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12/07/2024 | FRANCE | N°466271

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 12 juillet 2024, 466271


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er août 2022, 2 novembre 2022 et 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Val-de-Reuil demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation du décret du 14 novembre 2017 déclarant d'utilité publique les travaux de construction du contourneme

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er août 2022, 2 novembre 2022 et 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Val-de-Reuil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation du décret du 14 novembre 2017 déclarant d'utilité publique les travaux de construction du contournement Est de Rouen - Liaison A 28 -A 13, comprenant les liaisons autoroutières entre l'autoroute A 28 (commune de Quincampoix), l'autoroute A 13 (commune d'Incarville) et la route départementale RD 18E (commune de Saint-Etienne-du-Rouvray), conférant le statut autoroutier à ces liaisons et portant mise en compatibilité des schémas de cohérence territoriales de la Métropole Rouen Normandie, du Pays entre Seine et Bray et de Seine Eure Forêt de Bord ainsi que des documents d'urbanisme des communes d'Alizay, Igoville, Incarville, Le Manoir, Léry, Les Damps, Val-de-Reuil et Le Vaudreuil, dans le département de l'Eure, et des communes de Bois-l'Evêque, Boos, Fontaine-sous-Préaux, Gouy, Isneauville, La Neuville-Chant-d'Oisel, Les Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen, Montmain, Oissel, Préaux, Quévreville-la-Poterie, Quincampoix, Roncherolles-sur-le-Vivier, Saint-Aubin-Celloville, Saint-Aubin-Epinay, Saint-Etienne-du-Rouvray, Saint-Jacques-sur-Darnétal, Tourville-la-Rivière et Ymare, dans le département de la Seine-Maritime ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ce décret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 ;

- le code de l'énergie ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la commune de Val-de-Reuil ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier en date du 1er mars 2022, la commune Val-de-Reuil a saisi le Premier ministre d'une demande tendant à l'abrogation du décret du 14 novembre 2017 déclarant d'utilité publique les travaux de construction du contournement Est de Rouen - Liaison A 28-A 13, comprenant les liaisons autoroutières entre l'autoroute A 28 (commune de Quincampoix), l'autoroute A 13 (commune d'Incarville) et la route départementale RD 18E (commune de Saint-Etienne-du-Rouvray), conférant le statut autoroutier à ces liaisons et portant mis en compatibilité des schémas de cohérence territoriales de la Métropole Rouen Normandie, du Pays entre Seine et Bray et de Seine Eure Forêt de Bord ainsi que des documents d'urbanisme des communes d'Alizay, Igoville, Incarville, Le Manoir, Léry, Les Damps, Val-de-Reuil et Le Vaudreuil, dans le département de l'Eure, et des communes de Bois-l'Evêque, Boos, Fontaine-sous-Préaux, Gouy, Isneauville, La Neuville-Chant-d'Oisel, Les Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen, Montmain, Oissel, Préaux, Quévreville-la-Poterie, Quincampoix, Roncherolles-sur-le-Vivier, Saint-Aubin-Celloville, Saint-Aubin-Epinay, Saint-Etienne-du-Rouvray, Saint-Jacques-sur-Darnétal, Tourville-la-Rivière et Ymare, dans le département de la Seine-Maritime. La commune Val-de-Reuil demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande.

2. L'autorité administrative n'est tenue de faire droit à la demande d'abrogation d'une déclaration d'utilité publique que si, postérieurement à son adoption, l'opération concernée a, par suite d'un changement des circonstances de fait, perdu son caractère d'utilité publique ou si, en raison de l'évolution du droit applicable, cette opération n'est plus susceptible d'être légalement réalisée.

3. En premier lieu, la commune de Val-de-Reuil soutient que les travaux de construction du contournement Est de Rouen, déclarés d'utilité publique par le décret du 14 novembre 2017, ont perdu leur caractère d'utilité publique en raison de l'augmentation du montant de la participation financière de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime, à la suite du désengagement financier de la Métropole Rouen Normandie et du département de l'Eure. Il résulte des pièces du dossier que, pour financer le coût global des travaux de construction estimé à 886 millions d'euros, une subvention d'équilibre d'un montant de 490 millions d'euros, représentant 55 pourcents de l'ensemble du projet, devait être prise en charge, à parts égales, par l'Etat d'une part et les collectivités territoriales associées au projet d'autre part. Toutefois, la circonstance que la répartition de cette subvention d'équilibre entre les collectivités territoriales aurait évolué, du fait du désengagement financier de deux d'entre elles, n'est, en tout état de cause, pas de nature à remettre en cause le caractère d'utilité publique de l'opération, et ce alors qu'il n'est, par ailleurs, ni allégué que l'estimation du coût global des travaux aurait substantiellement varié, ni démontré que la modification de cette répartition aurait pour effet de compromettre l'équilibre financier de l'opération.

4. En deuxième lieu, si la commune de Val-de-Reuil fait valoir que la délibération de l'assemblée délibérante de la Métropole Rouen Normandie du 8 février 2021, portant notamment sur le projet du contournement Est de Rouen, a mis en évidence les faiblesses, d'une part, de ce projet, quant à la modélisation des trafics et l'interdiction des poids lourds de transit, telles qu'elle résultaient notamment du dossier d'enquête publique et l'avis de l'autorité environnementale et, d'autre part, de l'examen des solutions alternatives, formulant des contre-propositions d'aménagements, il ne résulte pas des pièces du dossier que ces éléments traduisent un changement dans les circonstances de fait de nature à faire perdre à l'opération son caractère d'utilité publique, tenant au détournement d'une partie significative du trafic de transit qui traverse actuellement le centre de l'agglomération rouennaise afin de contribuer à l'amélioration de la sécurité, de la santé et du cadre de vie des habitants et de favoriser le développement des transports collectifs, tout en améliorant la desserte du territoire et en favorisant le développement de l'économie locale.

5. En troisième lieu, si la commune de Val-de-Reuil soutient que la consommation foncière induite par l'opération du contournement Est de Rouen fait obstacle ou compromet, au regard des dispositions des articles 191 et 194 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales et du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme intercommunal de la Métropole Rouen Normandie approuvé en février 2020, la mise en œuvre d'autres projets d'envergure, elle n'assortit pas ces allégations des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. En dernier lieu, s'il est établi que l'opération contestée engendrera une augmentation nette de l'émission de divers polluants et une augmentation des émissions de CO2 de l'ordre de 50 000 tonnes par an, la circonstance que, postérieurement à l'adoption du décret déclarant d'utilité publique l'opération, des décisions contentieuses aient enjoint à l'Etat de prendre toutes les mesures utiles de nature, d'une part, à réparer le préjudice écologique et prévenir l'aggravation des dommages à hauteur de la part non compensée d'émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone et, d'autre part, à infléchir la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction de ces émissions serre fixés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie et à l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018, n'est pas, par elle-même, de nature à faire perdre à l'opération litigieuse son caractère d'ordre public. Il en va de même de la circonstance que le rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat publié en juin 2022 ait fait état de la nécessité d'accélérer le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune de Val-de-Reuil doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la commune de Val-de-Rueil est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Val-de-Rueil, au Premier ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 mai 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 12 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 466271
Date de la décision : 12/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2024, n° 466271
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:466271.20240712
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