Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 490357, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 décembre 2023, 22 mars, 29 mai et 15 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat SNPL France Alpa demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-1008 du 31 octobre 2023 portant sixième partie réglementaire du code des transports ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 490595, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 janvier, 2 avril et 13 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération nationale des syndicats de transports - CGT et l'union fédérale des syndicats de l'Etat - CGT (UFSE - CGT) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-1008 du 31 octobre 2023 portant sixième partie réglementaire du code des transports ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 490625, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier et 3 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national du personnel navigant - Force ouvrière et le syndicat UNSA SMAF (syndicat des métiers de l'aérien français) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-1008 du 31 octobre 2023 portant sixième partie réglementaire du code des transports ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012 ;
- le règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des transports ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat du Syndicat SNPL France Alpa, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la fédération nationale des syndicats de transports et de l'union fédérale des syndicats de l'Etat, à Me Haas, avocat du syndicat national du personnel navigant commercial et du syndicat UNSA SMAF et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 septembre 2024, présentée par le syndicat SNPL France Alpa ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes du syndicat SNPL France Alpa, de la fédération nationale des syndicats de transports - CGT et autre et du syndicat national du personnel navigant - Force ouvrière et autre sont dirigées contre certaines dispositions du décret du 31 octobre 2023 ayant procédé à la codification de la sixième partie réglementaire du code des transports, relative à l'aviation civile. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur les moyens de légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 13 de la Constitution : " Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres ". Aux termes du premier alinéa de l'article 21 de la Constitution : " Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. (...) Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire (...) ". Il résulte de ces dispositions que les décrets doivent être signés par le Président de la République dès lors qu'ils ont été délibérés en conseil des ministres, même si aucun texte n'imposait cette délibération. Les dispositions créées ou modifiées par un tel décret ne peuvent, en principe, être ultérieurement modifiées que par décret délibéré en conseil des ministres.
3. Le décret attaqué, pris par le Premier ministre, abroge les articles R. 216-12 et R.* 227-8 du code de l'aviation civile, remplacés respectivement par les articles R. 6326-35 et R.* 6360-1 du code des transports. Or, les deux articles abrogés sont issus de décrets du Président de la République délibérés en conseil des ministres et ne pouvaient, en l'absence de dispositions en ce sens, être modifiés ou abrogés que par décret en conseil des ministres. Les organisations requérantes sont, par suite, fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué en tant qu'il abroge les articles R. 216-12 et R.* 227-8 du code de l'aviation civile et crée les articles R. 6326-35 et R.* 6360-1 du code des transports, ces dispositions étant divisibles des autres dispositions de ce décret.
4. En second lieu, en réponse au moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi que le texte du décret attaqué publié au Journal officiel serait conforme au projet initial du Gouvernement ou au texte adopté par la section des travaux publics du Conseil d'Etat, le ministre a versé au dossier le texte du projet de décret adopté par cette section, lequel a été communiqué aux syndicats requérants. Ceux-ci n'ayant pas assorti leur moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, il doit dès lors être écarté.
Sur les moyens de légalité interne :
En ce qui concerne les principes de codification :
5. Il ne peut être utilement soutenu ni que le décret attaqué, qui procède à la codification de dispositions à caractère réglementaire, aurait méconnu le " principe de codification à droit constant ", lequel n'a pas la valeur d'une règle s'imposant au Gouvernement dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, ni qu'en ne reprenant pas le droit existant, le Premier ministre dont il n'est pas établi, en tout état de cause qu'il aurait pris des engagements en ce sens, aurait commis, de ce seul fait, une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les erreurs matérielles :
6. D'une part, les articles R. 6526-4, R. 6527-55 et R. 6527-61 du code des transports sont entachés d'une erreur matérielle en ce qu'ils font respectivement référence aux articles R. 6527-63, R. 6527-44 et R. 6527-46 plutôt qu'aux articles R. 6527-64, 6527-43 et 6527-45 de ce code, d'autre part, l'article R. 6221-39 de ce code est entaché d'une erreur matérielle en ce qu'il fait référence aux règlements pris pour l'application du règlement (UE) 2018/1139 du 4 juillet 2018, à l'exclusion du point ARO.RAMP.145 de l'annexe II au règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 plutôt qu'à l'exclusion des seuls paragraphes a) à c) de ce même point. En l'absence de doute sur la portée de ces articles, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, afin de donner le meilleur effet à sa décision, de leur conférer une exacte portée et de prévoir que le texte ainsi rétabli sera rendu opposable par des mesures de publicité appropriées, en rectifiant l'erreur matérielle commise et en prévoyant la publication au Journal officiel d'un extrait de la décision.
