Vu la procédure suivante :
Par une requête et six nouveaux mémoires, enregistrés les 1er et 26 juillet 2022, 12 février 2023, 13 mai 2024, 20 mai 2024, 28 juillet 2024 et 29 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Union des personnels administratifs, techniques et spécialisés-Union nationale des syndicats autonomes (UATS-UNSA) demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 du ministre de l'intérieur et du ministre de la transformation et de la fonction publiques relatif aux commissions administratives paritaires compétentes à l'égard de certains corps de fonctionnaires du ministère de l'intérieur.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2019-928 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 64-260 du 14 mars 1964 ;
- le décret n° 64-805 du 29 juillet 1964 ;
- le décret n° 68-20 du 5 janvier 1968 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 ;
- le décret n° 2020-1426 du 20 novembre 2020 ;
- le décret n° 2022-491 du 6 avril 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 261-1 du code général de la fonction publique, codifiant les anciennes dispositions de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans leur rédaction issue de l'article 10 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique applicable à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté attaqué : " Une ou plusieurs commissions administratives paritaires sont mises en place pour chacune des catégories A, B et C de fonctionnaires de l'Etat prévues à l'article L. 411-2. / Toutefois, une commission administrative paritaire unique pour plusieurs catégories hiérarchiques peut être mise en place lorsque l'insuffisance des effectifs le justifie. " Aux termes de l'article 1 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous les établissements publics de l'Etat occupant du personnel remplissant les conditions déterminées à l'article 2 de la loi du 11 janvier 1984 et sous réserve des exceptions et dérogations qui pourront être prononcées par application de l'article 10 de ladite loi, il est institué des commissions administratives paritaires suivant les règles énoncées au présent décret. ". Aux termes des trois premiers alinéas de l'article 2 du même décret, dans sa rédaction applicable, issue de l'article 2 du décret du 20 novembre 2020 relatif aux commissions administratives paritaires dans la fonction publique de l'Etat : " Au sein de chaque département ministériel, une ou plusieurs commissions administratives paritaires sont créées par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre chargé de la fonction publique. Dans les départements ministériels dotés d'un secrétariat général commun, ces commissions sont créées par arrêté conjoint des ministres intéressés et du ministre chargé de la fonction publique. / Sous réserve des dispositions de l'article 4, les commissions administratives paritaires sont compétentes à l'égard des agents appartenant à des corps relevant d'une même catégorie hiérarchique ainsi que des agents des corps d'un niveau équivalent. / L'arrêté qui crée une commission précise l'autorité auprès de laquelle elle est placée et établit la liste des corps de fonctionnaires qui en relèvent. Une commission administrative paritaire peut être placée auprès d'un directeur d'administration centrale ou d'un chef de service déconcentré n'exerçant pas le pouvoir de nomination ou de gestion du corps d'appartenance du fonctionnaire qui en relève. "
2. Le syndicat Union des personnels administratifs, techniques et spécialisés-Union nationale des syndicats autonomes (UATS-UNSA), qui a vocation à défendre les intérêts collectifs des agents du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer, demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel, en application de ces dernières dispositions, le ministre de l'intérieur a, conjointement avec le ministre de la transformation et de la fonction publiques, fixé la liste et la composition des commissions administratives paritaires compétentes à l'égard de certains corps de fonctionnaires du ministère de l'intérieur.
Sur la légalité externe :
3. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que ses dispositions, propres aux fonctionnaires du ministère de l'intérieur, ne s'appliquent pas aux fonctionnaires relevant du ministre de l'outre-mer. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il serait entaché d'incompétence, faute d'avoir été signé par ce ministre.
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne l'article 1er :
4. D'une part, aux termes de l'article 10 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires du 1° du IV de l'article 94 de la loi du 6 août 2019 précitée : " Les statuts particuliers de corps interministériels ou communs à plusieurs départements ministériels ou établissements publics de l'Etat peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres à l'organisation de la gestion de ces corps au sein de chacun de ces départements ministériels ou établissements. " Il ressort des dispositions de l'article 1 du décret du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires, cité au point 1 de la présente décision, qu'il ne s'applique que sous réserve des exceptions et dérogations prononcées sur ce fondement.
5. D'autre part, l'article 15 du décret du 29 juillet 1964 fixant les dispositions réglementaires applicables aux préfets, tout comme l'article 18 du décret du 14 mars 1964 portant statut des sous-préfets, applicables à l'ensemble des membres de ces corps à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté attaqué, prévoient, en faisant application des dispositions citées ci-dessus de l'article 10 de la loi du 11 janvier 1984, désormais codifiées à l'article L. 414-2 du code général de la fonction publique, que ne sont applicables à ces corps ni les dispositions de l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aux termes duquel : " Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires, à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines et à l'examen de décisions individuelles dont la liste est établie par décret en Conseil d'Etat " ni les dispositions précitées de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Ainsi, et sans que puissent être utilement invoquées les dispositions du XX de l'article 94 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, selon lesquelles l'article 10 de cette loi, qui prévoit que les commissions administratives paritaires sont créées par catégories de fonctionnaires, s'applique " nonobstant toute disposition statutaire contraire ", qui n'a ni pour objet ni pour effet de rendre applicables aux corps des préfets et des sous-préfets des dispositions auxquelles ils étaient soustraits, le moyen pris de ce que le ministre de l'intérieur ne pouvait légalement s'abstenir de prévoir, à l'article 1er de l'arrêté en litige, que la commission administrative paritaire compétente pour les corps d'encadrement supérieur du ministère de l'intérieur serait également compétente à l'égard des corps des préfets et sous-préfets, désormais placés en voie d'extinction, doit être écarté.
En ce qui concerne les autres dispositions de l'arrêté :
6. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 2 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires, relèvent également des commissions administratives paritaires créées par arrêté du ministre compétent " les personnels affectés dans les établissements publics dont le ou les ministres intéressés exercent la tutelle, à l'exception des personnels affectés dans les établissements publics dont l'organe dirigeant constitue l'autorité de nomination et de gestion ". Aux termes de l'annexe du décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat, l'autorité de rattachement pour le recrutement et la gestion des attachés d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est le directeur général de cet office. Par suite, l'article 2 de l'arrêté attaqué n'est pas illégal en tant qu'il crée, pour les attachés d'administration de l'OFPRA, une commission administrative paritaire distincte de la commission administrative paritaire compétente pour les autres attachés d'administration de l'Etat relevant du ministère de l'intérieur.
7. Aux termes de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin./ Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / (...) 5° Aux agents publics de l'Etat (...) ". Si ces dispositions donnent compétence à l'Etat pour créer les commissions administratives paritaires compétentes à l'égard des secrétaires administratifs et des adjoints administratifs des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'était, en tout état de cause, pas tenu d'épuiser cette compétence par l'arrêté en litige. Le moyen tiré de ce que cet arrêté serait illégal, faute de prévoir la création de la commission administrative paritaire en litige, ne peut dès lors qu'être écarté.
8. Le moyen tiré de ce que cet article aurait été pris en méconnaissance de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du syndicat UATS-UNSA doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Union des personnels administratifs, techniques et spécialisés-Union nationale des syndicats autonomes (UATS-UNSA) est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des personnels administratifs, techniques et spécialisés-Union nationale des syndicats autonomes (UATS-UNSA), au ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 septembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, conseillers d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 11 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire