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25/07/2024 | FRANCE | N°446751

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 25 juillet 2024, 446751


Vu la procédure suivante :



Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins, M. A... D... et M. B... C... ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 2017 par laquelle le préfet de police a prescrit la réalisation de mesures de sécurité sur un immeuble de grande hauteur situé 172 à 184 avenue de Choisy à Paris (75013). Par un jugement n° 1717346/3-1 du 26 février 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 19PA01345 d

u 22 septembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris, saisie par le syndicat de...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins, M. A... D... et M. B... C... ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 2017 par laquelle le préfet de police a prescrit la réalisation de mesures de sécurité sur un immeuble de grande hauteur situé 172 à 184 avenue de Choisy à Paris (75013). Par un jugement n° 1717346/3-1 du 26 février 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 19PA01345 du 22 septembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris, saisie par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins et autres, a annulé ce jugement et, statuant par voie d'évocation, a rejeté leur demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2020 et 23 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins et MM. D... et C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette leur demande de première instance ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à cette demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII ;

- l'arrêté du 30 décembre 2011 portant règlement de sécurité pour la construction des immeubles de grande hauteur et leur protection contre les risques d'incendie et de panique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins, de M. D... et de M. C..., à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la préfecture de police.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 6 avril 2017, le " groupe de visite de la préfecture de police " a, après visite sur place, émis un avis défavorable à la poursuite de l'occupation de l'immeuble dit " des deux moulins ", situé à Paris, 172 à 184 avenue de Choisy. Par arrêté du 15 juin 2017, le préfet de police a mis en demeure le syndicat des copropriétaires de réaliser les quatre mesures retenues par la commission de sécurité afin d'améliorer la sécurité de l'immeuble au regard du risque d'incendie. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins ainsi que MM. D... et C... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté. Par un jugement du 26 février 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande. En appel, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et, statuant par voie d'évocation, rejeté la demande de première instance par l'arrêt du 22 septembre 2020 contre lequel les requérants se pourvoient en cassation.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 122-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le présent chapitre fixe les dispositions destinées à assurer la sécurité des personnes contre les risques d'incendie et de panique dans les immeubles de grande hauteur. / Il est applicable à tous les immeubles de grande hauteur à construire, aux transformations et aménagements à effectuer dans les immeubles existants et aux changements de destination des locaux dans ces immeubles. " Aux termes de l'article R. 122-4 du même code : " Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'exécution des dispositions du présent chapitre, pris après avis de la Commission centrale de sécurité prévue par l'article R. 123-29 et portant règlement de sécurité, fixe pour les diverses classes d'immeubles de grande hauteur les mesures d'application des principes posés par le présent chapitre communes à ces diverses classes ou à certaines d'entre elles et les dispositions propres à chacune d'elles. (...) / Les arrêtés fixant ou modifiant le règlement de sécurité déterminent celles des dispositions qui, compte tenu de leur nature et de leur importance, sont applicables respectivement, soit aux seuls immeubles à construire, soit aux immeubles faisant l'objet de projets déposés en vue de la délivrance du permis de construire ou de la déclaration préalable à la construction, soit aux immeubles en cours de construction, soit aux immeubles déjà construits. Pour chacune de ces catégories d'immeubles, les arrêtés déterminent les conditions et délais d'application des dispositions édictées. " Aux termes de l'article R. 122-19 : " Le maire et le représentant de l'Etat dans le département assurent, chacun en ce qui le concerne, l'exécution des dispositions du présent chapitre. / La commission de sécurité compétente est, dans tous les cas, la commission consultative départementale de la protection civile instituée par le décret n° 65-1048 du 2 décembre 1965. Les membres de cette commission peuvent être mandatés pour procéder aux visites de contrôle effectuées en application des dispositions du présent chapitre et du chapitre III du présent titre ; ils sont désignés à cet effet par le représentant de l'Etat dans le département après avis de la commission. " Aux termes de l'article R. 122-22 : " L'occupation totale ou partielle de l'immeuble est subordonnée à la constatation du respect des prescriptions de sécurité. Le propriétaire adresse à cet effet une demande au maire qui se prononce après avis de la commission. (...) " Aux termes de l'article R. 122-28 : " Pendant l'occupation de l'immeuble, la commission peut procéder à des visites de contrôle périodiques ou inopinées des parties communes de tous les immeubles de grande hauteur. / Les propriétaires sont tenus d'assister aux visites dont ils ont été avisés. / A l'issue de chaque visite de la commission, il est dressé un procès-verbal qui constate notamment la bonne exécution des prescriptions formulées à l'occasion d'une visite antérieure et mentionne éventuellement les mesures proposées. / Le maire notifie ce procès-verbal au propriétaire qui dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître ses observations. Passé ce délai, le maire lui notifie les décisions prises. "

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. ". Il résulte de ces dispositions qu'en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées. Enfin, aux termes de l'article L. 2512-13 : " I. - Dans la Ville de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférées par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié ainsi que par les articles L. 2512-7, L. 2512-14 et L. 2512-17. (...) "

4. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour estimer que l'arrêté du préfet de police du 15 juin 2017, pris sur le fondement des dispositions de l'article R. 122-28 du code de la construction et de l'habitation cité au point 2. ci-dessus, n'était pas illégal, les juges du fond ont retenu que la même décision aurait pu être légalement prise par le préfet de police sur le fondement de ses pouvoirs de police générale exercés, au nom de la Ville de Paris, sur le fondement des dispositions citées au point précédent. En statuant ainsi, sans faire ressortir l'existence d'un danger grave et imminent au sens de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. Les requérants sont, dès lors, fondés à demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il se prononce sur la légalité de l'arrêté du préfet de police du 15 juin 2017.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. L'arrêté du 30 décembre 2011 portant règlement de sécurité pour la construction des immeubles de grande hauteur et leur protection contre les risques d'incendie et de panique n'est applicable, aux termes de son article 3, qu' " aux projets dont la demande de permis de construire est déposée après le premier jour du troisième mois suivant celui au cours duquel il sera publié. " Aux termes de son article GH1 : " §1. A l'exception des dispositions à caractère administratif, de celles relatives aux contrôles et aux vérifications techniques ainsi qu'à l'entretien, le présent règlement ne s'applique pas aux immeubles de grande hauteur (IGH) existants. / Lorsque des travaux de remplacement d'installation, d'aménagement ou d'agrandissement sont entrepris dans ces immeubles, les dispositions du présent règlement sont applicables aux seules parties de la construction ou des installations modifiées. / Toutefois, si ces modifications ont pour effet d'accroître le risque de l'ensemble de l'immeuble de grande hauteur, des mesures de sécurité complémentaires peuvent être imposées après avis de la commission de sécurité. (...) " Par conséquent, et en dehors des dispositions mentionnées au premier alinéa de l'article GH1 ci-dessus, cet arrêté, dont l'article 2 abroge les dispositions antérieurement applicables, n'est pas applicable à l'immeuble des deux moulins, dont le permis de construire a été délivré le 22 décembre 1965 et dont la construction s'est achevée en 1970. Par suite, en prescrivant, par l'arrêté attaqué, des travaux destinés à rendre l'immeuble conforme aux dispositions de l'arrêté du 30 décembre 2011, le préfet de police a commis une erreur de droit. Les requérants sont, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur demande, fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge des requérants. Il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la Ville de Paris, représentée par le préfet de police, la somme de 3 000 euros à verser aux requérants au titre de la première instance, de l'instance d'appel et de l'instance de cassation.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 septembre 2020 est annulé en tant qu'il rejette la demande de première instance du syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins et autres.

Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 15 juin 2017 est annulé.

Article 3 : Le préfet de police versera au syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du préfet de police et de la Ville de Paris, représentée par sa maire en exercice, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires de l'immeuble des deux moulins, premier requérant dénommé, au préfet de police, à la Ville de Paris, représentée par sa maire en exercice, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juillet 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 25 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Coralie Albumazard

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 446751
Date de la décision : 25/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 446751
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP GURY & MAITRE ; SCP FOUSSARD, FROGER ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:446751.20240725
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