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24/07/2024 | FRANCE | N°471782

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 24 juillet 2024, 471782


Vu la procédure suivante :



La société EG Lorraine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre chargé des mines a rejeté sa demande tendant à la délivrance du permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis La Grande Garde ", ainsi que la décision du 20 juin 2017 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances ont expressément rejeté cette demande et, d'autre part

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Vu la procédure suivante :

La société EG Lorraine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre chargé des mines a rejeté sa demande tendant à la délivrance du permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux dit " permis La Grande Garde ", ainsi que la décision du 20 juin 2017 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances ont expressément rejeté cette demande et, d'autre part, d'enjoindre au ministre chargé des mines de lui accorder le permis sollicité.

Par un jugement n° 1703937 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a, après avoir considéré que la décision du 20 juin 2017 s'était substituée à la décision implicite de rejet, annulé la décision du ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l'économie et des finances du 20 juin 2017.

Par un arrêt n° 20NC02933 du 29 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la ministre de la transition écologique contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 28 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition énergétique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et son protocole signé à Kyoto le 11 décembre 1997 ;

- l'accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 ;

- le code de l'énergie ;

- le code minier ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société EG Lorraine ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une demande du 3 mars 2014 et une demande rectificative du 2 avril 2015, la société EG Lorraine a sollicité la délivrance d'un permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux, dit " permis La Grande Garde ". En l'absence de réponse expresse, cette demande a été implicitement rejetée. Par une décision du 20 juin 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances ont expressément rejeté cette demande. Par un jugement du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a, sur la demande de la société EG Lorraine et après avoir retenu que la décision du 20 juin 2017 s'était substituée à la décision implicite de rejet, annulé cette décision. Par un arrêt du 29 décembre 2022, contre lequel le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la ministre contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 122-1 du code minier " Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu'il définit et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code: " Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. / Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes ". Aux termes de l'article L. 122-3 du même code : " Le permis exclusif de recherches est accordé, après mise en concurrence, par l'autorité administrative compétente pour une durée initiale maximale de cinq ans ". Aux termes de l'article L. 161-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les travaux de recherches ou d'exploitation minière doivent respecter, sous réserve des règles prévues par le code du travail en matière de santé et de sécurité au travail, les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, à la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles particulièrement des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 331-1, L. 332-1 et L. 341-1 du code de l'environnement, à la conservation des intérêts de l'archéologie, particulièrement de ceux mentionnés aux article L. 621-7 et L. 621-30 du code du patrimoine, ainsi que des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l'exploitation. Ils doivent en outre assurer la bonne utilisation du gisement et la conservation de la mine ".

3. Il résulte des dispositions régissant le droit minier que l'Etat est seul habilité à délivrer des autorisations permettant d'explorer et d'exploiter les ressources naturelles du sous-sol relevant du régime des mines. Ce régime ne confère aucun droit à l'attribution d'un permis exclusif de recherches pour les opérateurs qui en font la demande alors même qu'ils justifieraient des capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien de tels travaux. Lorsque l'administration est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un tel permis, elle peut la rejeter en se fondant sur un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de l'autorisation en cause. S'agissant des permis de recherches d'hydrocarbures, la limitation du réchauffement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation des énergies fossiles constitue un tel motif.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour refuser le permis exclusif de recherches d'hydrocarbures sollicité par la société EG Lorraine, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances se sont fondés sur les choix de politique énergétique de la France résultant, d'une part, de ses engagements dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015 et, d'autre part, des orientations et objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte tendant notamment à promouvoir le développement des énergies renouvelables et à réduire les consommations d'énergie fossile. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en jugeant que les ministres ne pouvaient rejeter la demande de la société EG Lorraine au seul motif que le projet méconnaissait les objectifs de cette politique énergétique, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition énergétique est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 29 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Les conclusions de la société EG Lorraine présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société EG Lorraine.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 24 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471782
Date de la décision : 24/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2024, n° 471782
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471782.20240724
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