1° Sous le n° 472584, la fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 juillet 2019 par laquelle la directrice générale de l'Agence de la biomédecine a autorisé l'unité 1064 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'étude du développement de l'embryon préimplantatoire et péri-implantatoire. Par un jugement n° 1914049 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 21PA06559 du 30 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de la fondation Jérôme Lejeune, annulé ce jugement et la décision de l'Agence de la biomédecine.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 mars et 20 juin 2023 et le 22 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Agence de la biomédecine demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la fondation Jérôme Lejeune ;
3°) de mettre à la charge de la fondation Jérôme Lejeune la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 472585, la fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 juillet 2019 par laquelle la directrice générale de l'Agence de la biomédecine a autorisé l'unité 1064 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'étude de la programmation épigénétique du spermatozoïde pour la régulation de la transcription dans l'embryon. Par un jugement n° 1914047 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 22PA00425 du 30 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de la fondation Jérôme Lejeune, annulé ce jugement et la décision de l'Agence de la biomédecine.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 mars et 20 juin 2023 et le 22 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Agence de la biomédecine demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la fondation Jérôme Lejeune ;
3°) de mettre à la charge de la fondation Jérôme Lejeune la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 ;
- la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Agence de la biomédecine, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la fondation Jérôme Lejeune ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 juin 2024, présentée sous chacun des numéros par l'Agence de la biomédecine ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par deux décisions du 15 juillet 2019, la directrice générale de l'Agence de la biomédecine a autorisé l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à mettre en œuvre deux protocoles de recherche sur l'embryon humain ayant respectivement pour finalité l'étude du développement préimplantatoire et péri-implantatoire de l'embryon et l'étude de la programmation épigénétique du spermatozoïde pour la régulation de la transcription dans l'embryon. Par deux jugements des 26 octobre et 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les demandes de la fondation Jérôme Lejeune tendant à l'annulation de ces autorisations. Par deux arrêts du 30 janvier 2023, dont l'Agence de la biomédecine demande l'annulation par deux pourvois en cassation qu'il y a lieu de joindre, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ces deux jugements et ces deux décisions au motif que le service de médecine du développement et de biologie du centre hospitalier universitaire de Nantes, qui devait fournir à l'INSERM les embryons nécessaires à la recherche, ne disposait pas d'une autorisation de conservation à des fins de recherche en cours de validité.
2. D'une part, l'article L. 2151-5 du code de la santé publique dispose, dans sa rédaction applicable à la date des autorisations en litige, que : " I. - Aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d'un embryon humain ne peut être autorisé que si : (...) 4° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. / II. - Une recherche ne peut être menée qu'à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu'avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d'accueil des embryons par un autre couple ou d'arrêt de leur conservation. (...) / III. - Les protocoles de recherche sont autorisés par l'Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées au I du présent article sont satisfaites (...). / IV. - Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. (...) " L'article R. 2151-1 du même code prévoit que : " Le directeur général de l'Agence de la biomédecine peut autoriser, dans les conditions fixées par l'article L. 2151-5, un protocole de recherche sur l'embryon ou sur les cellules souches embryonnaires, après avis du conseil d'orientation, pour une durée déterminée qui ne peut excéder cinq ans, renouvelable dans les mêmes conditions " et l'article R. 2151-2 de ce code que : " Outre la vérification des conditions fixées à l'article L. 2151-5, l'agence de la biomédecine (...) évalue les moyens et dispositifs garantissant (...) la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires ". Aux termes de l'article R. 2151-3 du même code : " I. - Seuls peuvent obtenir l'autorisation de procéder à une recherche sur l'embryon : / 1° Les établissements publics de santé et les laboratoires de biologie médicale autorisés à conserver des embryons en application de l'article L. 2142-1 (...) ; / 2° Les établissements et organismes ayant conclu une convention avec l'un au moins des établissements ou laboratoires mentionnés au 1°. Cette convention prévoit les conditions dans lesquelles l'établissement ou le laboratoire mentionné au 1° conserve et met à disposition des embryons au bénéfice de cet établissement ou organisme. La mise à disposition d'embryons n'est autorisée que pour la seule durée de la recherche (...) ". Enfin, l'article R. 2151-5 du même code dispose que : " Les embryons ne peuvent être remis au responsable de la recherche mentionné à l'article R. 2151-8 que par le titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 2151-7, par le praticien agréé en application de l'article L. 2131-4-2 ou par le praticien intervenant, conformément au cinquième alinéa de l'article L. 2142-1, dans un établissement, laboratoire ou organisme autorisé en application du même article (...) ".
3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 2151-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction applicable à la date des décisions contestées, en vigueur entre la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique et la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, qui les a modifiées et déplacées à l'article L. 2151-9 du code de la santé publique : " Tout organisme qui assure, à des fins de recherche, la conservation d'embryons ou de cellules souches embryonnaires doit être titulaire d'une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine. / (...) Les organismes mentionnés au premier alinéa ne peuvent céder des embryons ou des cellules souches embryonnaires qu'à un organisme titulaire d'une autorisation délivrée en application du présent article ou de l'article L. 2151-5. L'Agence de la biomédecine est informée préalablement de toute cession. ". L'article R. 2151-19 du même code dispose que : " Le directeur général de l'agence de la biomédecine autorise la conservation d'embryons et de cellules souches embryonnaires, après avis du conseil d'orientation, pour une durée déterminée, qui ne peut excéder cinq ans, renouvelable dans les mêmes conditions. (...) "
4. Il résulte des dispositions mentionnées aux points 2 et 3, dans leur rédaction applicable aux litiges, antérieure à la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, qui a modifié le cadre juridique applicable aux autorisations de conservation d'embryons, qu'il revient à l'Agence de la biomédecine, lorsqu'elle délivre l'autorisation de recherche prévue par les dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, de vérifier que l'autorisation de conservation, qui ne peut être délivrée que par elle-même, de l'organisme le cas échéant sollicité pour la remise des embryons ou cellules souches embryonnaires humaines destinés à la recherche soumise à son autorisation est en cours de validité, à la date à laquelle cette autorisation est accordée et tout au long de la période pour laquelle elle l'est, et que ni sa suspension ni son retrait ne sont engagés.
5. Enfin, l'article L. 2141-1 du code de la santé publique dispose que : " L'assistance médicale à la procréation s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle. (...) " En vertu de l'article L. 2142-1 du même code, à l'exception de l'insémination artificielle et de la stimulation ovarienne, les activités, tant cliniques que biologiques, d'assistance médicale à la procréation, doivent être autorisées par l'agence régionale de santé. Cette autorisation, qui porte sur une ou plusieurs des activités d'assistance médicale à la procréation, est délivrée pour une durée de sept ans. Si le f) du 2° de l'article R. 2142-1 du même code range au nombre des activités cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation la conservation des embryons en vue d'un projet parental ou en application du 2° du II de l'article L. 2141-4 de ce code, c'est-à-dire dans le cas où les deux membres du couple dont les embryons sont conservés ou, en cas de décès de l'un d'entre eux, le membre survivant, consentent, par écrit et en le confirmant après un délai de réflexion de trois mois, à ce que leurs embryons fassent l'objet d'une recherche dans les conditions prévues à l'article L. 2151-5, ces dispositions réglementaires, qui sont relatives à l'exercice d'activités biologiques et cliniques d'assistance médicale à la procréation, ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de déroger à l'obligation, résultant de l'article L. 2151-7 du même code pour tout organisme qui assure, à des fins de recherche, la conservation d'embryons ou de cellules souches embryonnaires, de solliciter et d'obtenir à cette fin une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine.
6. Par suite, en jugeant qu'une autorisation portant sur l'activité de conservation des embryons à des fins biologiques d'assistance médicale à la procréation ne dispensait pas de la détention de l'autorisation de conservation à des fins de recherche prévue par l'article L. 2151-7 du code de la santé publique, la cour administrative d'appel de Paris, qui a au surplus relevé sans dénaturation des pièces des dossiers qui lui étaient soumis que l'autorisation délivrée par l'agence régionale de santé des Pays de la Loire au centre hospitalier universitaire de Nantes ne portait que sur la conservation d'embryons en vue d'un projet parental et non en vue d'un projet de recherche en application du 2° du II de l'article L. 2141-4 de ce code, n'a pas commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'Agence de la biomédecine n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêts qu'elle attaque.
Sur les frais liés au litige :
8. En application de l'article L. 1418-3 du code de la santé publique, les décisions prises par le directeur général de l'Agence de la biomédecine mentionnées au 10° de l'article L. 1418-1 du même code, qui incluent les décisions d'autorisation d'un protocole de recherche conduit sur un embryon humain, le sont au nom de l'Etat. Par suite, les conclusions de la fondation Jérôme Lejeune tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de cette agence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont mal dirigées et ne peuvent qu'être rejetées. Ces dispositions font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'Agence de la biomédecine.
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de l'Agence de la biomédecine sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions de la fondation Jérôme Lejeune présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Agence de la biomédecine et à la fondation Jérôme Lejeune.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 juin 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 17 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Redondo
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly