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23/07/2024 | FRANCE | N°489032

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 juillet 2024, 489032


Vu la procédure suivante :



La société civile immobilière Europalis et M. C... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre sous astreinte au maire de Mouvaux de dresser un procès-verbal d'infraction relatif aux travaux de construction réalisés par M. A... F..., Mme B... F... et Mme D... F... et d'en transmettre une copie au ministère public dans le délai de quarante-huit heures et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte au mai

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Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Europalis et M. C... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre sous astreinte au maire de Mouvaux de dresser un procès-verbal d'infraction relatif aux travaux de construction réalisés par M. A... F..., Mme B... F... et Mme D... F... et d'en transmettre une copie au ministère public dans le délai de quarante-huit heures et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte au maire de Mouvaux de prendre un arrêté interruptif de travaux et d'en transmettre une copie au ministère public dans le délai de quarante-huit heures. Par une ordonnance n° 2306944 du 10 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a enjoint au maire de Mouvaux de constater l'infraction au code de l'urbanisme en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme et de prescrire l'interruption des travaux sur la parcelle cadastrée section AS n° 335 en application de l'article L. 480-2 du même code, dans un délai de cinq jours, sous astreinte de 250 euros par jour de retard.

Par un pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 octobre et 9 novembre 2023 et le 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les consorts F... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande des requérants de première instance et d'enjoindre au maire de Mouvaux de retirer ou d'abroger l'arrêté interruptif de travaux du 24 octobre 2023 ;

3°) de mettre à la charge de la société Europalis et de M. E... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat des consorts F... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Europalis et de M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que, par un arrêté du 6 juin 2018, le maire de Mouvaux a délivré aux consorts F... un permis de construire, valant division, en vue de la construction de deux maisons individuelles sur une parcelle cadastrée section AS n° 335. Cette autorisation d'urbanisme a d'abord été prorogée une fois, par un arrêté du 20 mars 2021, jusqu'au 16 juin 2022, puis une seconde fois, par un arrêté du 8 avril 2022, jusqu'au 16 juin 2023. A compter du 12 juin 2023, les pétitionnaires ont entamé des travaux de terrassement sur la parcelle, lesquels ont été constatés par un huissier de justice les 12 et 19 juin 2023. La société Europalis et son associé gérant, M. E..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre sous astreinte au maire de Mouvaux de dresser un procès-verbal d'infraction relatif aux travaux de construction réalisés par les consorts F... et d'en transmettre une copie au ministère public dans le délai de quarante-huit heures et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte au maire de Mouvaux de prendre un arrêté interruptif de travaux et d'en transmettre une copie au ministère public dans le même délai. Les consorts F... se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 10 octobre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a enjoint au maire de Mouvaux de constater l'infraction au code de l'urbanisme en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme et de prescrire l'interruption des travaux sur la parcelle en application de l'article L. 480-2 du même code, dans un délai de cinq jours, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, au motif que les travaux entrepris postérieurement au 16 juin 2023, date à compter de laquelle l'autorisation d'urbanisme était devenue caduque en application des articles R. 424-17 et R. 424-21 du code de l'urbanisme, devaient être regardés comme l'ayant été sans permis.

3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ". Aux termes de l'article L. 522-1 de ce code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prendre les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe les parties sans délai de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Il résulte de ces dispositions que le juge saisi sur le fondement de l'article L. 521-3, s'il n'est pas tenu de compléter l'instruction écrite par la tenue d'une audience, doit s'assurer du caractère contradictoire de la procédure, selon des modalités adaptées à l'urgence.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le greffe du tribunal administratif de Lille a communiqué, le 2 octobre 2023, le mémoire en réplique produit par la société Europalis et M. E..., en donnant aux consorts F... un délai de dix jours pour présenter, le cas échéant, des observations. En statuant le 10 octobre 2023, date à laquelle le délai imparti aux consorts F... pour produire un nouveau mémoire n'était pas expiré, sans attendre cette production ni tenir une audience, le juge des référés du tribunal administratif a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure. Il suit de là que l'ordonnance attaquée, rendue à l'issue d'une procédure irrégulière, doit être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. D'une part, en vertu de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire (...) ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal (...) ". Aux termes de l'article L. 480-2 du même code : " (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. (...) / Dans le cas de constructions sans permis de construire (...), le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux (...) ". Aux termes de l'article L. 480-4 du même code : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421 1 à L. 421-5 et L. 421-5-3 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire (...) est puni d'une amende. " L'article L. 421-1 de ce code dispose que : " Les constructions (...) doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. (...) "

7. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire (...) est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans (...) ". Aux termes de l'article R. 424-21 du même code : " Le permis de construire (...) peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire (...) ".

8. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le permis de construire délivré aux consorts F... a été prorogé pour la dernière fois, par un arrêté du 8 avril 2022, jusqu'au 16 juin 2023. Si les pétitionnaires ont entrepris des travaux à compter du 12 juin 2023, soit trois jours avant la date de péremption de cette autorisation d'urbanisme, ces travaux, constatés par un huissier de justice les 12 et 19 juin 2023, qui consistaient uniquement à réaliser l'aménagement d'une piste de gravier et à creuser une tranchée de cinq mètres de longueur sur trente centimètres de largeur, ne peuvent être regardés comme suffisamment importants pour interrompre le délai de péremption de l'autorisation d'urbanisme précitée. Par suite, les travaux qui se sont poursuivis postérieurement au 16 juin 2023, date à compter de laquelle l'autorisation d'urbanisme etait devenue caduque en application des dispositions citées au point précédent, doivent être regardés comme l'ayant été sans permis.

9. Toutefois, il résulte également de l'instruction que le maire de Mouvaux, a, le 24 octobre 2023, en exécution de l'ordonnance du 10 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Lille et comme il était tenu de le faire en application des articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l'urbanisme citées au point 6, d'une part, fait dresser un procès-verbal d'infraction à l'encontre des consorts F... en raison des travaux qu'ils avaient réalisés au-delà du délai de validité du permis de construire qui leur avait été délivré et, d'autre part, édicté un arrêté interruptif de travaux les mettant en demeure d'interrompre les travaux entrepris. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas allégué que cet arrêté aurait été abrogé à la date de la présente décision. Aucune mesure ne reste dès lors à ce jour à enjoindre par le Conseil d'Etat au maire de Mouvaux. Pour le même motif, et alors en outre qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux entrepris par les consorts F... auraient repris, la condition d'urgence prévue par les dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative n'est pas davantage remplie.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Europalis et de M. E... ne peut qu'être rejetée, de même, par suite, que les conclusions à fin d'injonction présentées par les consorts F....

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 10 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : Les conclusions de la société Europalis et de M. E... présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par les consorts F... sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... F..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à M. C... E..., pour lui-même et la société civile immobilière Europalis.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juin 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 23 juillet 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 489032
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2024, n° 489032
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Noël
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489032.20240723
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