Vu la procédure suivante :
1° Le préfet de l'Essonne a déféré au tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le maire de Vigneux-sur-Seine (Essonne) a délivré à la société Altarea Cogedim un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier. Par un jugement n° 1800713 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif a annulé pour excès de pouvoir cet arrêté.
Par une décision n° 426139 du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé ce jugement et renvoyé le jugement de l'affaire devant le tribunal administratif.
2° L'association des Habitants de Port Premier (AHPP), l'association " Rassemblement pour l'Etude de la Nature et l'Aménagement de Roissy-en-Brie et District " (RENARD), M. H... C..., M. F... A..., Mme B... E... et M. G... D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir ce même arrêté du 18 septembre 2017 du maire de Vigneux-sur-Seine, ainsi que la décision du 22 décembre 2017 rejetant leur recours gracieux. Par une ordonnance n° 1801587 du 3 septembre 2018, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande.
Par une décision n° 425208 du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance en tant qu'elle rejette les conclusions de l'association RENARD, et renvoyé le jugement de ces conclusions devant le tribunal administratif.
3° Par un jugement n°1908525, 2004571 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat sur les demandes, d'une part, du préfet de l'Essonne, et d'autre part, de l'association RENARD, a annulé l'arrêté attaqué.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 septembre et 9 décembre 2021, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Altarea Cogedim demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat, de l'association des habitants de Port Premier, de l'association RENARD, de M. C..., de M. A..., de Mme E... et de M. D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la société Altarea Cogedim et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association RENARD.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que sur déféré du préfet de l'Essonne, le tribunal administratif de Versailles a annulé, par un jugement du 8 octobre 2018, le permis de construire délivré le 18 septembre 2017 par le maire de Vigneux-sur-Seine (Essonne) à la société Altarea Cogedim pour la réalisation d'un ensemble immobilier comprenant notamment plus de 600 logements, une crèche de 60 berceaux et deux locaux commerciaux. Par une décision du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association des habitants de Port Premier (AHPP), l'association " Rassemblement pour l'étude de la nature et l'aménagement de Roissy-en-Brie et District " (RENARD), M. H... C..., M. F... A..., Mme B... E... et M. G... D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le même permis de construire. Par une ordonnance du 3 septembre 2018, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande. Par une décision du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance en tant qu'elle rejetait les conclusions de l'association RENARD et renvoyé l'affaire dans cette mesure au tribunal administratif. La société Altarea Cogedim se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 juillet 2021 par lequel celui-ci, statuant sur renvoi et après avoir joint ces deux affaires, a annulé le permis de construire.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation (...) ". Il résulte de ces dispositions que la formation de jugement appelée à délibérer à nouveau sur une affaire à la suite d'une annulation par le Conseil d'Etat de la décision précédemment prise sur cette même affaire ne peut comprendre aucun magistrat ayant participé au délibéré de cette décision sauf impossibilité structurelle pour la juridiction à laquelle l'affaire a été renvoyée de statuer dans une formation ne comprenant aucun membre ayant déjà participé au jugement de l'affaire.
3. Il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été rendu par une formation de jugement comprenant deux magistrats qui avaient participé à la délibération du jugement du 8 octobre 2018 annulé par le Conseil d'Etat, et le magistrat ayant pris l'ordonnance du 3 septembre 2018, également annulée par le Conseil d'Etat. En l'absence de toute impossibilité pour le tribunal administratif de Versailles de statuer après renvoi dans une formation autrement composée, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement qu'elle attaque est entaché d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, l'annulation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
4. En application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il incombe au Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond.
5. Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Versailles, d'une part, par le préfet de l'Essonne sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, par l'association RENARD, sont dirigées contre la même décision. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Vigneux-sur-Seine et la société Altarea Cogedim :
6. En premier lieu, l'association RENARD a formé, par un courrier du 22 décembre 2017, dans le délai de recours contentieux, un recours gracieux contre l'arrêté du 18 septembre 2017 qu'elle attaque. Toutefois, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce recours gracieux aurait été expressément rejeté par le maire de Vigneux-sur-Seine, il y a lieu de considérer que le délai de recours n'a recommencé de courir qu'à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la réception du recours gracieux en mairie de sorte que la demande de l'association RENARD, enregistrée le 5 mars 2018, au greffe du tribunal administratif de Versailles, ne peut être regardée comme tardive.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.142-1 du code de l'environnement : " (...) Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 (...) justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ". Il ressort des pièces du dossier que l'objet statutaire de l'association RENARD est, entre autres, " la protection de la nature, la défense du cadre de vie et de l'environnement " et qu'elle est agréée à l'échelle de la région d'Ile-de-France. Par suite, eu égard à l'ampleur du projet et son incidence sur le cadre de vie, elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté qu'elle attaque.
8. En troisième lieu, la fin de non-recevoir tirée par la commune de Vigneux-sur-Seine de l'absence de production par l'association RENARD du mémoire complémentaire qu'elle avait annoncé manque en fait dès lors que cette production est intervenue le 29 septembre 2020.
Sur les conclusions dirigées contre le permis de construire du 18 septembre 2017 :
9. En premier lieu, le moyen pris par l'association RENARD de ce que le dossier de demande de permis de construire présenterait des insuffisances, s'agissant en particulier de l'étude initiale de la zone et de son volet paysager, ainsi que de l'impact du projet sur certaines espèces protégées n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le préfet de l'Essonne, la procédure d'enregistrement de la demande de permis de construire prévue à l'article R. 423-3 du code de l'urbanisme n'aurait pas été respectée, la différence entre la date figurant sur le récépissé et celle portée par le formulaire de demande de permis résultant du délai de soumission du projet à enquête publique. C'est également sans commettre d'irrégularité que le maire de Vigneux-sur-Seine a demandé, le 30 mai 2016, des pièces complémentaires à la société pétitionnaire, qui, en application des délais prévus à l'article R. 423-32 du code de l'urbanisme en cas d'enquête publique, avait jusqu'au 10 janvier 2018 pour les produire.
11. En troisième lieu, si le maire n'a pas transmis la demande de permis de construire présentée par la société Altarea Cogedim au préfet dans la semaine suivant son dépôt comme le prévoit l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme dans ses applicable au litige, n'a pas invité le pétitionnaire à compléter son dossier de demande dans les délais et formes prescrits par l'article R. 423-38 du même code et n'a pas accordé à la société un nouveau délai d'instruction de deux mois ainsi que le prévoient les dispositions combinées des articles R. 423-20 et R. 423-32 du même code, applicables au litige, ces irrégularités, qui n'ont pas privé les personnes intéressées d'une garantie, n'ont pas exercé, dans les circonstances de l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise.
12. En quatrième lieu, si le préfet de l'Essonne affirme que des éléments substantiels du projet ont été modifiés sans faire l'objet d'un permis de construire modificatif, il ressort des pièces du dossier que l'évolution limitée du nombre de logements autorisés en cours d'instruction n'a résulté que de la rectification d'erreurs matérielles, sans incidence sur la régularité de la procédure. S'il soutient encore que l'arrêté ne mentionne ni l'additif à l'étude d'impact, ni la date de réception du rapport du commissaire enquêteur du 2 juin 2017, le défaut de ces mentions, qui ne sont prescrites par aucune disposition législative ou réglementaire, n'entache pas la régularité du permis de construire. Enfin, il ressort des mentions même du permis attaqué que l'avis émis par l'autorité environnementale sur le projet a bien été pris en compte.
13. Enfin, d'une part, aux termes de l'article UB12 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Vigneux-sur-Seine : " Il est exigé : / - Pour les constructions à usage d'habitation : 1 place pour 50m2 de surface plancher entamée (...) / - Pour les constructions de bureaux : 1 place pour 40m2 de surface de plancher entamée. / - Pour les constructions de commerces : 1 place pour 20m2 de surface de plancher entamée (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme, applicable au litige : " Dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l'article 232 du code général des impôts (...), En tenant compte de la nature du projet et de la zone d'implantation dans un objectif de mixité sociale, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée : (...) / 4° Déroger en tout ou partie aux obligations de création d'aires de stationnement applicables aux logements lorsque le projet de construction de logements est situé à moins de 500 mètres d'une gare ou d'une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre, en tenant compte de la qualité de la desserte, de la densité urbaine ou des besoins propres au projet au regard des capacités de stationnement existantes à proximité (...) ". Afin de réduire le nombre de places de stationnement à réaliser par rapport aux exigences résultant des dispositions citées ci-dessus de l'article UB12 du règlement du PLU, la société Altarea Cogedim a demandé à bénéficier de la dérogation prévue par les dispositions du 4° de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme pour quatre des bâtiments du projet dont elle faisait valoir qu'ils sont situés pour tout ou partie dans un périmètre de 500 mètres autour de la gare RER de Vigneux-sur-Seine. Le permis de construire attaqué a fait droit à cette demande sans assortir l'octroi de cette dérogation d'aucune motivation, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme. Par suite le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que le permis de construire déféré est entaché d'irrégularité sur ce point.
S'agissant de la méconnaissance alléguée des dispositions du plan local d'urbanisme de Vigneux-sur-Seine :
14. Si le préfet de l'Essonne soutient que le permis de construire attaqué méconnaît le PLU de la commune de Vigneux-sur-Seine en ce qu'il est contraire aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, il ressort des termes même de celui-ci qu'il ouvre la possibilité d'un " développement urbain maîtrisé " sans, en tout état de cause, imposer que celui-ci prenne nécessairement la forme d'opérations de renouvellement urbain ou d'opérations ayant obtenu le label " éco-quartier ".
15. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le préfet, le permis litigieux est compatible avec l'orientation d'aménagement programmée (OAP) n° 1 du PLU dans sa version modifiée le 14 décembre 2015, applicable en l'espèce, qui, contrairement à celle antérieurement en vigueur du 25 septembre 2012, ne prévoit plus ni présence commerciale, ni voie piétonne sur le terrain d'assiette du projet. Le moyen pris par l'association RENARD de la contrariété de projet avec cette même OAP n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
16. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que si le permis de construire initial prévoyait la création de 618 places de stationnement dont 114 sur un terrain communal distinct du terrain d'assiette du projet, le permis de construire modificatif déposé le 27 juillet 2018 par la société pétitionnaire et tacitement accordé le 27 septembre 2018 par le maire de Vigneux-sur-Seine a renoncé à la création de places de stationnement sur le terrain communal, de sorte que le moyen pris de ce que l'accord de l'autorité gestionnaire n'aurait pas été obtenu ne peut qu'être écarté. Le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas possible de porter le nombre de places de stationnement créées dans l'emprise du projet de 504 à 555, comme le prévoit le permis de construire modificatif, sans méconnaitre la règle fixée à l'article UB13 du règlement du PLU d'un taux minimum de 40% d'espaces verts de pleine terre n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
17. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 13, le permis de construire attaqué fait droit à la demande du pétitionnaire de déroger aux règles relatives au nombre de places de stationnement prévues par l'article UB12 du règlement du PLU en application des dispositions du 4° de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme pour quatre bâtiments du projet. Aucun des éléments produits par le préfet de l'Essonne, et notamment les cartes établies par la direction départementale des territoires, n'est de nature à établir que les bâtiments dont il s'agit ne se trouveraient pas, au moins en partie, dans le périmètre de 500 mètres autour de la gare RER. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire ne pouvait légalement accorder une telle dérogation sur le fondement du 4° de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme doit être écarté.
18. Enfin, les moyens pris par l'association RENARD de ce que le permis de construire attaqué porterait atteinte à l'environnement et aux lieux et paysages avoisinants et méconnaitrait les articles UB7 relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et UB10 relatif à la hauteur maximale des constructions du règlement du PLU ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
S'agissant de la méconnaissance alléguée du plan de prévention du risque d'inondation de la Seine :
19. Les dispositions applicables à la zone " ciel " du plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) de la Seine, dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet litigieux, y autorisent les constructions nouvelles à usage d'habitation dans un nombre limitatif de cas, notamment, aux termes de l'article C-A.10 : " Les constructions nouvelles d'habitation dans une "dent creuse" de l'urbanisation actuelle, dans le respect des règles du PLU, et dans le respect de la morphologie urbaine environnante, sous réserve que les mesures compensatoires soient prises et que le premier plancher habitable soit situé au-dessus de la cote de la PHEC " et aux termes de l'article C-A.11 : " Les opérations d'aménagement (ZAC, lotissements...) comportant des constructions à usage d'habitation et/ou à usage d'activités, dans le respect des règles du PLU sous réserve que les mesures compensatoires soient prises et de respecter les règles suivantes : / 1) pour les bâtiments à usage d'habitation : le premier plancher habitable devra être situé au-dessus de la côté PHEC, / 2) pour les bâtiments à usage d'activités : le niveau ou s'exerce l'activité devra être situé au minimum, à la cote la plus haute entre celle de la voirie et celle du terrain naturel. Les équipements, les biens et les produits polluants, toxiques, dangereux ou vulnérables aux inondations devront être situés au-dessus de la cote PHEC, qu'ils soient à l'intérieur ou à l'extérieur des constructions ". Aux termes du 4 du Titre I du PPRI : " Une dent creuse est une unité foncière non bâtie, d'une superficie maximale de 1.000 m², qui se caractérise en tant que discontinuité dans la morphologie urbaine environnante " et : " Les opérations d'aménagement sont les ZAC, les lotissements, les opérations de restauration immobilière, les opérations de mise en valeur des secteurs sauvegardés auxquelles il faut ajouter les permis de construire groupés et les remembrements et regroupements de parcelles par des AFU ". Enfin, l'article C-A.1 précise que : " Pour toutes les constructions ou reconstructions autorisées dans les articles qui suivent, les règles de construction suivantes doivent être respectées : / 1) sous la cote de la PHEC, les matériaux utilisés (...) devront être hydrofuges et hydrophobes (...), / 2) les constructions et reconstructions devront être dimensionnées pour supporter la poussée correspondante à la cote de la PHEC et résister aux effets d'érosion résultant de la crue de référence ; / 3) toutes les dispositions utiles devront être prises pour protéger les équipements et les biens vulnérables aux inondations (...) ".
