La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2024 | FRANCE | N°465115

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 10 juillet 2024, 465115


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil, d'une part de faire cesser le harcèlement moral dont elle soutient être victime, d'autre part de lui proposer un poste adapté à son état de santé, conformément aux préconisations du médecin de prévention, avec une durée de travail réduite à huit heures et permettant la mise en œuvre d'une formation à distance et

la limitation de ses déplacements à trois par semaine.



Par une...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil, d'une part de faire cesser le harcèlement moral dont elle soutient être victime, d'autre part de lui proposer un poste adapté à son état de santé, conformément aux préconisations du médecin de prévention, avec une durée de travail réduite à huit heures et permettant la mise en œuvre d'une formation à distance et la limitation de ses déplacements à trois par semaine.

Par une ordonnance n° 2205379 du 3 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires, enregistrés les 20 juin, 5 juillet et 6 octobre 2022 et le 25 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme B... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A..., reconnue travailleur en situation de handicap bénéficiant de l'obligation d'emploi actuellement codifiée à l'article L. 351-1 du code général de la fonction publique, a été recrutée à compter du 1er septembre 2021 par un contrat à durée déterminée d'un an en vue d'assurer un enseignement d'anglais à mi-temps, tout en suivant, le reste du temps, la formation prévue pour les professeurs certifiés stagiaires au sein de l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation. Le médecin de prévention de l'académie dans laquelle elle est affectée a émis des préconisations portant sur l'accessibilité de son lieu de travail, la réduction au minimum légal du nombre d'heures d'enseignement qu'elle assure et leur regroupement afin de réduire les déplacements, ainsi que sur l'adaptation des modalités de la formation avec possibilité de la suivre à distance. Estimant que l'administration n'avait pas correctement appliqué ces préconisations et faisait ainsi preuve à son égard d'un comportement constitutif d'un harcèlement moral, Mme A... a saisi le 30 mai 2022 le juge des référés du tribunal administratif de Melun d'une demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Créteil, d'une part, de faire cesser le harcèlement moral dont elle se disait victime et, d'autre part, de lui proposer un poste adapté à son état de santé avec une durée de service réduite à huit heures et permettant la mise en œuvre d'une formation à distance et la limitation de ses déplacements à trois par semaine. Par une ordonnance du 3 juin 2022 prise en faisant application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ". Le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue pour un agent public une liberté fondamentale au sens de ces dispositions.

3. En premier lieu, si la requérante a fait valoir devant le juge des référés qu'une collègue stagiaire, non handicapée, bénéficiait contrairement à elle d'un service réduit à huit heures et d'un tuteur dans l'établissement, et s'est dite victime de ce fait d'une " discrimination liée au handicap ", le juge des référés ne s'est pas mépris sur la portée de ses écritures en considérant qu'elle n'invoquait pas, ce faisant, la violation d'une liberté fondamentale mais se bornait à développer une argumentation au soutien du moyen tiré de ce qu'elle faisait l'objet d'un harcèlement moral. Il n'était, dès lors, pas tenu d'y répondre de manière spécifique et les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de droit à n'avoir pas examiné si l'administration avait méconnu la liberté fondamentale que constituerait le fait de ne pas avoir à subir de discrimination du fait d'un handicap ne peuvent qu'être écartés.

4. En deuxième lieu, s'il est constant que Mme A... a soutenu devant le juge des référés que l'administration avait méconnu certaines des obligations qu'elle devait respecter du fait qu'elle était un travailleur handicapé, elle a conclu les développements de sa demande sur ce point en affirmant que l'absence de respect des préconisations médicales et le refus d'adapter son poste de travail étaient constitutifs de harcèlement moral, sans invoquer, contrairement à ce que soutient le pourvoi, la liberté fondamentale que constituerait le droit pour un travailleur handicapé de bénéficier de conditions de travail conformes à son état de santé. Dès lors, en tout état de cause, le juge des référés n'a ni insuffisamment motivé son ordonnance ni commis d'erreur de droit en n'examinant pas un tel moyen.

5. En troisième lieu, il ne résulte pas des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés, qui n'a cité cette circonstance que comme un élément permettant d'apprécier le comportement global de l'administration, aurait jugé qu'à défaut d'avoir passé le même concours la requérante n'avait pas vocation à voir son service fixé par référence à celui des professeurs certifiés stagiaires.

6. Enfin, pour juger qu'il n'était pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mme A... à ne pas être soumise à une situation de harcèlement moral, le juge des référés a rappelé son argumentation, relevé que si l'administration n'avait pas respecté l'ensemble des préconisations du médecin du travail, elle avait satisfait à la plupart de celles-ci dès octobre 2021, et a conclu qu'au regard de l'ensemble du comportement de l'administration depuis la rentrée scolaire, la requérante ne pouvait être regardée comme victime d'agissements répétés de harcèlement moral. En statuant ainsi, le juge des référés, qui a suffisamment motivé son ordonnance au regard de son office, n'a pas commis d'erreur de droit et a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme d'argent soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 juin 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseiller d'Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 10 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Isidoro

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 465115
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2024, n° 465115
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:465115.20240710
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award