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14/10/2024 | FRANCE | N°488877

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 14 octobre 2024, 488877


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 octobre et 15 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... C... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 26 mai 2023 rapportant le décret du 3 décembre 2018 lui accordant la nationalité française ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




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Vu les autres pièces du dossier ;



Vu :

- le traité sur le fonctionn...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 octobre et 15 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 26 mai 2023 rapportant le décret du 3 décembre 2018 lui accordant la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant malien, a déposé une demande de naturalisation le 17 septembre 2017 dans laquelle il a indiqué être célibataire et sans enfant. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par un décret du 3 décembre 2018, publié au Journal officiel de la République française du 5 décembre 2018. Toutefois par bordereau reçu le 28 mai 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations que M. C... avait sollicité la transcription sur les registres de l'état-civil français des actes de naissance de ses deux enfants mineurs résidant à l'étranger, A... C... et D... C..., nés respectivement les 9 octobre 2015 et 8 octobre 2017 à Bamako (Mali). Par décret du 26 mai 2023, publié au Journal officiel de la République française du 1er juin 2023, la Première ministre a rapporté le décret de naturalisation de M. C... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale. M. C... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, la circonstance que le décret litigieux n'aurait pas été régulièrement notifié à M. C... est sans incidence sur sa légalité.

4. En deuxième lieu, le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation a commencé à courir à compter de la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que les services du ministre chargé des naturalisations n'ont été informés des éléments relatifs aux enfants de l'intéressé, transmis par bordereau du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, que le 28 mai 2021, ainsi que l'atteste le tampon apposé sur ce bordereau. Dans ces conditions, le décret attaqué, qui a été signé le 26 mai 2023, a été pris avant l'expiration du délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil.

5. En troisième lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est le père de deux enfants mineurs, nés les 9 octobre 2015 et 8 octobre 2017, à Bamako (Mali) et résidant habituellement à l'étranger. Ces naissances, intervenues respectivement avant et au cours de l'instruction de sa demande de naturalisation, auraient dû être portées à la connaissance des autorités chargées de l'instruction de sa demande, comme M. C... s'y était engagé lors du dépôt de cette demande. Si l'intéressé soutient être de bonne foi et qu'il pensait ne pas être tenu de déclarer son enfant A..., résidant à l'étranger, puisqu'il n'était pas à sa charge, il ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait mis dans l'impossibilité de faire part de la réalité de sa situation familiale au service chargé de l'instruction de son dossier avant l'intervention du décret lui accordant la nationalité française. M. C..., qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du compte-rendu d'entretien d'assimilation du 27 décembre 2017, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée. Dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la Première ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

7. En dernier lieu, la définition des conditions d'acquisition et de perte de la nationalité relève de la compétence de chaque Etat membre de l'Union européenne. Toutefois, dans la mesure où la perte de la nationalité d'un Etat membre a pour conséquence la perte du statut de citoyen de l'Union, la perte de la nationalité d'un Etat membre doit, pour être conforme au droit de l'Union, répondre à des motifs d'intérêt général et être proportionnée à la gravité des faits qui la fondent, au délai écoulé depuis l'acquisition de la nationalité et à la possibilité pour l'intéressé de recouvrer une autre nationalité. L'article 27-2 du code civil permet de rapporter, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, un décret qui a conféré la nationalité française au motif que l'intéressé a obtenu la nationalité française par mensonge ou fraude. Ces dispositions, qui ne sont pas incompatibles avec les exigences résultant du droit de l'Union, permettaient en l'espèce, eu égard à la date à laquelle il est intervenu et aux motifs qui le fondent, à la Première ministre, qui a procédé au contrôle de proportionnalité exigé par le droit de l'Union européenne, de rapporter légalement le décret accordant à M. C... la nationalité française. Si M. C..., qui ne peut utilement invoquer la déclaration universelle des droits de l'homme, la convention sur la réduction des cas d'apatridie, signée à New York le 30 août 1961, ainsi que la convention européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997, soutient, en invoquant la loi malienne, qu'il aurait perdu la nationalité malienne, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait effectivement perdu sa nationalité d'origine ou ne pourrait la recouvrer. Par suite, la Première ministre a pu légalement prendre le décret attaqué en faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 26 mai 2023 par lequel la Première ministre a rapporté le décret du 3 décembre 2018. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 14 octobre 2024.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Trémolière

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 488877
Date de la décision : 14/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2024, n° 488877
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488877.20241014
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