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05/07/2024 | FRANCE | N°475958

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 05 juillet 2024, 475958


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 février 2018 rapportant le décret du 22 janvier 2015 lui accordant la nationalité française ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.





Vu les autres pièces du d

ossier ;



Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décemb...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 février 2018 rapportant le décret du 22 janvier 2015 lui accordant la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant sénégalais, a déposé le 9 octobre 2013 auprès de la préfecture de la Vienne une demande de naturalisation dans laquelle il a indiqué être célibataire. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 22 janvier 2015, publié au Journal officiel du 24 janvier 2015. Toutefois, par bordereau reçu le 24 février 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international a informé le ministre chargé des naturalisations de ce que M. B... a épousé à Dakar (Sénégal), le 8 novembre 2013, Mme C..., ressortissante sénégalaise. Par décret du 19 février 2018, publié au Journal officiel du 21 février 2018, le Premier ministre a rapporté le décret de naturalisation de M. B... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation maritale. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué figurant au dossier, certifiée conforme à l'original par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur et que celui-ci fait apparaître en caractères lisibles le nom, le prénom et la qualité de ces derniers. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne serait pas revêtu des signatures requises et mentions obligatoires ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie de l'acte dressé par l'officier du centre d'état civil du centre secondaire des Parcelles Assainies de Dakar, que M. B... s'est uni à Dakar (Sénégal), le 5 octobre 2013, à Mme C..., ressortissante sénégalaise résidant habituellement à l'étranger, et que cette union a été enregistrée sur les registres de l'état civil sénégalais le 8 novembre 2013. Cette union, intervenue antérieurement à sa naturalisation, aurait dû être portée à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme il s'y était engagé lors du dépôt de cette demande. L'intéressé, qui maîtrise la langue française ainsi qu'il ressort du compte-rendu de l'entretien d'assimilation du 29 octobre 2013, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée. La simple copie de son passeport, ni ses bulletins de paie d'octobre et de novembre 2013, ne sauraient remettre en cause l'acte dressé par l'officier d'état civil et établir que l'intéressé n'était effectivement pas présent au Sénégal à la date de célébration de cette union. Dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 19 février 2018 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 22 janvier 2015. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juin 2024 où siégeaient : M. Jean-Yves Ollier, assesseur, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 5 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Yves Ollier

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Eche

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 475958
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2024, n° 475958
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Eche
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475958.20240705
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