En ce qui concerne la clarté et l'intelligibilité des dispositions contestées :
7. Les requérants ne peuvent sérieusement soutenir que l'article R. 6521-4 du code des transports, qui permet de faire passer, par voie d'accord collectif d'établissement, d'entreprise ou de branche, de trois à six mois le délai nécessaire à la présentation d'une demande de maintien en activité, que l'article R. 6525-1 du même code, qui définit la période d'arrêt nocturne normal en fonction des heures locales pertinentes, et que l'article R.6527-48 du même code, qui prévoit la revalorisation des pensions sur la base de l'évolution annuelle, constatée en novembre, d'un indice des prix publié par l'INSEE, seraient contraires à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre les dispositions relatives au temps de travail :
8. Aux termes de l'article L. 6521-6 du code des transports : " Le code du travail est applicable au personnel navigant de l'aéronautique civile et à leurs employeurs, sous réserve des dispositions particulières fixées par le présent titre. " L'article L. 6525-2 du même code dispose que : " La durée annuelle du temps de service des salariés qui exercent la fonction de personnel navigant mentionnée à l'article L. 6521-1 ne peut excéder 2 000 heures, dans lesquelles le temps de vol est limité à 900 heures. / Pour l'application du présent article : / 1° Le temps de service comprend au moins la somme des temps de vol, des temps consacrés aux activités connexes au vol et de certaines fractions, déterminées par voie réglementaire pris après consultation des organisations d'employeurs et de salariés intéressées, du temps pendant lequel le salarié est présent sur le site de travail et susceptible, à tout moment, d'être appelé pour accomplir un vol ou une tâche relevant de son contrat de travail ; / 2° Le temps de vol est le temps qui s'écoule entre l'heure à laquelle l'aéronef quitte son lieu de stationnement en vue de décoller et celle à laquelle il s'arrête au lieu de stationnement désigné, une fois que tous les moteurs sont éteints. " L'article L. 6525-3 du même code précise que : " Pour les personnels navigants de l'aéronautique civile, il est admis, dans les conditions d'exploitation des entreprises de transport et de travail aérien, qu'à la durée légale du travail effectif, telle que définie à l'article L. 3121-27 du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol par mois, trimestre ou année civile, déterminé par décret en Conseil d'Etat. Par exception aux articles L. 3121-33 et L. 3121-36 du même code, les heures supplémentaires de vol donnent lieu à une majoration de 25 % portant sur les éléments de rémunération, à l'exception des remboursements de frais. "
9. Pour l'application de ces dispositions et la mise en œuvre des définitions et prescriptions du règlement (UE) n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE) 216/2008 du Parlement européen et du Conseil, les articles R. 6525-1 à R. 6525-33 du code des transports, issus du décret attaqué, définissent en particulier les temps de service, la durée légale et maximale du travail effectif du personnel navigant, la répartition des périodes de vol et temps d'arrêt ainsi que les conditions et modalités de dérogation à cette répartition.
10. En premier lieu, l'article R. 6525-4 du code des transports ne reprend pas, s'agissant du personnel navigant des entreprises utilisant au moins un aéronef soit d'une masse maximale au décollage supérieure ou égale à dix tonnes, soit d'une capacité supérieure ou égale à vingt sièges, les dispositions antérieures du code de l'aviation civile, qui fixaient une limite mensuelle de temps de vol de 95 heures entre le 16 d'un mois et le 15 du mois suivant. D'une part, les requérants ne peuvent utilement soutenir que ces dispositions seraient, de ce fait, contraires au principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail résultant du Préambule de la Constitution de 1946. D'autre part, en ne maintenant pas cette limite, le pouvoir règlementaire n'a ni méconnu le droit à la santé résultant du Préambule de la Constitution de 1946, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que s'est substituée à cette limite, pour cette catégorie de personnel, une limite similaire, de 100 heures de vol par période de 28 jours consécutifs, fixée par le 1) du b) de l'article ORO.FTL.210 du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 de la Commission, directement applicable. Il n'a pas davantage méconnu le principe d'égalité en ne maintenant pas cette limite, qui reste applicable, en vertu de l'article R. 6525-7 du code des transports, pour les entreprises exploitant des aéronefs de moins de dix tonnes ou de moins de vingt passagers, qui ne sont pas soumis à la limite fixée par le règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 de la Commission, les personnels employés dans ces différentes catégories d'entreprises ne se trouvant pas dans la même situation.
11. En deuxième lieu, pour le personnel des entreprises utilisant au moins un aéronef soit d'une masse maximale au décollage supérieure ou égale à dix tonnes, soit d'une capacité supérieure ou égale à vingt sièges, en définissant, aux articles R. 6525-3 et R. 6525-5 du code des transports, la durée légale du travail effectif et du seuil de déclenchement des heures supplémentaires par la notion " d'heures de vol réalisées ", le pouvoir réglementaire a entendu, en application des articles L. 6525-2 et L. 6525-3 de ce même code, se référer, non à des heures exclusivement comprises dans le temps de vol, mais à un temps de travail exprimé en " heures de vol " par mois, comprenant également des activités autres que le vol. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions législatives et, en tout état de cause, de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 3121-28 du code du travail doivent être écartés.
12. En troisième lieu, le moyen tiré de ce qu'en ne reprenant pas les dispositions de l'article D. 422-5 du code de l'aviation civile limitant la période de vol à 10 heures sur une amplitude de 14 heures, les dispositions de l'article R. 6525-18 du code des transports seraient, de ce fait, entachées d'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté dès lors que les dispositions antérieures n'étaient pas applicables aux entreprises dont le champ d'application est défini par l'article R. 6525-18 et que cette limite reste applicable, en vertu de l'article R. 6525-13 du code des transports, aux entreprises qui y étaient soumises auparavant.
13. En quatrième lieu, les articles R. 6525-32 et R. 6525-33 du code des transports fixent les modalités de dérogation à la répartition des temps de vol et d'arrêt, qui peuvent être adoptées par voie d'accord collectif ou, à défaut d'accord d'entreprise ou d'établissement, par décision du ministre chargé de l'aviation civile sur demande de l'entreprise. Ces dispositions prévoient la consultation des organisations représentatives avant la décision du ministre, laquelle ne peut intervenir qu'en l'absence d'accord et doit notamment prendre en compte, pour définir l'ampleur de la dérogation, le renforcement de l'équipage de conduite de base en application des dispositions du règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 de la Commission. En adoptant ces dispositions sans subordonner l'intervention d'une décision ministérielle à un échec des négociations, le pouvoir réglementaire, qui ne pouvait en tout état de cause imposer une obligation de négocier en la matière, n'a méconnu ni le principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail, ni le droit à la santé résultant du Préambule de la Constitution de 1946, ni l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation. Il ne peut, en outre, être utilement soutenu qu'en ne prévoyant pas la consultation des organisations représentatives au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, le pouvoir réglementaire aurait méconnu la loi du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
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14. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la violation des règles relatives au temps de travail pour le personnel au sol ne ferait pas l'objet de sanctions pénales ne peut en tout état de cause qu'être écarté, du fait de l'applicabilité de plein droit des sanctions prévues par les articles R. 3124-1 et suivants du code du travail. Le pouvoir réglementaire pouvait en outre, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ne pas prévoir le retrait de la licence de l'employeur en pareille hypothèse.
En ce qui concerne les autres moyens :
15. En premier lieu, des dispositions législatives et règlementaires du code des transports, notamment les articles L. 6411-9 et L. 6411-10 ainsi que les articles R. 6411-18 et R. 6411-19, adaptent les dispositions du code du travail relatives à la représentation des personnels et à la composition des conseils et comités dans lesquels siègent leurs représentants à la société Air France, sans qu'il puisse être sérieusement soutenu, par la seule référence au droit antérieur, que ces dispositions priveraient de garanties les personnels de cette société.
16. En deuxième lieu, en ne prévoyant plus qu'une section du conseil du personnel navigant professionnel puisse obtenir de plein droit la convocation de ce conseil en séance plénière, alors qu'il n'est pas contesté que cette possibilité n'a jamais été utilisée par le passé et qu'il reste loisible à une section de demander au ministre de procéder à cette convocation, le pouvoir réglementaire n'a pas, en édictant les articles R. 6521-13 et R. 6521-14 du code des transports, commis d'erreur manifeste d'appréciation.
