La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2024 | FRANCE | N°476983

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 15 juillet 2024, 476983


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août et 30 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 juin 2023 rapportant le décret du 15 février 2021 lui accordant la nationalité française.







Vu les autres pièces du dossier ;



Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fond

amentales ;

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août et 30 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 juin 2023 rapportant le décret du 15 février 2021 lui accordant la nationalité française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., ressortissante algérienne, a déposé une demande de naturalisation le 16 avril 2018 dans laquelle elle a indiqué être célibataire. Au vu de ses déclarations, elle a été naturalisée par décret du 15 février 2021, publié au Journal officiel de la République française du 17 février 2021. Toutefois, par bordereau reçu le 10 juin 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations de ce que Mme A... a épousé à Bordj-Bou-Arreridj (Algérie), le 20 août 2018, M. D..., ressortissant algérien. Par décret du 9 juin 2023, publié au Journal officiel de la République française du 11 juin 2023, la Première ministre a rapporté le décret de naturalisation de Mme A... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressée quant à sa situation maritale. Mme A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a épousé le 20 août 2018 à Bordj-Bou-Arreridj (Algérie) M. D..., ressortissant algérien. Ce mariage, intervenu au cours de l'instruction de sa demande de naturalisation, a constitué un changement de sa situation personnelle et familiale qu'elle aurait dû porter à la connaissance de l'administration, comme elle s'y était engagée lors du dépôt de cette demande. Si elle soutient qu'elle était de bonne foi et qu'elle a sollicité elle-même une demande de regroupement familial en faveur de son époux auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, elle ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait mise dans l'impossibilité de faire part de son changement de situation familiale au service chargé de l'instruction de sa demande de naturalisation avant l'intervention du décret lui accordant la nationalité française. L'intéressée, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du compte-rendu de l'entretien d'assimilation du 31 juillet 2018, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'elle a signée. Dans ces conditions, Mme A... doit être regardée comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la Première ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

5. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que le ministre aurait commis une erreur de fait en indiquant qu'elle a obtenu son baccalauréat technologique à Arcueil (Val-de-Marne), alors qu'elle l'a obtenu au sein de l'académie de Versailles, cette circonstance est sans incidence sur la légalité du décret attaqué.

6. En troisième lieu, un décret qui rapporte un décret ayant conféré la nationalité française est, par lui-même dépourvu d'effet sur la présence sur le territoire français de celui qu'il vise, comme sur les liens avec les membres de sa famille, et n'affecte pas, dès lors, le droit au respect de sa vie familiale. En revanche, un tel décret affecte un élément constitutif de l'identité de la personne concernée et est ainsi susceptible de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée. En l'espèce, Mme A... ne saurait utilement se prévaloir de son impossibilité de passer le concours d'officier de la police nationale et de la durée de son séjour sur le territoire français pour soutenir que le décret attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 9 juin 2023 par lequel la Première ministre a rapporté le décret du 15 février 2021.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 juin 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 15 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Pourreau

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 476983
Date de la décision : 15/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2024, n° 476983
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:476983.20240715
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award