Vu les procédures suivantes :
1° Sous le numéro 463127, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 avril et le 16 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Hexacath France demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 février 2022 du ministre de la santé et de la prévention et du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées fixant les conditions de la réinscription de l'endoprothèse coronaire (stent) enrobée d'oxynitrure de titane (produit sans action pharmacologique) " Titan Optimax " sur la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) d'enjoindre à ces ministres de demander à la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de reprendre l'instruction de leur demande d'inscription dans le délai de trois mois à compter de la date de la décision du Conseil d'Etat à intervenir et de retirer de son site internet les avis du 21 juillet 2020 et du 13 avril 2021 ainsi que le compte rendu de ces séances dans le délai de quinze jours ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 488666, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 2 octobre 2023 et le 15 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hexacath France demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 août 2023 portant modification des conditions d'inscription et radiation de certaines indications et références relatives au stent nu " Titan Optimax " de la société Hexacath France inscrit au titre III de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poulet, Odent, avocat de la société Hexacath France ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale : " Le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (...) est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d'une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 161-37. L'inscription est effectuée soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 165-1 du même code : " Les produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ne peuvent être remboursés par l'assurance maladie (...) que s'ils figurent sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis de la commission spécialisée de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 165-1 du présent code et dénommée " Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé " ". L'article R. 165-2 du même code précise que l'inscription sur la liste est décidée au vu de l'appréciation du service qui est attendu du produit ou de la prestation et décrit la manière dont le service attendu doit être évalué.
2. Il ressort des pièces des dossiers que la société Hexacath France exploite le dispositif médical Titan Optimax qui est une endoprothèse coronaire (" stent ") enrobée d'oxynitrure de titane. Par un arrêté du 5 février 2015, ce dispositif a été inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables, prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, dans les indications thérapeutiques suivantes : sténoses courtes (( 20 mm) des vaisseaux coronaires, quel qu'en soit le diamètre ; sténoses longues (de 20 à 40 mm) sur des vaisseaux de diamètre supérieur ou égal à 3 mm ; sténoses de greffons veineux ; occlusions coronaires totales ; accidents aigus de l'angioplastie : dissections, occlusions. Par un arrêté du 15 décembre 2017, cette inscription a été renouvelée jusqu'au 31 mars 2020. En mai 2018, dans un rapport d'évaluation de l'intérêt thérapeutique et des conditions de remboursement des différents types d'endoprothèses coronaires, la Haute Autorité de santé a recommandé de restreindre les indications prises en charge pour la catégorie d'endoprothèses coronaires dont relèvent les dispositifs Titan Optimax, qualifiés de stents non actifs (produits sans action pharmacologique) présentant un intérêt thérapeutique comparable à celui des stents nus, en les réservant au traitement de " l'insuffisance coronaire imputable à une ou des lésion(s) de novo des artères coronaires natives à bas risque de resténose (lésion(s) = 15 mm de vaisseau(x) = 3 mm de diamètre chez un patient non diabétique) ayant un risque hémorragique élevé ou des difficultés prévisionnelles concernant la prise de bithérapie [antiagrégante plaquettaire] ". En 2020, la société Hexacath a sollicité le renouvellement de l'inscription en nom de marque sur la liste des produits et prestations remboursables du stent Titan Optimax en demandant une extension des indications prises en charge. Dans ses avis du 21 juillet 2020 et du 13 avril 2021, la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé s'est prononcée en faveur d'une inscription du stent Titan Optimax dans la seule indication thérapeutique préconisée en 2018 par la Haute Autorité de santé et uniquement pour les références en cohérence avec cette indication, soit les diamètres supérieurs ou égaux à 3 mn pour les longueurs de 7, 10, 13, 16 et 19 mn.
3. D'une part, par une décision du 14 février 2022, contestée sous le numéro 463127, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont notifié à la société leur refus de poursuivre la prise en charge du stent Titan Optimax dans les autres références que celles retenues par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé. D'autre part, par un arrêté du 2 août 2023, contesté sous le numéro 488666, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont modifié les conditions d'inscription du stent Titan Optimax sur la liste des produits et prestations remboursables, en procédant à la radiation des indications et références autres que celles retenues par la Commission et en modifiant certaines des modalités de prescription et d'utilisation de l'endoprothèse coronaire pour les mettre notamment en accord avec l'indication désormais retenue. Il y a lieu de joindre les deux requêtes de la société Hexacath France pour y statuer par une seule décision.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 août 2023 :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions(...) ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) / 2° Les (...) sous directeurs (...) ".
5. La société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente faute pour Mme A... B..., co-signataire de l'arrêté avec la sous directrice de la politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins, de bénéficier d'une délégation de signature régulièrement publiée, cette dernière, nommée sous directrice du financement du système de soins de la direction de la sécurité sociale à compter du 1er septembre 2022 pour une durée de trois ans par arrêté du 31 août 2022, publié au Journal officiel de la République française le 1er septembre 2022, bénéficiant de la délégation de signature prévue au 2° de l'article premier du décret du 27 juillet 2005 cité au point 4.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 165-16 du code de la sécurité sociale : " Les décisions portant refus d'inscription sur la liste prévue à l'article L. 165-1, refus de renouvellement d'inscription, radiation de la liste ou refus de modification de l'inscription, du tarif, du prix ou des remises prévues au II de l'article L. 165-4 doivent, dans la notification au fabricant ou distributeur, être motivées et mentionner les voies et délais de recours qui leur sont applicables ".
7. L'arrêté en litige, qui refuse notamment le renouvellement d'inscription sur la liste de certaines des références pour lesquelles le dispositif médical était précédemment inscrit, lequel devait être motivé en application de l'article R. 165-16 du code de la sécurité sociale cité au point 6, s'approprie les conclusions de l'avis de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé du 13 avril 2021. Cet avis explicitant les raisons ayant conduit à retenir l'indication et les conditions d'inscription figurant dans l'arrêté attaqué, la société requérante, qui ne peut utilement invoquer de supposées irrégularités dans la procédure d'élaboration de l'arrêté pour contester l'insuffisance de sa motivation, n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté serait insuffisamment motivé.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. En premier lieu, en vertu du premier alinéa de l'article R. 165-2 du code de la sécurité sociale, les dispositifs médicaux sont inscrits sur la liste des produits et prestations au vu de l'appréciation du service qui en est attendu. Si, pour évaluer ce service attendu, la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a écarté plusieurs études scientifiques avancées par la société requérante, il ressort des pièces du dossier que l'une de ces études (TITAX AMI) ayant pour comparateur un stent actif de première génération est trop ancienne, que d'autres études (étude BASE ACS, registre TIOMAX et premier volet de l'étude TIDES-ACS) avaient déjà été prises en compte par la Commission pour l'élaboration de ses avis antérieurs portant sur le même dispositif, qui ont servi de base pour l'élaboration de l'avis au sujet de ce dispositif médical, et que le second volet de l'étude TIDES-ACS présente des problèmes méthodologiques empêchant que ses résultats puissent être pris en compte. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ou d'erreur de fait au motif que les résultats de ces études ont été écartés par la Commission dans l'élaboration de ses avis, que l'arrêté reprend à son compte.
9. En deuxième lieu, comme il a été dit aux points 2 et 3, l'arrêté en litige retient, à la suite de l'avis de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, une indication dans les cas d'insuffisance coronaire imputable à une ou des lésion(s) de novo des artères coronaires natives à bas risque de resténose (lésion(s) = 15 mm de vaisseau(x) = 3 mm de diamètre chez un patient non diabétique) ayant un risque hémorragique élevé ou des difficultés prévisionnelles concernant la prise de bithérapie antiagrégante plaquettaire. La société requérante soutient que cette indication est incompatible avec deux contre-indications figurant dans la notice du dispositif médical Titan Optimax : la contre-indication aux traitements anticoagulants ou antiplaquettaires et l'existence d'antécédents hémorragiques.
10. Il ressort des pièces du dossier que trois types d'endoprothèses coronaires, dites stents, sont prise en charge par l'assurance maladie : les stents métalliques nus non résorbables, les stents actifs, qui sont enrobés de substance pharmacologiquement active aux propriétés immunosuppressives et antiprolifératives, et les stents enrobés de substance non pharmacologiquement active, dits stents non actifs, catégorie à laquelle appartient le stent Titan Optimax. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des observations, non contredites, de la Haute Autorité de santé, que la contre-indication aux traitements anticoagulants ou antiplaquettaires, quand elle est durable, est incompatible avec la pose de tout type de stent, mais n'empêche pas la pose d'un stent nu ou d'un stent non actif quand le traitement entraînant la contre-indication peut être pris pendant une courte durée. Dans cette hypothèse, seule la pose d'un stent nu ou non actif peut être envisagée. D'autre part, l'existence d'antécédents hémorragiques n'équivaut pas à l'existence d'un risque hémorragique élevé, lequel est apprécié au moment de la pose du stent. Par suite, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les indications retenues par les ministres pour son dispositif médical, correspondant par ailleurs à la préconisation faite en 2018 par la Haute Autorité de santé, seraient incompatibles avec les contre-indications figurant sur la notice du dispositif.
11. En troisième lieu, le respect du principe d'égalité devant la loi et les règles de concurrence imposent aux ministres compétents de s'assurer que les différences pouvant exister dans les conditions d'inscription, sur la liste prévue par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, de produits étroitement comparables dans le traitement d'une même pathologie ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier. A ce titre, lorsque, se prononçant sur l'inscription d'un produit sur la liste, ils retiennent pour ce produit des conditions d'inscription différentes d'un produit étroitement comparable qui y est déjà inscrit, il leur appartient, afin d'éviter que ces différences ne soient susceptibles d'être manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier, d'engager également le réexamen des conditions d'inscription du produit déjà inscrit.
12. D'une part, l'arrêté en litige distingue l'indication retenue pour le stent Titan Optimax de celles retenues pour les stents actifs. Il ressort des pièces du dossier que cette différence de traitement, qui n'est pas manifestement disproportionnée, est justifiée par les propriétés, l'efficacité et les effets induits de ces différents stents.
13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le stent Pro Kinetic Energy, commercialisé par la société Biotronik France, est étroitement comparable dans le traitement de la même pathologie au stent Titan Optimax, dont il partage la même indication. S'il bénéficiait, à la date de l'arrêté attaqué, de conditions d'inscription sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale différentes de celles de ce dernier, l'inscription du stent Pro Kinetic Energy ayant été renouvelée jusqu'au 1er août 2023 par un arrêté du 23 août 2018 pour des références correspondant à des lésions d'une longueur et d'un diamètre dont la prise en charge a été refusée par l'arrêté en litige pour le stent Titan Optimax, il ressort cependant des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, l'administration avait engagé la procédure de renouvellement et de modification des conditions d'inscription du stent Pro Kinetic Energy, au sujet desquels la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé s'est d'ailleurs prononcée, en tenant compte du rapport d'évaluation de la Haute Autorité de santé de mai 2018 mentionné au point 2, par un avis du 21 novembre 2023.
14. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige, qui n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, méconnaîtrait le principe d'égalité.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 2 août 2023.
Sur la légalité de la décision du 14 février 2022 :
16. La décision du 14 février 2022 a été remplacée, alors qu'elle n'avait reçu aucune exécution faute notamment d'avoir été publiée, par l'arrêté du 2 août 2023. Cette décision et cet arrêté ont la même portée, à savoir le renouvellement de l'inscription des stents Titan Optimax dans les seules indications mentionnées aux points 2 et 3, inscription qui avait préalablement été tacitement renouvelée sous l'effet des dispositions de l'article R. 165-10 du code de la sécurité sociale. L'arrêté du 2 août 2023 étant devenu définitif du fait du rejet par la présente décision des conclusions tendant à son annulation, les conclusions présentées par la société tendant à l'annulation de la décision du 14 février 2022 ont, postérieurement à l'introduction de la requête, perdu leur objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur le surplus des conclusions des requêtes :
17. La présente décision ne faisant pas droit aux conclusions de la société à fin d'annulation, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Hexacath France tendant à l'annulation de la décision du 14 février 2022 fixant les conditions de la réinscription de l'endoprothèse coronaire " Titan Optimax " sur la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société Hexacath France est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Hexacath France, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée à la Haute Autorité de santé.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 juillet 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Eric Buge, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 15 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Eric Buge
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber