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05/07/2024 | FRANCE | N°492749

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 05 juillet 2024, 492749


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 20 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 13 février 2024 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités albanaises ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.







Vu les autres pièc

es du dossier ;



Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 13 février 2024 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités albanaises ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- la convention européenne d'extradition ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités albanaises l'extradition de M. A..., de nationalité albanaise, pour l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Shköder du 31 mai 2018 le condamnant à une peine d'emprisonnement d'un an pour des faits qualifiés de violences domestiques.

2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice. La circonstance que l'ampliation notifiée à M. A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la légalité du décret attaqué, de même que la circonstance qu'il n'est pas justifié, par les pièces versées au dossier, que l'agent ayant délivré l'ampliation disposait d'une délégation à cette fin.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, le décret attaqué a été pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, conformément à ce que prévoit l'article 696-18 du code de procédure pénale.

4. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition : " Il sera produit à l'appui de la requête : / a) L'original ou l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes prescrites par la loi de la Partie requérante ; / b) Un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée. Le temps et le lieu de leur perpétration, leur qualification légale et les références aux qui leur sont applicables seront indiqués le plus exactement possible ; / c) une copie des dispositions légales applicables ou, si cela n'est pas possible, une déclaration sur le droit applicable (...) ". Il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition émanant des autorités albanaises était accompagnée de l'ensemble des pièces requises par ces stipulations. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le décret accordant son extradition aurait été pris en méconnaissance des stipulations du 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition.

5. En quatrième lieu, si l'intéressé soutient que l'avis de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon a été rendu sans que celle-ci fasse droit à la demande de complément d'informations qu'il avait formée devant elle ni ne complète son instruction sur des points qu'il estime déterminants, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier la régularité de l'avis rendu par la chambre de l'instruction ni de se prononcer sur son bien-fondé.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article 10 de la convention européenne d'extradition : " 1 L'extradition ne sera pas accordée lorsque la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation de la Partie requérante. / 2 L'extradition ne sera pas refusée au motif que la prescription de l'action ou de la peine serait acquise d'après la législation de la Partie requise (...) ". Ces stipulations ne précisant pas la date à laquelle il y a lieu de se placer pour apprécier la prescription de la peine, les dispositions applicables sur ce point sont celles du 5° de l'article 696-4 du code de procédure pénale, selon lesquelles la prescription de la peine s'apprécie à la date de l'arrestation de la personne réclamée.

7. M. A... a été condamné par un arrêt de la cour d'appel de Shköder du 31 mai 2018 à une peine d'un an d'emprisonnement pour laquelle le délai de prescription est, en vertu de l'article 68 du code de procédure pénale albanais, de cinq ans. La prescription n'était dès lors pas acquise en droit albanais le 10 mars 2023, date de l'arrestation en France de M. A.... Par suite, le moyen tiré de la prescription de la peine doit être écarté.

8. En dernier lieu, la seule circonstance qu'une personne ait déposé une demande de statut de réfugié ne fait pas obstacle à ce que le Gouvernement français procède à son extradition. Il appartient au Conseil d'Etat, statuant sur la légalité du décret d'extradition et saisi d'une contestation sur ce point, d'apprécier, au vu des éléments qui lui sont soumis et en faisant, le cas échéant, usage de ses pouvoirs d'instruction, si le requérant peut se prévaloir de la qualité de réfugié pour s'opposer à l'exécution du décret. M. A..., qui se borne à faire valoir, sans d'ailleurs l'établir, qu'il aurait présenté une demande d'asile au Royaume-Uni, n'invoque aucun risque personnel en cas de retour en Albanie. Il n'est donc pas fondé à invoquer le bénéfice de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ni des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 février 2024 accordant son extradition aux autorités albanaises. Ses conclusions présentées au titre de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 492749
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2024, n° 492749
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492749.20240705
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