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15/07/2024 | FRANCE | N°474768

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 15 juillet 2024, 474768


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 9 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.



Par une décision n° 20039971 du 4 avril 2023, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande et a reconnu à M. B... la qualité de

réfugié.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mém...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 9 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 20039971 du 4 avril 2023, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande et a reconnu à M. B... la qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 juin et 5 septembre 2023 et le 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, et à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par une décision du 9 novembre 2020, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de reconnaître à M. B..., ressortissant algérien, la qualité de réfugié. Par une décision du 4 avril 2023, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et reconnu à M. B... la qualité de réfugié.

2. L'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes : / (...) 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ". Il résulte de ces dispositions que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, qui est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié dès lors qu'il en remplit les conditions, est subordonnée à deux conditions cumulatives. Il appartient à l'OFPRA et, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, de vérifier si l'intéressé a fait l'objet de l'une des condamnations que visent les dispositions précitées et, d'autre part, d'apprécier si sa présence sur le territoire français est de nature à constituer, à la date de leur décision, une menace grave pour la société au sens des dispositions précitées, c'est-à-dire si elle est de nature à affecter un intérêt fondamental de la société, compte tenu des infractions pénales commises - lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision refusant le statut de réfugié ou y mettant fin - et des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais aussi du temps qui s'est écoulé et de l'ensemble du comportement de l'intéressé depuis la commission des infractions ainsi que de toutes les circonstances pertinentes à la date à laquelle ils statuent.

3. Pour annuler la décision de l'OFPRA, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir constaté que la première des deux conditions fixées par le 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était en l'espèce remplie, a relevé que M. B..., condamné en juillet 2019 à une peine de quatre ans d'emprisonnement pour des faits d'agression sexuelle sur un mineur de quinze ans survenue en mars 2019, s'était volontairement engagé dès le début de sa détention dans de nombreux protocoles de soins et démarches d'insertion professionnelle ayant justifié la réduction de sa peine, qu'il avait obtenu en 2021 le relèvement judiciaire de la peine complémentaire d'interdiction du territoire prononcée à son encontre, qu'il avait exprimé des regrets et une volonté d'insertion sociale et professionnelle et qu'il bénéficiait d'un suivi psychiatrique et d'un soutien associatif. En déduisant de ces énonciations, ainsi que du certificat médical d'octobre 2022 par lequel le médecin psychiatre assurant son suivi depuis mars 2022 a indiqué n'avoir pas identifié d'élément appuyant l'hypothèse d'une récidive possible, que c'est à tort que le directeur général de l'OFPRA avait considéré que la présence de M. B... constituait une menace grave pour la société française, la Cour nationale du droit d'asile, qui a suffisamment motivé sa décision et n'a pas dénaturé les faits de l'espèce, n'a pas commis d'erreur de qualification juridique.

4. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFPRA n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

5 M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B..., de la somme de 3 000 euros, au titre de ces dispositions, sous réserve que cette société renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'OFPRA est rejeté.

Article 2 : L'OFPRA versera à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. B..., une somme de 3 000 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 20 juin 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 15 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Jérôme Goldenberg

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 474768
Date de la décision : 15/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2024, n° 474768
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jérôme Goldenberg
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474768.20240715
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