20. Si le préfet de l'Essonne fait valoir que le projet autorisé par le permis contesté n'est pas conforme à certaines dispositions du PPRI, il ressort des pièces du dossier, que ce projet, qui est au nombre des opérations d'aménagement qui pouvaient être admises dans la zone " ciel " du plan, est conforme aux prescriptions de celui-ci relatives tant à l'équilibre entre remblais et déblais qu'à la cote du premier niveau de plancher habitable, ainsi qu'il résulte de l'étude hydraulique réalisée en mai 2016, de l'avis du 2 juillet 2017 de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE), des avis rendus par les commissaires dans le cadre de l'enquête publique menée au titre des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement issus de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau et de l'autorisation délivrée le 5 avril 2018 au titre des mêmes dispositions.
S'agissant de la méconnaissance alléguée des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
21. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
22. En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L'article L. 562-4 du même code précise que " le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme. (...) ".
23. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme de vérifier que le projet respecte les prescriptions édictées par ce plan et, le cas échéant, de préciser dans l'autorisation les conditions de leur application. Si les particularités de la situation l'exigent et sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, elle peut subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à des prescriptions spéciales, s'ajoutant aux prescriptions édictées par le plan de prévention dans cette zone et aux engagements souscrits par le pétitionnaire qui peuvent, le cas échéant, aller au-delà des strictes exigences du plan de prévention, si ces prescriptions spéciales lui apparaissent nécessaires pour assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ce n'est que dans le cas où l'autorité compétente estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, qu'il n'est pas légalement possible d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, qu'elle peut refuser, pour ce motif, de délivrer le permis.
24. Le préfet de l'Essonne et l'association RENARD soutiennent que les risques d'atteinte à la sécurité publique résultant du projet étaient tels que les prescriptions du PPRI n'étaient pas de nature à y remédier, même en assortissant le permis de construire de prescriptions spéciales supplémentaires, et qu'il n'était donc pas possible d'assurer la conformité du projet aux dispositions citées ci-dessus de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. S'il est constant que certains espaces des bâtiments seraient inondés en cas de crue, notamment certains espaces situés au rez-de-chaussée qui ne sont pas dévolus à l'habitation, l'objectif en matière de prévention et de réponse au risque lié à une crue est, ainsi que le rappelle le PPRI de la Seine, d'assurer la sécurité des personnes et de limiter les dommages aux biens et aux activités, et non d'empêcher toute inondation des constructions. La circonstance que les bâtiments autorisés par le permis attaqué accueilleront plus de deux milles personnes, habitants et usagers, dont des personnes vulnérables, notamment de très jeunes enfants et des personnes âgées, si elle doit être prise en compte, n'est pas à elle seule de nature à permettre de considérer que le projet doit être assorti de prescriptions spéciales édictées sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier qu'elle a été prise en compte, notamment en localisant la crèche envisagée dans une partie du bâtiment non susceptible d'être immergée. Ensuite, s'il est soutenu que les parkings souterrains inondables, dont la submersion en cas de crue constitue l'une des mesures compensatoires prévues par les auteurs du projet pour pallier le risque d'inondation, présenteraient un risque pour la sécurité des personnes qui pourraient se trouver dans ces espaces en cas de montée des eaux, il résulte de la mesure supplémentaire d'instruction ordonnée par la cinquième chambre de la section du contentieux que ce risque, qui n'a été évoqué que dans l'avis, daté de 2016, de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, laquelle n'est, au demeurant, pas compétente en matière de prévention du risque de crue, est pris en compte par les modalités de mise en œuvre de cette mesure. Il ressort ainsi des pièces du dossier que la cinétique lente des crues de la Seine permet à la société pétitionnaire de prévoir des mesures suffisantes pour remédier à ce risque, en particulier des mesures d'information des résidents et la fermeture de l'accès aux parkings 25 heures environ avant le début de leur inondation, dès que le niveau de la crue atteindrait une cote déterminée, ainsi que des aménagements au sein des parkings submersibles afin d'assurer la mise à l'abri et l'évacuation des personnes en cas de crue, dans l'hypothèse où les mesures précédentes n'auraient pas été complètement efficaces. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet aurait un effet négatif sur l'écoulement naturel des eaux, alors que l'étude hydraulique versée au dossier retient que son impact hydraulique serait nul. Il résulte de ce qui précède qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet, compte tenu des prescriptions résultant du PPRI et des engagements souscrits par la société pétitionnaire, présente, pour la sécurité publique, un risque tel qu'il appelait l'édiction de prescriptions spéciales en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Le maire de Vigneux-sur-Seine, en s'abstenant de faire application de ces dispositions, n'a, dès lors, pas entaché son appréciation d'une erreur manifeste.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Essonne, qui a seul soulevé le moyen retenu par la présente décision pour annuler le permis litigieux, est seulement fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'irrégularité en tant qu'il ne comporte pas de motivation de la dérogation qu'il accorde aux dispositions de l'article UB12 du PLU de la commune. L'association RENARD n'est en revanche pas fondée à demander l'annulation de la décision du maire de Vigneux-sur-Seine du 22 décembre 2017 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.
Sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :
26. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ".
27. D'une part, lorsque les éléments d'un projet de construction ou d'aménagement ayant une vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire l'objet, en raison de l'ampleur et de la complexité du projet, d'autorisations distinctes, le juge de l'excès de pouvoir peut prononcer une annulation partielle du permis attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme citées ci-dessus qu'en dehors de cette hypothèse, le juge administratif peut également procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet. Le juge peut, le cas échéant, s'il l'estime nécessaire, assortir sa décision d'un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d'autorisation modificative afin de régulariser l'autorisation subsistante, partiellement annulée.
28. Il résulte de l'instruction que l'illégalité relevée au point 13 n'affecte qu'une partie du permis de construire et est susceptible d'être régularisée. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et de prononcer l'annulation partielle de l'arrêté du 18 septembre 2017, en tant qu'il porte dérogation à la règle relative au nombre de places de stationnement à créer. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder aux titulaires de l'autorisation un délai courant jusqu'au 1er janvier 2025 pour solliciter la régularisation du permis de construire sur ce point.
Sur les conclusions de la société Altarea Cogedim à fin d'annulation des décisions des 11 décembre 2020 et 15 mars 2021 du maire de Vigneux-sur-Seine :
29. La société Altarea Cogedim demande, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, l'annulation de la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le maire de Vigneux-sur-Seine a rejeté sa demande de permis de construire modificatif et de la décision du 15 mars 2021 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision. Ces conclusions, qui ne sont pas dirigées contre une décision accordant un permis de construire modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme et soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de la présente instance. Elles sont, par suite, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de l'association RENARD la somme de 3 000 euros chacun à verser à la société Altarea Cogedim, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que les sommes demandées par l'association RENARD à ce titre soient mises à la charge de la société Altarea Cogedim.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 12 juillet 2021 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 18 septembre 2017 du maire de Vigneux-sur-Seine est annulé en tant qu'il porte dérogation aux dispositions de l'article UB12 du plan local d'urbanisme de Vigneux-sur-Seine relatives au nombre d'emplacements de stationnement.
Article 3 : Le délai accordé à la société Altarea Cogedim pour solliciter la régularisation du vice indiqué à l'article 2 de la présente décision expirera le 1er janvier 2025.
Article 4 : L'Etat et l'association RENARD verseront à la société Altarea Cogedim la somme de 3 000 euros chacun au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Altarea Cogedim, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, à l'association " Rassemblement pour l'Etude de la Nature et l'Aménagement de Roissy-en-Brie et District " et à la commune de Vigneux-sur-Seine.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 22 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Ségolène Cavaliere
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire