Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 mars 2023 et le 12 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des locataires indépendants demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre délégué chargé de la ville et du logement ont refusé de modifier, d'une part, le décret n° 88-274 du 18 mars 1988 portant application de l'article 41 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière et relatif à la Commission nationale de concertation et, d'autre part, l'article D. 361-4 du code de la construction et de l'habitation en vue de la nommer parmi les organisations représentatives des locataires au sein de la Commission nationale de concertation en matière de logement et au sein du Conseil national de l'habitat ;
2°) d'enjoindre à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de modifier ces dispositions afin de prévoir sa participation à ces instances dans un délai d'un mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitat, notamment ses article L. 361-1 et D. 361-4 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, notamment ses articles 41 et 43 ;
- le décret n°88-274 du 18 mars 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, la commission nationale de concertation (CNC), qui est une instance de concertation dans le domaine du logement placée auprès du ministre chargé de la construction et de l'habitation, comprend notamment des représentants des organisations représentatives au plan national de bailleurs, de locataires et de gestionnaires et sa composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. L'article 43 de la même loi dispose que : " pour l'application de l'article 41 de la présente loi (...), la représentativité des organisations de (...) de locataires est appréciée d'après les critères suivants : a) Montant global des cotisations ;/b) Indépendance, expérience et activité de l'organisation dans le domaine du logement ;/c) En outre : (...) pour les organisations de locataires, nombre et répartition géographique de leurs adhérents ". En application de ces dispositions, le décret du 18 mars 1988 portant application de l'article 41 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière et relatif à la Commission nationale de concertation énumère, à ses articles 1 et 2, les membres de la CNC, dont cinq organisations nationales représentatives des locataires.
2. En second lieu, l'article L. 361-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le Conseil national de l'habitat (CNH), qui est une instance consultative dont le ministre chargé du logement peut recueillir l'avis sur toute question relative à la politique du logement, comprend parmi ses membres un député et un sénateur, et leurs suppléants, et que, en dehors de ceux-ci, la composition du conseil est précisée par décret. En application de ces dispositions, l'article D. 361-4 du même code fixe la composition du CNH, et en particulier la liste des treize membres composant le collège des usagers.
3. Par la présente requête, l'Union nationale des locataires (UNLI) demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires a rejeté sa demande tendant à modifier les dispositions règlementaires, mentionnées aux points 1 et 2, afin de l'intégrer au sein de la CNC et du CNH, et à ce qu'il soit enjoint à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de modifier ces dispositions à cette fin.
Sur la légalité externe :
4. Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ". S'il résulte de ces dispositions que le silence gardé sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet est susceptible d'entacher cette décision d'illégalité, c'est à la condition toutefois qu'elle soit intervenue dans un cas où une décision expresse aurait dû être motivée.
5. La décision par laquelle le ministre chargé de la transition écologique et de la cohésion des territoires a refusé de modifier les dispositions fixant la composition de la CNC et du CNH a un caractère réglementaire. Ni les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration, qui s'appliquent aux décisions individuelles, ni aucune autre disposition ni aucun principe n'imposaient sa motivation. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait illégale faute de réponse à la demande de communication de ses motifs effectuée par l'UNLI n'est pas fondé.
Sur la légalité interne :
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 23 avril 2022 du directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages ainsi que des écritures du ministre en défense, que la décision de ne pas intégrer l'UNLI parmi les organisations représentatives des locataires au sein de la CNC et du CNH se fonde sur sa comparaison avec les organisations siégeant déjà au sein de ces instances s'agissant notamment de la répartition géographique de ses adhérents, du montant de ses cotisations et de son expérience. Eu égard à ces éléments, et compte tenu de la large marge d'appréciation que les dispositions législatives citées aux points 2 et 3 lui confèrent pour composer ces instances, le pouvoir règlementaire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'y intégrer l'UNLI.
7. Il résulte de ce qui précède que l'UNLI n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense, ses conclusions aux fins d'annulation et aux fins d'injonction ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de Union nationale des locataires indépendants est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des locataires indépendants et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 mai 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et Mme Sara-Lou Gerber, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 5 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Sara-Lou Gerber
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire