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18/10/2024 | FRANCE | N°492377

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 18 octobre 2024, 492377


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 mars et 12 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 février 2024 par laquelle le chef d'état-major de l'armée de terre n'a pas agréé son recours hiérarchique et a maintenu la sanction disciplinaire de dix jours d'arrêts qui lui a été infligée le 8 janvier 2024, ainsi que cette sanction ;



) d'enjoindre à l'administration de retirer de son dossier toute mention de cette sanction.





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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 mars et 12 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 février 2024 par laquelle le chef d'état-major de l'armée de terre n'a pas agréé son recours hiérarchique et a maintenu la sanction disciplinaire de dix jours d'arrêts qui lui a été infligée le 8 janvier 2024, ainsi que cette sanction ;

2°) d'enjoindre à l'administration de retirer de son dossier toute mention de cette sanction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- l'arrêté 1er octobre 2023 fixant, au sein de l'armée de terre, la liste des autorités militaires investies du pouvoir disciplinaire d'autorité militaire de premier niveau ou d'autorité militaire de deuxième niveau ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 8 janvier 2024, le directeur adjoint de l'école nationale des sous-officiers d'active a infligé au capitaine B... A... la sanction de dix jours d'arrêts pour des faits commis alors qu'il était affecté au 1er régiment d'infanterie. Par une décision du 12 février 2024, le chef d'état-major de l'armée de terre a rejeté le recours hiérarchique formé par M. A... contre cette sanction. M. A... demande l'annulation des décisions des 8 janvier et 12 février 2024.

2. En premier lieu, M. A... ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions en annulation de la sanction qui lui a été infligée le 8 janvier 2024, les vices propres dont serait entachée la décision de rejet du recours hiérarchique qu'il a formé contre cette sanction.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4137-16 du code de la défense : " Lorsqu'un militaire a commis une faute ou un manquement, il fait l'objet d'une demande de sanction motivée qui est adressée à l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, même si elle émane d'une autorité extérieure à la formation ". Aux termes des trois premiers alinéas de l'article R. 4131-10 du même code : " Les autorités investies du pouvoir disciplinaire mentionnées à l'article L. 4137-4 du code de la défense et à l'article L. 311-13 du code de justice militaire sont le ministre de la défense et les autorités militaires. / Les autorités militaires sont désignées parmi les officiers et, exceptionnellement, les sous-officiers ou les officiers mariniers en position d'activité des forces armées et des formations rattachées. Elles sont réparties en trois niveaux en fonction de la nature des sanctions disciplinaires du premier groupe mentionnées à l'article R. 4137-25 qu'elles sont habilitées à infliger. / La liste des fonctions pour lesquelles les autorités militaires sont investies des prérogatives d'autorité de premier, deuxième ou troisième niveau est fixée par arrêté du ministre de la défense. " Il résulte de l'arrêté 1er octobre 2023 fixant, au sein de l'armée de terre, la liste des autorités militaires investies du pouvoir disciplinaire d'autorité militaire de premier niveau ou d'autorité militaire de deuxième niveau que, pour le 1er régiment d'infanterie, l'autorité militaire de premier niveau est le commandant du régiment.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le chef de corps, commandant du 1er régiment d'infanterie, doit être regardé comme ayant donné l'ordre à M. A..., non pas d'infliger lui-même une sanction au sous-officier fautif placé sous ses ordres, mais de le saisir, en sa qualité d'autorité militaire de premier niveau en application des dispositions de l'article R. 4137-16 du code de la défense, d'une demande de sanction motivée. Compte tenu de son grade et de ses responsabilités, M. A... ne pouvait ignorer que le chef de corps, commandant du 1er régiment d'infanterie, était seul compétent pour infliger une sanction à un sous-officier en application de l'article R. 4137-10 du même code. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait informé son chef de corps de ce qu'il n'exécuterait pas l'ordre que ce dernier lui avait donné alors que l'enquête de commandement a, au contraire, conclu qu'il n'avait pas rendu compte de cette inexécution. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les deux griefs fondant la sanction attaquée ne seraient pas matériellement établis.

5. En dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. D'une part, aux termes de l'article R. 4137-13 du code de la défense : " Tout supérieur a le droit et le devoir de demander à ce que les militaires placés au-dessous de lui dans l'ordre hiérarchique soient sanctionnés pour les fautes ou les manquements qu'ils commettent ". Aux termes de l'article D. 4122-3 du même code : " En tant que subordonné, le militaire : / 1° Exécute loyalement les ordres qu'il reçoit. Il est responsable de leur exécution. En toutes occasions, il cherche à faire preuve d'initiative réfléchie et doit se pénétrer de l'esprit comme de la lettre des ordres ; / 2° A le devoir de rendre compte de l'exécution des ordres reçus. Quand il constate qu'il est matériellement impossible d'exécuter un ordre, il en rend compte sans délai ; / 3° Ne doit pas exécuter un ordre prescrivant d'accomplir un acte manifestement illégal ou contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés et aux conventions internationales en vigueur ".

7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il ressort de la motivation de la décision attaquée que M. A... a été sanctionné pour n'avoir pas exécuté l'ordre qui lui avait été donné par son supérieur d'engager une procédure de sanction à l'encontre d'un sous-officier placé sous ses ordres et n'avoir pas rendu compte à son supérieur, malgré plusieurs rappels, de sa décision de ne pas exécuter cet ordre. Contrairement à ce que soutient le requérant, cet ordre, dont il ressort des pièces du dossier qu'il faisait suite à une plainte formulée à l'encontre du sous-officier, n'était pas manifestement illégal au sens des dispositions de l'article D. 4122-3 du code de la défense citées au point 6, circonstance qui, au demeurant ne l'aurait pas dispensé de rendre compte à son supérieur de sa décision de ne pas l'exécuter. Il ne peut davantage sérieusement soutenir qu'une sanction disciplinaire du sous-officier aurait été excessive voire illégale dès lors qu'ainsi qu'il a été dit il n'avait pas reçu l'ordre de sanctionner ce sous-officier mais seulement d'engager une procédure disciplinaire à son encontre, qui aurait permis d'établir la matérialité des faits reprochés à ce dernier et leur caractère éventuellement fautif. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'autorité militaire, qui n'a pas entaché sa décision d'inexactitude matérielle ainsi qu'il a été dit au point 4, aurait inexactement estimé que le refus de M. A... d'exécuter un ordre de son supérieur et de rendre compte de ce refus était constitutif d'une méconnaissance des obligations prévues par les 1° et 2° de l'article D. 4122-3 du code de la défense cité au point 6, de nature à justifier une sanction disciplinaire.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre ; (...) ".

9. Eu égard aux responsabilités de M. A..., et alors même que sa manière de servir donne, par ailleurs, satisfaction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, compte tenu de la nature des faits reprochés, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, une sanction d'arrêts de dix jours, sanction du premier groupe.

10. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions des 8 janvier et 12 février 2024 qu'il attaque. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 492377
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2024, n° 492377
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492377.20241018
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