est estimée suffisamment informée de l'existence d'un lien direct et certain entre le décès de M. F... et le départ en retraite anticipé de Mme F..., a pu sans erreur de droit s'abstenir d'ordonner une expertise sur ce point.
7. Les autres moyens du pourvoi du CHU de Saint-Etienne doivent être écartés, pour les motifs retenus aux points 3 à 5 de la présente décision.
8. Le pourvoi du CHU de Saint-Etienne doit par suite être rejeté en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt, en tant qu'il statue sur les autres chefs de préjudice, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.
Sur le pourvoi incident de Mme F... et autres :
9. En fixant à 20 % la part de consommation personnelle de M. C... F..., la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Le moyen tiré de ce qu'elle aurait, ce faisant, commis une erreur de droit n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. Elle n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier en estimant, pour fixer la période indemnisable, qu'il n'était pas établi que M. A... F..., fils de la victime, subirait un préjudice économique au-delà de l'âge de trente ans, ni en fixant l'indemnisation des préjudices d'accompagnement et d'affection de Mme F... à 1000 euros et à 20 000 euros, ni en fixant, au point 22 de son arrêt, par une décision suffisamment motivée sur ce point, l'indemnisation des préjudices d'accompagnement et d'affection de MM. A... et D... F... à 16 000 euros et de Mme B... F... et M. E... F..., également enfants de la victime, à 6 500 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant seulement qu'à son article 2, il fixe les sommes mises à la charge de l'ONIAM et du CHU de Saint-Etienne au titre du préjudice économique de M. D... F....
Sur le règlement au fond
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond dans la mesure de l'annulation prononcée.
13. Il résulte des principes énoncés au point 2 de la présente décision que le préjudice économique propre de M. D... F... correspond à la différence entre, d'une part, 20 % du revenu disponible de M. C... F..., multipliés par un euro de rente de 10,550 correspondant à un homme ayant 15 ans à la date d'attribution et 25 ans à la date de dernier arrérage selon le barème de la Gazette du Palais de l'année 2022, soit 20 % de 12 800 x 10,550 = 27 008 euros, et, d'autre part, la somme de 17 164,24 euros correspondant au capital décès et à la pension d'orphelin qu'il a perçus à la suite du décès de M. C... F.... Son préjudice économique s'établit, par suite, à la somme de 9 843,76 euros. Compte tenu de la somme de 16 000 euros qui lui a été accordée par la cour administrative d'appel au titre du préjudice d'accompagnement et d'affection et des taux fixés par le jugement du tribunal administratif de Lyon, devenu définitif sur ce point, il s'en déduit que l'ONIAM doit être condamné à indemniser M. D... F... à hauteur de 23 259,39 euros et le CHU de Saint-Etienne, à hauteur de 2 584,37 euros.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par l'ONIAM soit mise à la charge de Mme F... et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme demandée par Mme F... et autres au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 juillet 2022 est annulé en tant qu'il fixe les sommes mises à la charge de l'ONIAM et du CHU de Saint-Etienne au titre du préjudice économique de M. D... F....
Article 2 : L'ONIAM et le CHU de Saint-Etienne verseront à M. D... F..., respectivement, les sommes de 23 259,39 euros et 2 584,37 euros au titre de son préjudice économique.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'ONIAM, le surplus des conclusions du pourvoi incident du CHU de Saint-Etienne et les conclusions du pourvoi incident de Mme F... et autres sont rejetés.
Article 5 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme H... F..., première défenderesse dénommée et au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 22 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire