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15/07/2024 | FRANCE | N°461437

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 15 juillet 2024, 461437


Vu la procédure suivante :



La société Ginesta Energies a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés non bâties, de taxe spéciale d'équipement, de taxe d'enlèvement des ordures ménagères et de taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019. Par un jugement n° 2001468 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enr...

Vu la procédure suivante :

La société Ginesta Energies a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés non bâties, de taxe spéciale d'équipement, de taxe d'enlèvement des ordures ménagères et de taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019. Par un jugement n° 2001468 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février et 16 mai 2022 et 22 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ginesta Energies demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Ginesta Energies ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SAS Ginesta Energies, titulaire d'un bail emphytéotique sur des parcelles constituant un ensemble foncier d'environ 18 hectares, situées au lieu-dit " La Garenne au-delà de la Cesse " sur le territoire de la commune de Ginestas (Aude), a vu ces parcelles, jusque-là classées dans la catégorie des terres agricoles, reclassées, en 2018, dans la catégorie des terrains à bâtir. Il en est résulté des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés non bâties, de taxe spéciale d'équipement, de taxe d'enlèvement des ordures ménagères et de taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, au titre des années 2018 et 2019, dont elle a demandé la réduction. Par un jugement du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. La société Ginesta Energies se pourvoit en cassation contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1393 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. / (...) ". Aux termes du I de l'article 1396 du même code : " La taxe foncière sur les propriétés non bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés déterminée conformément aux règles définies aux articles 1509 à 1518 A et sous déduction de 20 % de son montant ". Aux termes du I de l'article 1509 de ce code : " La valeur locative des propriétés non bâties établie en raison du revenu de ces propriétés résulte des tarifs fixés par nature de culture et de propriété, conformément aux règles tracées par l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 ". Aux termes de l'article 18 de cette instruction : " En vue de simplifier la formation du tarif provisoire et les autres opérations de l'évaluation, les natures de culture ou de propriété sont rangées, suivant leur analogie, en treize grandes catégories : 1° Terres ; 2° Prés et prairies naturels ; herbages et pâturages ; 3° Vergers et cultures fruitières d'arbres et arbustes, etc. ; 4° Vignes ; 5° ; Bois, aulnaies, saussaies, oseraies, etc. ; 6° Landes, pâtis, bruyères, marais, terres vaines et vagues, etc. ; 7° Carrières, ardoisières, sablières, tourbières, etc. ; 8° Lacs, étangs, mares, abreuvoirs, fontaines, etc., canaux non navigables et dépendances : salins, salines et marais salants ; 9° Jardins autres que les jardins d'agrément et terrains affectés à la culture maraîchère, florale et d'ornementation ; pépinières, etc. ; 10° Chantiers, lieux de dépôt, terrains à bâtir, rues privées, etc. ; 11° Terrains d'agrément, parcs, jardins, pièces d'eau, etc. ; 12° Chemins de fer, canaux de navigation et dépendances ; 13° Sols des propriétés bâties et des bâtiments ruraux cours et dépendances, etc. (...) ". Aux termes de l'article 1516 du même code : " I. - Les valeurs locatives des propriétés bâties (...) ainsi que celle des propriétés non bâties sont mises à jour suivant une procédure comportant : / - la constatation annuelle des changements affectant ces propriétés ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1517 de ce code : " I.- 1. Il est procédé, annuellement, à la constatation des constructions nouvelles et des changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties (...). Il en va de même pour les changements de caractéristiques physiques ou d'environnement. / (...) II. - 1. Les valeurs locatives résultant des changements mentionnés au I du présent article sont appréciées : (...). 2. En ce qui concerne les propriétés non bâties, ces valeurs sont déterminées d'après les tarifs arrêtés pour les propriétés de même nature existant dans la commune ou, s'il n'en existe pas, d'après un tarif établi à cet effet ".

3. Le renvoi par l'article 1509 du code général des impôts aux règles tracées par l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 pour la fixation des tarifs ne concerne que les dispositions de celle-ci déterminant les modalités de détermination du tarif par groupe de nature de culture et de propriété au sein desquelles classer les propriétés non bâties, et par classes à identifier au sein de chacun de ces groupes pour tenir compte des divers degrés de fertilité, de valeur des produits et de situation topographique de ces propriétés, qui ont reçu valeur législative par l'effet de ce renvoi, mais non les règles régissant le classement de chaque parcelle, et notamment celles prévoyant la consultation de la commission communale des impôts directs. La société Ginesta Energies ne pouvait, par suite, utilement invoquer une méconnaissance de cette instruction à l'appui de son moyen tiré de ce que le classement qu'elle contestait n'avait pas été précédé de la consultation de cette commission. Dès lors, c'est par un jugement suffisamment motivé, et sans erreur de droit, que le tribunal administratif a écarté ce moyen en se bornant à juger qu'il ne résultait pas des dispositions du code général des impôts, et notamment de son article 1517, que la commission communale des impôts directs doive être saisie lors de la modification par l'administration du classement d'une propriété non bâtie à la suite d'un changement d'affectation de cette propriété.

4. En deuxième lieu, c'est par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation que le tribunal administratif a jugé que les relevés de propriété correspondant aux cotisations de taxe des années 2018 et 2019 avaient été produits par l'administration, qu'ils mentionnaient, pour chacune des parcelles identifiées, sa référence cadastrale, sa superficie, son groupe d'imposition ainsi que sa " classe tarifaire " et sa valeur cadastrale " imposée ". Dans ces conditions, c'est sans méconnaître son office que le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la société requérante avait disposé des éléments lui permettant de vérifier la régularité des modalités d'évaluation des propriétés non bâties en cause sans qu'il soit nécessaire d'exiger de l'administration la production de documents complémentaires pour vérifier le bien-fondé des impositions contestées.

5. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles 1509, 1516 et 1517 du code général des impôts et de l'article 18 de l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 citées au point 2 qu'un terrain qui est destiné par la volonté de son propriétaire à supporter des constructions doit être classé dans la catégorie des terrains à bâtir, sauf si le propriétaire se trouve, pour des raisons tirées des règles relatives au droit de construire, dans l'impossibilité d'y édifier des constructions ou de le vendre à cette fin.

6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué, non contesté en cassation sur ce point, que le projet de parc photovoltaïque que la société Ginesta Energies prévoyait d'implanter sur les parcelles litigieuses, et pour lequel un permis de construire lui avait été délivré, était composé de panneaux photovoltaïques posés au sol et de locaux techniques comportant six postes onduleurs-transformateurs et un poste de livraison électrique.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossiers soumis aux juges du fond que ces locaux techniques constituaient de véritables constructions, au sens de l'article 1381 du code général des impôts, la circonstance que le " lexique national d'urbanisme " prévu à l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme et établi le 27 juin 2017 par le ministre chargé de l'urbanisme, invoqué par la requérante, ne qualifie de tels que des ouvrages " générant un espace utilisable par l'homme " et en exclue " les installations techniques de petites dimensions " étant sans incidence à cet égard. Par suite, c'est sans erreur de qualification juridique, et par un jugement suffisamment motivé, que le tribunal administratif a jugé que, eu égard aux caractéristiques de ces locaux techniques, les terrains d'assiette du projet envisagé par la société Ginesta Energies étaient destinés à supporter des constructions.

8. D'autre part, dès lors que l'ensemble des parcelles litigieuses étaient destinées à accueillir les installations du parc photovoltaïque ayant fait l'objet du permis de construire délivré à la société Ginesta Energies, elles relèvent de la même nature de propriété, et c'est donc sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que toutes les parcelles constituant les terrains d'assiette de ce projet de parc photovoltaïque, et non les seules parcelles destinées à accueillir les postes onduleurs-transformateurs et le poste de livraison électrique, avaient à bon droit été classées dans la catégorie des terrains à bâtir.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Ginesta Energies doit être rejeté.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame à ce titre la société Ginesta Energies.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Ginesta Energies est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Ginesta Energies et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er juillet 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, Mme Nicole da Costa, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat ; Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 15 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Isidoro

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461437
Date de la décision : 15/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2024, n° 461437
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:461437.20240715
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