Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 juillet et 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la ministre du travail, de la santé et des solidarités a rejeté sa demande tendant à ce que soient prises les mesures permettant que les absences injustifiées des intervenants d'aide et d'accompagnement à domicile soient contrôlées en ayant recours à l'application " YouTime " qu'il a développée.
Il soutient que :
- la décision contestée lui fait grief ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article R. 232-17 du code de l'action sociale et des familles, l'article 434-3 du code pénal et la liberté d'entreprendre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code pénal ;
- la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique une demande, transmise à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de " prendre des mesures " pour que les défaillances des employeurs d'intervenants d'aide et d'accompagnement à domicile qui n'honorent pas leurs rendez-vous avec les usagers soient contrôlées en ayant recours à l'application " YouTime " qu'il a développée. M. A... demande l'annulation de la décision rejetant implicitement sa demande.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. L'article 21 de la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie prévoit d'expérimenter un financement par dotation des services autonomie à domicile mentionnés à l'article L. 313-1-3 du code de l'action sociale et des familles. Le litige soulevé par M. A... ayant trait aux défaillances des prestataires de services d'aide et d'accompagnement à domicile que l'application qu'il a développée aurait vocation à contrôler et signaler, et non aux modalités de financement de ces prestataires, les dispositions législatives contestées ne sont pas applicables au présent litige.
4. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 21 de la loi du 8 avril 2024 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
Sur les autres moyens de la requête :
5. Si M. A... fait valoir que de nombreux manquements sont commis par les employeurs d'intervenants d'aide et d'accompagnement à domicile de personnes âgées qui ne se rendent pas aux rendez-vous prévus, sans que ces défaillances ne soient contrôlées et signalées par les départements, en méconnaissance de l'article R. 232-17 du code de l'action sociale et des familles, selon lequel le département organise le contrôle d'effectivité de l'aide d'allocation personnalisée d'autonomie, et de l'article 434-3 du code pénal, qui punit le défaut d'information des autorités judiciaires ou administratives de la part de quiconque ayant connaissance notamment de privations ou de mauvais traitements infligés à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, cette circonstance, à la supposer établie, n'impliquerait en tout état de cause pas qu'il y soit remédié par le recours à l'application développée par le requérant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions par le refus qui lui a été opposé doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre, qui n'est nullement méconnue, ainsi que de ceux tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation dont ce refus serait entaché.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de la solidarité, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 octobre 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 15 octobre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Noël
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly