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27/08/2024 | FRANCE | N°471080

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 27 août 2024, 471080


Vu la procédure suivante :



1° Sous le n° 471080, par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 6 février, 29 mai et 30 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur (SAGES) demande au Conseil d'Etat :



1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant à la modification du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire

des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les personnels enseignants du second...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 471080, par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 6 février, 29 mai et 30 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur (SAGES) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant à la modification du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires des indemnités et primes régies par ce décret ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la Première ministre, d'une part, en tant qu'elle a rejeté sa demande tendant à la modification du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires de l'indemnité prévue au 2° de l'article 2 de ce décret et, d'autre part, en tant qu'elle a rejeté cette demande en vue d'inclure les personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires de la prime individuelle prévue au 3° de l'article 2 de ce décret ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la Première ministre en tant qu'elle a rejeté sa demande tendant à la modification du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les professeurs agrégés et assimilés parmi les bénéficiaires des indemnités et primes régies par ce décret ;

4°) d'enjoindre à la Première ministre de modifier le décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure à titre principal, les personnels enseignants du second degré parmi les bénéficiaires des indemnités et primes régies par ce décret, et à titre subsidiaire, les professeurs agrégés et assimilés dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 471081, par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 février, 29 mai et 30 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur (SAGES) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de la transformation et de la fonction publiques et le ministre délégué chargé des comptes publics ont rejeté sa demande tendant à ce qu'ils prennent l'arrêté prévu à l'article 1er du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure parmi les bénéficiaires des indemnités et primes qu'il régit, les professeurs agrégés affectés dans des établissements d'enseignement supérieur ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions implicites, d'une part, en tant qu'elles ont rejeté sa demande tendant à ce que soit pris cet arrêté en vue d'inclure les professeurs agrégés affectés dans des établissements d'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires de l'indemnité prévue par le 2° de l'article 2 du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs et, d'autre part, en tant qu'elles ont rejeté cette demande en vue d'inclure ces personnels parmi les bénéficiaires de la prime individuelle prévue par le 3° de cet article ;

3°) d'enjoindre à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre de la fonction et de la transformation publiques et au ministre délégué chargé des comptes publics, de prendre cet arrêté en vue d'inclure parmi les bénéficiaires des indemnités et primes régies par le décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs, les professeurs agrégés affectés dans des établissements d'enseignement supérieur, dans un délai d'un mois à compter de la décision à venir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 471082, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 février et 29 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des collèges et des lycées (SNCL) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant à la modification du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les enseignants et les enseignants-chercheurs contractuels de l'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires des indemnités et primes qu'il régit ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la Première ministre, d'une part, en tant qu'elle refuse d'inclure les enseignants et les enseignants-chercheurs contractuels de l'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires de l'indemnité prévue par le 2° de l'article 2 du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs et, d'autre part, en tant qu'elle refuse d'inclure ces personnels parmi les bénéficiaires de la prime prévue par le 3° de son article 2 ;

3°) de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l'Union européenne deux questions préjudicielles relatives, d'une part, à la compatibilité des dispositions du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs avec la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 et d'autre part à la compatibilité de ces dispositions avec les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4°) d'enjoindre à la Première ministre de modifier le décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les enseignants et les enseignants-chercheurs contractuels de l'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires des indemnités et primes qu'il régit dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'annuler cette décision implicite en tant seulement qu'elle refuse d'inclure les enseignants et les enseignants-chercheurs contractuels à durée déterminée de l'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires des indemnités et primes régies par le décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs et de modifier ce décret dans cette mesure ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Sous le n° 471084, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 février et 28 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association SAGES - enseignants contractuels du supérieur, demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant à la modification du décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les enseignants et les enseignants-chercheurs contractuels de l'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires des indemnités et primes qu'il régit ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la Première ministre d'une part en tant qu'elle refuse d'inclure ces personnels parmi les bénéficiaires de l'indemnité prévue par le 2° de l'article 2 du décret n° 2020-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs, et d'autre part en tant qu'elle refuse d'inclure ces personnels parmi les bénéficiaires de la prime prévue par le 3° de son article 2 ;

3°) de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l'Union européenne deux questions préjudicielles relatives d'une part à la compatibilité des dispositions du décret n° 2020-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs avec la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 et d'autre part à la compatibilité de ces mêmes dispositions avec les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4°) d'enjoindre à la Première ministre de modifier le décret n°2020-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les enseignant et les enseignants-chercheurs contractuels de l'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires des indemnités et primes qu'il régit dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'annuler cette décision implicite en tant seulement qu'elle refuse d'inclure les enseignants et les enseignants-chercheurs contractuels à durée déterminée de l'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires des indemnités et primes régies par le décret n° 2021-1895 du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs, et de modifier ce décret dans cette mesure ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 ;

- le décret n° 88-654 du 7 mai 1988 ;

- le décret n° 92-131 du 5 février 1992 ;

- le décret n° 93-461 du 25 mars 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes distinctes, le syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur (SAGES) demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant à la modification du décret du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs en vue d'inclure les enseignants du second degré affectés dans des établissements d'enseignement supérieur parmi les bénéficiaires des indemnités et primes qu'il institue et, d'autre part, des décisions implicites par lesquelles la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de la transformation et de la fonction publiques et le ministre délégué chargé des comptes publics ont rejeté sa demande tendant à ce qu'ils prennent l'arrêté prévu à l'article 1er de ce décret pour inclure parmi les bénéficiaires des indemnités et primes instituées par son article 2 les professeurs agrégés affectés dans des établissements d'enseignement supérieur. Par deux requêtes distinctes, le syndicat national des collèges et des lycées (SNCL) et l'association SAGES-enseignants contractuels du supérieur demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté leur demande tendant à la modification du décret du 29 décembre 2021 en vue d'inclure parmi les bénéficiaires des indemnités et primes qu'il institue les enseignants et les enseignants-chercheurs contractuels de l'enseignement supérieur. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une même décision.

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 décembre 2021 portant création du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs : " Dans les conditions fixées par le présent décret, les professeurs des universités et les maîtres de conférences relevant des dispositions du décret du 6 juin 1984 susvisé ainsi que les enseignants-chercheurs qui leur sont assimilés en application de l'arrêté prévu à l'article 6 du décret du 16 janvier 1992 susvisé, les directeurs de recherche et les chargés de recherche relevant des dispositions du décret du 30 décembre 1983 susvisé et du ministère chargé de la recherche peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité liée à leur grade et, d'autre part, d'une indemnité liée à l'exercice de certaines fonctions et responsabilités particulières. En complément, ils peuvent prétendre, sur leur demande, au bénéfice d'une prime individuelle liée à la qualité de leurs activités et de leur engagement professionnel au titre de l'ensemble de leurs missions statutaires selon les modalités précisées à l'article 4. / Un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre intéressé peut, en outre, autoriser, selon un tableau d'assimilation par grade, le versement de ce régime indemnitaire à d'autres fonctionnaires de grade équivalent ne relevant pas d'un des corps mentionnés à l'alinéa précédent et en exerçant les missions (...) / ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le régime indemnitaire prévu par le présent décret comprend trois composantes : deux indemnités et une prime. / 1° La première indemnité est liée au grade. Cette indemnité est versée en application d'un barème annuel par grade aux personnes mentionnées à l'article 1er qui exercent en position d'activité ou de délégation, pour les enseignants-chercheurs, les missions fixées à l'article L. 123-3 du code de l'éducation et, pour les chercheurs, les missions fixées à l'article L. 411-1 du code de la recherche (...) /. 2° La seconde indemnité est liée à l'exercice de certaines fonctions ou responsabilités particulières qui leur sont confiées. Le montant de cette composante est plafonné par groupes de fonctions ou de niveau de responsabilité exercé. Les fonctions et responsabilités concernées sont déterminées par décision du chef d'établissement conformément aux principes de répartition des primes définis par le conseil d'administration et aux lignes directrices de gestion de l'établissement (...) /. Pour les enseignants-chercheurs, cette composante est versée pour des fonctions ou responsabilités qui sont exercées en sus de leurs obligations de service. / Cette composante indemnitaire peut être également attribuée pour reconnaître l'exercice d'une mission temporaire confiée par le chef de l'établissement sur le fondement d'une lettre de mission pour une durée maximale de dix-huit mois (...) /. 3° La prime individuelle est liée à la qualité des activités et à l'engagement professionnel des agents au regard de l'ensemble des missions définies pour les enseignants-chercheurs à l'article L. 123-3 du code de l'éducation et pour les chercheurs aux articles 12 et 35 du décret du 30 décembre 1983 susvisé. Cette prime leur est versée sur leur demande selon des modalités précisées à l'article 4 ci-après (...) "

Sur les moyens communs aux quatre requêtes tirés de la méconnaissance du principe d'égalité et de la méconnaissance des orientations et objectifs présentés dans le rapport annexé à la loi du 24 décembre 2020 :

3. En premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. S'agissant des règles régissant les fonctionnaires, le principe d'égalité n'est en principe susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps, sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires.

4. Il résulte des dispositions citées au point 2, que le pouvoir réglementaire a fait le choix, par l'édiction du décret du 29 décembre 2021, de créer un régime indemnitaire unifié applicable aux seuls fonctionnaires appartenant aux corps des enseignants-chercheurs, enseignants-chercheurs et personnels assimilés, directeurs de recherche et chargés de recherche, procédant ainsi à une refonte des régimes indemnitaires existant, ces nouvelles modalités étant dépourvues de lien avec les conditions d'exercice des personnels visés. En limitant ainsi le champ des bénéficiaires de ce nouveau régime indemnitaire, alors par ailleurs que, s'agissant d'agents publics relevant de corps, cadres d'emploi ou même, comme en l'espèce, de statuts différents, leur rémunération ne peut être appréciée que globalement, les régimes indemnitaires, de fonctionnaires qui peuvent nécessairement différer selon les corps ou cadres d'emplois, ne pouvant être pris en considération isolément, le moyen tiré de ce que le refus de la Première ministre de modifier le décret du 29 décembre 2021 pour élargir le champ des bénéficiaires de ce régime aux professeurs agrégés affectés dans des établissements d'enseignement supérieur et aux enseignants contractuels de droit public des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel méconnait le principe d'égalité ne peut qu'être écarté comme inopérant. Est également inopérant le moyen selon lequel méconnaît le principe d'égalité la décision implicite par laquelle les ministres en charge de la fonction publique, des comptes publics et de l'enseignement supérieur ont rejeté la demande formée par les requérants tendant à l'édiction d'un arrêté en application des dispositions de l'article 1er du décret du 29 décembre 2021, pour inclure ces mêmes personnels dans le champ du régime indemnitaire en cause.

5. En second lieu, d'une part, selon l'article 1er de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur, qui approuve le rapport annexé à cette loi, ce dernier " précise les objectifs de l'Etat pour revaloriser les métiers et les carrières de la recherche et de l'enseignement supérieur (...) ". D'autre part, le rapport annexé à la loi du 24 décembre 2020 énonce que " ces revalorisations toucheront ainsi tous les personnels et interviendront de façon différenciée (...), l'ensemble des métiers ont vocation à être revalorisés dans ce cadre mais le gain sera plus élevé pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs dont le niveau de rémunération est aujourd'hui loin des standards internationaux (...) ". Ces dispositions étant dénuées de portée normative, les requérants ne peuvent en tout état de cause utilement soutenir que les articles 1er et 2 du décret du 29 décembre 2021 méconnaîtraient le rapport annexé à la loi du 24 décembre 2020 et, par suite, cette loi.

Sur les autres moyens des requêtes nos 471082 et 471084 tirés de la méconnaissance du droit de l'Union européenne:

6. En premier lieu, aux termes de la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 : " 1. Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives ". Cette clause, dans l'interprétation qu'en retient la Cour de justice de l'Union européenne, s'oppose aux inégalités de traitement dans les conditions d'emploi entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée, sauf à ce que ces inégalités soient justifiées par des raisons objectives, qui requièrent que l'inégalité de traitement se fonde sur des éléments précis et concrets, pouvant résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l'accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d'un objectif légitime de politique sociale d'un État membre. A cet égard, la différence de traitement instituée entre les personnels des corps mentionnés à l'article 1er du décret du 29 décembre 2021 et les enseignants et les enseignants-chercheurs contractuels de droit public n'est pas fonction de la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées méconnaîtraient la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

7. En second lieu, les dispositions réglementaires contestées ne portent, en tout état de cause, aucune atteinte à la liberté académique que l'article 13 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantit, à l'égalité en droit et au principe de non-discrimination qui résultent de ses articles 20 et 21.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que les syndicats et association requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions et dispositions qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes du syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur, du syndicat national des collèges et des lycées et de l'association SAGES - enseignants contractuels du supérieur sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur, au syndicat national des collèges et des lycées, à l'association SAGES - enseignants contractuels du supérieur, au Premier ministre, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre de la transformation et de la fonction publiques et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 juillet 2024 où siégeaient : Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire, présidant ; M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 27 août 2024.

La présidente :

Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

La secrétaire :

Signé : Mme Anna Bahnini


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 471080
Date de la décision : 27/08/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 aoû. 2024, n° 471080
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471080.20240827
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