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21/10/2024 | FRANCE | N°471163

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 21 octobre 2024, 471163


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 février et 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) à titre principal :

- d'annuler la décision, révélée par la liste publiée sur le site du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche le 9 décembre 2022, rejetant sa candidature en qualité de professeur d'université dans la section 06 " Sciences de gestion " du Conseil national des uni

versités à l'université de Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, ainsi que le refus de communication...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 février et 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal :

- d'annuler la décision, révélée par la liste publiée sur le site du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche le 9 décembre 2022, rejetant sa candidature en qualité de professeur d'université dans la section 06 " Sciences de gestion " du Conseil national des universités à l'université de Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, ainsi que le refus de communication des motifs de cette décision, né du silence conservé par la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis sur la demande qui lui a été adressée en ce sens ;

- d'enjoindre à la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, d'une part, de l'inscrire sur la liste des personnes dont la nomination est proposée au Président de la République et, d'autre part, de lui communiquer les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer sa nomination dans le corps des professeurs des universités ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision fixant la liste des enseignants-chercheurs proposés par la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis à la nomination du Président de la République et d'enjoindre à celle-ci de réexaminer sa candidature dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021 ;

- l'arrêté de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 20 décembre 2021 fixant, pour les années 2021 et 2022 la répartition par établissement public d'enseignement supérieur du nombre de promotions internes possibles en application du décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., maître de conférences à l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, a présenté sa candidature dans le cadre de la voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs d'université, au titre des années 2021 et 2022, dans la section 06 " Sciences de gestion " pour laquelle le conseil d'administration de cet établissement avait, par une délibération n° 2022-014 du 11 mars 2022, prévu une unique possibilité de promotion. M. A... demande l'annulation de la décision, révélée par la liste publiée sur le site du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche le 9 décembre 2022, rejetant sa candidature, ainsi que du refus de communication des motifs de cette décision.

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article L. 523-1 du code général de la fonction publique : " Afin de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent, outre l'accès par concours interne, une proportion de postes qui peuvent être proposés aux fonctionnaires ou aux agents des organisations internationales intergouvernementales pour une nomination suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel, donnant lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière ; / 2° Liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des candidats. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, l'autorité chargée d'établir la liste d'aptitude tient compte des lignes directrices de gestion prévues au chapitre III du titre Ier du livre IV. / Les statuts particuliers peuvent prévoir l'application de ces deux modalités, sous réserve qu'elles bénéficient à des candidats placés dans des situations différentes. "

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés : " Il est créé, au titre des années 2021 à 2025, une voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités au bénéfice des maîtres de conférences régis par le décret du 6 juin 1984 susvisé. / (...) ". Aux termes du premier alinéa et du I de l'article 4 du même décret, dans sa version applicable au litige : " La promotion des agents remplissant les conditions prévues à l'article 2 dans les corps de professeurs des universités et les corps assimilés a lieu au choix (...) " et fait, en premier lieu intervenir " le conseil académique ou, dans les établissements non dotés d'un conseil académique, le conseil d'administration en formation restreinte ", lequel, pour chaque candidat " désigne deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé dont l'un au moins est choisi parmi les spécialistes de la discipline du candidat ", les noms de ces rapporteurs étant " rendus publics ". Ces mêmes dispositions prévoient ensuite qu'" Au vu de leur rapport, le conseil académique délibère en formation restreinte sur l'ensemble des activités des candidats pour apprécier, d'une part, leur aptitude professionnelle et, d'autre part, les acquis de leur expérience professionnelle en distinguant, dans chaque cas, leur investissement pédagogique, la qualité de leur activité scientifique et leur investissement dans des tâches d'intérêt général. Sur chacun de ces critères, l'avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé. / Les avis du conseil académique en formation restreinte et les rapports d'activité précités sont ensuite adressés par le président de l'établissement à la section compétente du Conseil national des universités ". S'agissant de l'intervention de la section du CNU, le II du même article 4 dispose que " Après avoir entendu deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé désignés par le bureau de la section compétente, le collège compétent pour le corps des professeurs des universités ou des corps assimilés rend un avis sur le dossier du candidat. Cet avis porte, d'une part, sur l'aptitude professionnelle et d'autre part, sur les acquis de son expérience professionnelle en distinguant, dans chaque cas, son investissement pédagogique, la qualité de son activité scientifique et son investissement dans des tâches d'intérêt général. Sur chacun de ces critères, l'avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé. / (...) Les avis consultatifs des instances mentionnées aux I et II du présent article sont recueillis selon des modalités et un dispositif de cotation fixés par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ". Aux termes du III du même article, " Les dossiers ainsi complétés par l'avis du collège compétent sont adressés au chef de l'établissement d'affectation de l'agent. / Dans la limite de quatre candidats par emploi ouvert dans la discipline concernée à cette voie d'accès par promotion interne, les candidats ayant reçu les avis les plus favorables par les instances consultatives mentionnées au troisième alinéa du I et au II du présent article sont entendus par un comité d'audition. Celui-ci est composé du chef de l'établissement ou de son représentant et de trois membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé, désignés par le chef de l'établissement ou par son représentant, dont deux au moins choisis parmi les spécialistes de la discipline concernée. / (...) L'audition a pour objet d'éclairer la décision du chef de l'établissement sur la motivation du candidat et sur son aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités ou des corps assimilés ". Il est prévu au IV de ce même article qu'à l'issue des auditions, " le chef de l'établissement établit la liste des candidats dont la nomination est proposée. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, il tient compte des trois avis consultatifs émis en application du quatrième alinéa du I, du II et du III, respectivement, par le conseil académique, par la section compétente et par le comité d'audition ainsi que des lignes directrices de gestion relatives aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par les autorités compétentes de l'établissement d'affectation. / Les motifs pour lesquels leur candidature n'a pas été retenue sont communiqués aux candidats qui en font la demande. / Les lauréats sont ensuite nommés dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er par décret du Président de la République. / (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que, dans le cadre de la procédure de promotion interne de maîtres de conférences dans le corps des professeurs des universités résultant du décret du 20 décembre 2021, d'une part, le conseil académique, les deux rapporteurs qu'il désigne et d'autre part, la section compétente du Conseil national des universités et les deux rapporteurs qu'elle nomme rendent chacun successivement deux avis sur les dossiers des candidats, l'un sur leur aptitude professionnelle et l'autre sur les acquis de leur expérience professionnelle, en prenant en compte, pour chacun de ces avis, l'investissement pédagogique, la qualité de l'activité scientifique et l'investissement dans des tâches d'intérêt général. Il revient ensuite au comité d'audition, après audition des candidats ayant eu les avis les plus favorables - dans la limite de quatre - d'émettre un avis sur les candidatures au regard de la motivation des candidats et de leur aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités. Enfin, le président de l'université établit la liste de candidats dont la nomination est proposée en tenant compte, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des avis du conseil académique, de la section compétente du Conseil national des universités et du comité d'audition, lesquels, s'ils ne le lient pas, ont pour objet d'éclairer sa décision, ainsi que des lignes directrices de gestion relatives aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par les autorités compétentes de l'université, le principe d'indépendance des enseignants-chercheurs s'opposant toutefois à ce qu'il use de ce pouvoir d'appréciation en se fondant sur des motifs étrangers à l'administration de l'université, tels, en particulier, la qualification scientifique des candidats telle qu'évaluée par les instances précitées. Les nominations sont ensuite prononcées par décret du Président de la République.

Sur les moyens de la requête :

5. En premier lieu, il ne résulte ni des dispositions de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 citées au point 3 ni de celles de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe, que la décision par laquelle le président de l'université établit la liste des candidats dont la nomination est proposée au titre de la voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités et qu'il adresse au ministre chargé de l'enseignement supérieur doive être motivée. Si par ailleurs le même article du décret du 20 décembre 2021 prévoit que les candidats peuvent demander la communication des motifs pour lesquels leur candidature n'a pas été retenue, il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par un courrier adressé à M. A... le 12 décembre 2022, la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis a informé ce dernier qu'elle ne proposerait pas sa nomination pour une promotion dans le corps des professeurs des universités au titre des dispositions précitées du décret du 20 décembre 2021, en lui précisant les motifs pour lesquels sa candidature n'était pas retenue. Si M. A... soutient n'avoir pas reçu notification de ce courrier, celui-ci a été en tout état de cause produit à l'appui de son mémoire en défense par l'université. Par suite, les moyens tirés d'un défaut de motivation de la décision de la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis et d'un défaut de communication des motifs du rejet de la candidature de M. A... ne peuvent qu'être écartés.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. A..., la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis était représentée lors du comité d'audition et que les trois autres membres de ce comité d'audition étaient membres du corps des professeurs des universités, deux d'entre eux étant spécialistes en sciences de gestion, discipline dont relève le poste ouvert à promotion. Par suite, le moyen tiré de ce que le comité d'audition aurait été irrégulièrement composé au regard des exigences du III de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... qui a d'abord recueilli deux avis très favorables, trois avis favorables et un avis réservé du conseil académique restreint de l'université, puis un avis très favorable et cinq avis favorables de la section 06 du Conseil national des universités "Sciences de gestion", a ensuite été entendu par le comité d'audition lequel, après audition et discussion, n'a pas constaté qu'il présentait les aptitudes lui permettant d'exercer les fonctions de professeur des universités sur la base des critère retenus par l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis. Ce comité a rendu un avis unanimement défavorable sur la candidature de M. A... et n'a en conséquence classé aucun candidat. Au vu de tous ces avis, par une décision du 8 décembre 2022 prise à l'issue d'une nouvelle réunion du conseil académique restreint, dont la tenue n'a, en l'espèce, contrairement à ce qui est soutenu, pas entaché la procédure d'irrégularité, la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis n'a pas retenu la candidature de M. A... et, dès lors que celle-ci était la seule candidature présentée dans la section 06 sciences de gestion, n'a proposé aucune nomination.

8. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 citées au point 3 que, bien que M. A... fût le seul candidat sur le poste ouvert à promotion en sciences de gestion au sein de de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, la présidente de cet établissement ne se trouvait pas, de ce fait, privée de son pouvoir d'appréciation, ni tenue de proposer la nomination de M. A.... Le moyen invoqué à ce titre ne peut, dès lors, qu'être écarté. D'autre part, la présidente de l'université, qui n'était pas tenue de suivre l'avis consultatif émis par la section compétente du Conseil national des universités et dont il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est fondée, en particulier, sur l'insuffisance de la candidature de M. A... en termes de publications, d'encadrement doctoral, et de projection sur le poste, sans se borner à entériner l'avis du comité d'audition, n'a pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en estimant que la candidature du requérant n'avait pas à être retenue.

9. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis rejetant sa candidature, ni, en tout état de cause, du refus de communication des motifs de cette décision, ni, par voie de conséquence, de la décision fixant la liste des enseignants-chercheurs proposés par la présidente de l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis à la nomination du Président de la République. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris en ce qu'elle comporte des conclusions aux fins d'injonction et des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, au titre des mêmes dispositions, de faire droit aux conclusions présentées par l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., à l'université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 septembre 2024 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Thalia Breton, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 21 octobre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Thalia Breton

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 471163
Date de la décision : 21/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2024, n° 471163
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Thalia Breton
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471163.20241021
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