17. En troisième lieu, si le code de l'aviation civile mentionnait les photographes navigants dans les personnels susceptibles d'être représentés au sein de la section du transport et du travail aériens du conseil de discipline de l'aéronautique civile, l'absence de représentation propre de cette catégorie dans les dispositions de l'article R. 6521-21 du code des transports, alors que les titres professionnels de photographe navigant professionnel ne sont plus délivrés et qu'il n'est pas contesté qu'en 2019 seuls trois photographes pouvaient prétendre au maintien de cette qualité, ne caractérise aucune erreur manifeste d'appréciation. Le pouvoir règlementaire pouvait également, sans commettre une telle erreur, définir par l'article R. 6521-29 du même code une échelle de sanctions disciplinaires identique pour les personnels navigants professionnels et non professionnels.
18. En quatrième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, l'article R. 6521-31 du code des transports, qui permet au ministre de suspendre le commandant de bord ou un membre de l'équipage en cas de présomption de manquement grave aux règles édictées en matière de sécurité, en renvoyant aux textes mentionnés par l'article R. 6521-18 du même code, définit précisément les hypothèses de suspension.
19. En cinquième lieu, il ne peut être sérieusement soutenu qu'en ne précisant plus que la composition de l'équipage devait être déterminée en fonction des règlements en vigueur, l'article R. 6522-1 du code des transports serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation. En outre, la seule circonstance que l'équipage soit composé sans l'accord du commandant de bord pour le personnel de la catégorie " Essais et réception ", à la différence du droit antérieur, alors que cette catégorie a été supprimée par le législateur, ne saurait conduire à faire regarder ces dispositions comme entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
20. En sixième lieu, en n'intégrant pas, dans les éléments de rémunération du personnel navigant de l'aéronautique civile pris en considération pour la détermination du salaire mensuel minimum garanti et du salaire mensuel global moyen, les indemnités de transport et de repas, qui constituent des remboursements de frais et non une rémunération, le pouvoir réglementaire n'a pas, en édictant l'article R. 6523-1 du code des transports, commis d'illégalité.
21. En septième lieu, il ne peut être utilement soutenu, alors que les dispositions applicables de l'article L. 1234-1 du code du travail fixent les durées minimales de préavis et ne permettent d'y déroger que par voie législative ou de convention ou d'accord collectif de travail et dans un sens plus favorable au salarié, que le Premier ministre devait reprendre les dispositions existantes fixant à trois mois la durée minimale de préavis en cas de résiliation du contrat de travail et en prévoir la mention dans celui-ci.
22. En huitième lieu, l'article D. 6523-3 du code des transports se borne à fixer, en application du 1° de l'article L. 6523-6 du même code, la durée maximale d'affectation à l'étranger d'un personnel navigant professionnel. Les requérants ne peuvent dès lors utilement soutenir qu'en ne prévoyant aucune limite pour les affectations dans les collectivités françaises d'outre-mer ces dispositions méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
23. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander l'annulation du décret attaqué en tant qu'il abroge les articles R. 216-12 et R.* 227-8 du code de l'aviation civile et crée les articles R. 6326-35 et R.* 6360-1 du code des transports.
24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux différentes demandes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret n° 2023-1008 du 31 octobre 2023 portant sixième partie réglementaire du code des transports est annulé en tant qu'il abroge les articles R. 216-12 et R.* 227-8 du code de l'aviation civile et crée les articles R. 6326-35 et R.* 6360-1 du code des transports.
Article 2 : La référence aux articles R. 6527-63, 6527-44 et 6527-46 du code des transports figurant aux articles R. 6526-4, R. 6527-55 et R. 6527-61 de ce code est remplacée par la référence respectivement aux articles R. 6527-64, R. 6527 43 et R. 6527-45 de ce code.
Article 3 : La référence aux " règlements pris pour l'application du règlement (UE) 2018/1139 du 4 juillet 2018, à l'exclusion du point ARO.RAMP.145 de l'annexe II au règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 " dans l'article R. 6221-39 du code des transports est remplacée par la référence aux " règlements pris pour l'application du règlement (UE) 2018/1139 du 4 juillet 2018, à l'exclusion des paragraphes a) à c) du point ARO.RAMP.145 de l'annexe II au règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012 ".
Article 4 : Un extrait de la présente décision, comprenant les articles 2 et 3 de son dispositif et les motifs qui en sont le support, sera publié au Journal officiel dans un délai d'un mois à compter de la réception par la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation de la notification de cette décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la fédération nationale des syndicats de transports - CGT, à l'union fédérale des syndicats de l'Etat - CGT (UFSE - CGT), au syndicat SNPL France Alpa, au syndicat national du personnel navigant - Force ouvrière, au syndicat UNSA SMAF, à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 septembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Christophe Pourreau, conseillers d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 1er octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Eche
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard