Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... C... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 juillet 2023 rapportant le décret du 24 août 2017 le naturalisant.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes des dispositions de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant mauritanien, a déposé une demande de naturalisation auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis le 22 février 2016, par laquelle il a indiqué être célibataire et sans enfant. Il a été naturalisé par décret le 24 août 2017, publié au Journal officiel de la République française du 26 août 2017. Toutefois, par bordereau du ministre de l'Europe et des affaires étrangères reçu le 28 juillet 2021, le ministre de l'intérieur, chargé des naturalisations, a été informé de ce que M. C... avait demandé la transcription sur les registres de l'état civil français, d'une part, de son mariage célébré le 15 janvier 2014 à Riyad (Mauritanie), avec Mme A... B..., ressortissante mauritanienne résidant habituellement dans son pays d'origine et, d'autre part, des actes de naissance de ses trois enfants issus de cette union, dont celui D..., née à Baydam (Mauritanie) le 29 octobre 2014, résidant tous habituellement à l'étranger avec leur mère. Par décret du 25 juillet 2023, publié au Journal officiel de la République française du 27 juillet 2023, la Première ministre a rapporté le décret du 24 août 2017 prononçant la naturalisation de M. C... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale. M. C... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
3. L'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a contracté un mariage le 15 janvier 2014 à Riyad (Mauritanie) avec Mme A... B..., ressortissante mauritanienne résidant habituellement à l'étranger et qu'il est le père D..., née 29 octobre 2014 à Baydam (Mauritanie). Ce mariage et cette naissance, antérieurs à sa naturalisation, auraient dû être portés à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme il s'y était engagé lors du dépôt de cette demande. L'intéressé soutient, d'une part, qu'il aurait été victime de procédés administratifs abusifs de la part des autorités mauritaniennes du fait de l'enrôlement général des populations et qu'à ce titre, Mme B... a fait établir, à son insu, un acte de mariage frauduleux pour permettre à l'enfant Magou, qui ne serait pas sa fille, d'être recensée et ainsi de disposer d'un acte d'état civil et, d'autre part, que son mariage célébré en 2014 a été annulé. Toutefois, M. C..., qui invoque une attestation faisant état de l'annulation du mariage mais qui ne la produit pas, n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations, contredites par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, et ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait mis dans l'impossibilité de faire part de sa situation familiale au service chargé de l'instruction de son dossier avant l'intervention du décret lui accordant la nationalité française. L'intéressé, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du compte-rendu d'entretien d'assimilation du 23 février 2017, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée. Dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la Première ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 25 juillet 2023 par lequel la Première ministre a rapporté le décret du 24 août 2017.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 14 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Trémolière
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy